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« Notre groupe a bénéficié de la contribution d’une centaine de personnes. »

On ne parle guère du projet de programme pour le cycle 2, pouvez-vous nous dire quels sont ses points forts, en quoi ils différent vraiment des précédents ?
Il est très difficile de répondre de façon succincte à cette question, car nous avons proposé huit à dix idées directrices pour chaque discipline. Par exemple, l’enseignement de la compréhension qui tient une place importante en Français, la composition décomposition en Mathématiques, un questionnement du monde fondé sur des démarches d’investigation adaptées aux élèves du cycle 2, etc. Plutôt que de dresser une longue liste, je préfère donc évoquer les huit principes qui, selon nous, caractérisent le cycle 2 :

  1. Les élèves ont le temps d’apprendre.
  2. Le sens et l’automatisation se construisent simultanément.
  3. La langue française constitue l’objet d’apprentissage central.
  4. On ne cesse d’articuler le concret et l’abstrait.
  5. L’oral et l’écrit sont en décalage important.
  6. Les connaissances intuitives tiennent encore une place centrale.
  7. Les élèves apprennent à réaliser les activités scolaires fondamentales, que l’on retrouve dans plusieurs domaines d’enseignement et qu’on retrouvera tout au cours de la scolarité.
  8. Les élèves justifient de façon rationnelle.

Qu’attendez-vous de la consultation ?
Nous en attendons énormément : un retour sur ces huit principes, un retour sur la façon dont nous avons envisagé ces programmes de cycle au sein du socle commun (notamment l’idée d’objectifs de fin de cycle et d’activités spécifiques pour chaque année de cycle) et enfin un retour sur les idées directrices que nous avons proposées au sein de chaque discipline. Nous attendons aussi une réponse aux questions posées par le CSP (Conseil supérieur des programmes) : adéquation entre les ambitions, le cadre horaire et l’âge et des élèves ; niveau d’exigence ; continuité des apprentissages ; lisibilité des projets ; pertinence au regard des objectifs du socle.

Comment a travaillé le groupe cycle 2 ? Et comment s’est-il situé entre maternelle et cycle 3 ?
Notre travail a été guidé par deux grands principes :
– notre groupe (1 enseignant cycle 1, 2 enseignants maitres-formateurs cycle 2, 3 universitaires, 2 conseillers pédagogiques, 2 IEN, 1 IGEN, soit 11 personnes dont 9 sont ou ont été enseignants dans le premier degré) n’a pas à faire passer ses idées mais à écouter des experts et à faire des choix parmi les idées des experts (les critères de choix étant : des idées fortes et réalistes, consensuelles et étayées scientifiquement).
– le travail de notre groupe et les contributions des experts doivent être tout à fait transparents : chacun peut voir qui nous avons écouté, ce que ces personnes nous ont dit, ce que nous en avons tiré.

Pour réaliser ce travail nous avons donc sollicité 54 experts, à l’oral et/ou à l’écrit. Leurs contributions ont été mises en ligne par le CSP. Nous avons aussi bénéficié des apports des experts sollicités par le groupe Cycle 3.
Nous leur avons posé les questions suivantes : Quelles connaissances ou compétences dans telle discipline peuvent être attendues de tous les élèves en fin de Cycle 2 ? Avec quels niveaux de maîtrise au cours du cycle 2 ? A quels moments de la scolarité situez-vous des paliers dans les apprentissages ? Pouvez-vous caractériser ces paliers ? Pourriez-vous nous faire part de votre position à propos des éléments avancés dans la conférence de consensus sur l’enseignement de telle discipline ? Quels sont selon vous les points positifs et négatifs que vous voyez dans les programmes de 2002 ? Dans ceux de 2008 ? Pourriez-vous décrire explicitement et concrètement quelques situations exemplaires, qu’il serait possible de relier aux contenus essentiels proposés dans les programmes ? Auriez-vous des recommandations à faire sur la forme et l’écriture des futurs programmes ? Nous les avons aussi interrogé sur la faisabilité des programmes, sur la notion de niveau de maîtrise et sur la prise en compte des élèves à besoins spécifiques.

Nous avons aussi reçu des contributions écrites de la COPIRELEM, la FADBEN, l’USEP et le SNEP-FSU.
Nous avons bénéficié de l’aide de 26 rédacteurs dont la moitié étaient des experts sollicités précédemment. Une collègue du groupe Cycle 3 nous a rejoint en décembre pour nous aider plus spécifiquement sur les Arts.

Enfin, nous avons bénéficié d’un travail important de relecture des différentes versions de notre texte, par 30 relecteurs (enseignants en cycle 2, conseillers pédagogiques, inspecteurs, formateurs), ainsi que par le CSP lui-même.

Notre groupe a donc bénéficié de la précieuse contribution d’une centaine de personnes.

Le travail de rédaction a été réalisé de façon concertée avec le cycle 3 pour chaque discipline, sur le fond comme sur la forme, et parfois avec le cycle 4. Bien entendu, nous avons pris en considération les programmes de cycle 1.

Que pensez-vous de la question du « jargon » qui est soulevée par certains ? Peut-on vraiment rédiger des programmes compréhensibles par tous ? Et qu’en pense le chercheur que vous êtes ?
Cela a été une préoccupation majeure pour notre groupe dès le début de nos travaux. Par exemple, pour revenir sur l’enseignement de la compréhension, nous avons beaucoup hésité sur l’expression « produire des inférences ». Cela relève-t-il du jargon ? Nous avons pensé que non. Cela est-il aisé à comprendre pour tous ? Nous avons pensé que non. Dans l’introduction de notre texte, nous avons donc utilisé à la place « en comprenant ce qui parfois n’est pas tout à fait explicite » puis, dans le tableau qui traite spécifiquement de cette question, le mot « inférence » est utilisé, en explicitant : « convocation des informations non présentes dans le texte mais nécessaires pour le comprendre ».

On voit avec cet exemple que cet exercice a des limites. Donc, pour répondre à la commande d’un texte à la fois court, lisible par tous et utile aux enseignants, nous avons conçu un projet de programme pour le Cycle 2, constitué d’un texte à deux niveaux, où le niveau 1 ouvre des liens hypertextes vers le niveau 2, les deux niveaux étant indissociables.

Le niveau 1 ne peut être utilisé sans le niveau 2 :
– le niveau 1 est un texte court, publié au BOEN, lisible par les enseignants, les familles, tous les citoyens