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Hommage à André de Peretti
Hommage à un grand monsieur de la pédagogie
Je me souviens de l’excitation dans notre équipe du CRAP-Cahiers pédagogiques, quand nous avons pris connaissance du Rapport de Peretti sur la formation continue qui ouvrait de si belles perspectives, dans l’euphorie postmai 81.
Je me souviens du ton si posé avec lequel André de Peretti, intervenant à notre première Université d’été institutionnelle, fustigeait les néoréacs, mais avec une délicieuse courtoisie à l’ancienne : «Non, vraiment, ce qu’ils disent n’est pas convenable !»
Je me souviens de son rejet constamment exprimé, comme une légitime obsession, du «mythe identitaire», rejet plus actuel que jamais.
Je me souviens de la force de conviction d’un homme toujours jeune, qui nous met en garde contre les tentations de l’impatience et du pessimisme amer. Et une phrase souvent proférée, «les choses avancent lentement», qui parfois irrite notre fougue novatrice, mais souvent remet en perspective.
Je me souviens de ses apports à notre revue, ses formidables listes de dispositifs, outils, qui montrent bien que non, on n’a pas tout essayé, et que oui, il y a mille manières d’enseigner, d’évaluer, d’animer des groupes, d’engager sur les chemins de l’apprendre.
Je me souviens d’un article des Cahiers où l’un de nos rédacteurs s’adressait à lui affectueusement sous le nom de « oncle André ».
Je me souviens de nos remerciements à la fin de colloques, à la fin d’entretiens, et je me souviendrai des remerciements que nous ne manquons pas de lui adresser pour ses 100 ans.
Jean-Michel Zakhartchouk
L’alliance de la pertinence et de la délicatesse
Je ne sais plus vraiment de quand date ma première rencontre avec André de Peretti. J’ai le sentiment étrange que, dès mes premiers engagements, il fut à mes côtés. Et que, depuis bien plus de 100 ans, il est là, avec ses poèmes, ses textes et ses tableaux, ses pièces de théâtre et ses essais, ses conférences savoureuses et ses rapports officiels, son immense culture et sa fabuleuse modestie, avec ses mille et une propositions que je n’aurai jamais fini d’explorer.
Quand je tâtonnais, à mes débuts, confondant le respect de l’autre et la totémisation des différences, il m’expliquait déjà, dans son étude lumineuse sur Carl Rogers, la nécessaire dialectique entre l’empathie et la congruence : « Entrer dans le référentiel de l’autre, me chuchotait-il, mais sans s’y perdre. » Sans perdre de vue, non plus, l’inscription de tout travail éducatif dans une institution, une organisation, un projet politique : pour ne pas succomber à la tentation si excitante de la marginalité narcissique.
Plus tard, quand, emporté par mes emballements éducatifs, j’éprouvais la résistance de l’autre et le caractère irréductible de sa liberté, il sut me dire, avec cette légèreté qui est, chez lui, l’alliance si précieuse de la pertinence du propos et de la délicatesse de l’attention : «Soyez aérien. Soyez là, infiniment présent, mais toujours assez en retrait pour que l’autre s’engage et choisisse la vie parce que vous lui avez fait entrevoir la lumière.»
Plus tard encore, quand nous étions parfois tentés par une conception quelque peu mécanique de la différenciation pédagogique, il nous expliqua, avec cet art de la synthèse qui offre sans intimider et propose sans enfermer, que nous disposions de possibilités immenses et insoupçonnées pour donner à toutes et à tous le gout et les moyens d’apprendre et de grandir.
Il n’est pas un domaine de la pédagogie (et, au-delà, de la réflexion sur notre «humaine condition» dans la modernité) où André ne nous livre des clés pour «être nous-mêmes» et «être au monde» tout à la fois. C’est qu’«humanité» rime, chez lui, avec «humour», mais aussi avec «amour». Un amour pétillant et jamais pesant de ce qui fait émerger la connaissance et tressaillir la vie. Un amour retenu qui n’étouffe personne, mais autorise chacune et chacun à «faire œuvre de lui-même». Un amour qui avance à petits pas, depuis 100 ans, avec moi comme avec tant d’autres. Depuis 100 ans et pour bien longtemps encore, tant il y a de choses à découvrir et à redécouvrir dans l’œuvre, à jamais inachevée, d’André de Peretti.
Philippe Meirieu
Présence d’André de Peretti
Présence de Carl Rogers[[Éditions Érès, en 1997, c’est l’édition actualisée de l’ouvrage paru aux éditions Privat en 1974, Pensée et vérité de Carl Rogers.]] est un livre qui introduit en France la pensée de Carl Rogers et l’approche centrée sur la personne, grâce à André de Peretti. Par effet de mise en abime, le titre Présence d’André de Peretti devient le titre de ce trop court texte pour dire ce qu’André de Peretti représente pour moi. Pour tout le reste, un site lui est entièrement dédié : http://andredeperetti.net.
Je fus un professeur des années 80, de la génération de la formation continue, mais d’avant les IUFM (universitaire de formation des maitres), du projet d’établissement et de la diversification pédagogique. À la maison, des livres étaient là que mes parents discutaient déjà. Mes choix et mes actes portaient une grande part de ce qu’André de Peretti avait semé. Peretti avant André.
Peretti est devenu André de, quand j’ai eu la chance d’accéder à une vraie formation de formateurs, comme il n’en existe plus à ce jour. Une semaine entière en 1993, un temps incarné, dense, suffisant pour comprendre ce que «transformer» signifie. Ses paroles, écrits, pratiques, exercices, rôles ont formé et forment encore un entrelacs dynamique et actuel qui guide réflexion, productions et vision sur l’éducation, vingt ans plus tard.
J’ai proposé à André de donner une vie numérique à ses travaux, qui avaient anticipé l’écriture hypertexte de l’internet, accessible depuis peu (1997). Dans ce même processus, de partager les questions ou les difficultés que je rencontrais dans l’accompagnement du changement auprès des équipes enseignantes, à Paris et ailleurs. On ne peut innover sans faire d’inventaire expert et partagé.
J’ai rencontré d’autres influences qui élargissent le spectre de mes travaux sans doute, mais les mots d’André et sa fréquentation régulière en font pour moi un mentor irremplaçable.
François Muller
Département recherche et développement innovation et expérimentation à la Direction générale de l’enseignement scolaire, coauteur, avec André de Peretti, de Contes et fables pour l’enseignant moderne (Hachette, 2006) et de Mille et une propositions pour animer sa classe et innover en cours (ESF, 2015), http://francoismuller.net
D’autres articles de ou à propos d’André de Peretti à lire sur notre site :
« Le bien, le beau, le bon gagnent toujours », entretien avec André de Peretti
Que dire au nouveau président ?, messages de membres de notre comité de parrainage à François Hollande, nouvellement élu président de la République
Grande lecture ! ?, relecture de notre dossier « Qu’est-ce qui fait changer l’école ? », par André de Peretti
Comment utiliser la diversification des rôles dans la classe comme facteur de motivation et de réussite ?, par André De Peretti
Et cette vidéo, réalisée par Thierry Foulkes pour le n°500 des Cahiers pédagogiques :
Bibliographie
Quelques ouvrages d’André de Péretti sur la pédagogie et la formation:
- Organiser des formations, éd. Hachette, 1991.
- Encyclopédie de l’évaluation en formation et en éducation, éd. ESF, 1998 (en collaboration avec Jean-André Legrand et Jean Boniface).
- Contes et Fables pour l’enseignant moderne, éd. Hachette, 2006 (avec François Muller).
- Mille et une propositions pédagogiques : Pour animer son cours et innover en classe, ESF, 2016, avec François Muller.
Deux ouvrages plus philosophiques et anthropologiques :
- Le sens du sens, éd. Hermes Lavoisier, 2011.
- La double hélice des civilisations : Le parti pris de l’optimisme, éd. Chronique Sociale, 2015.
Un livre collectif sur son œuvre :
- Pédagogue d’exception, sous la direction de Martine Lani-Bayle. Collection Histoire de vie et formation, 2011.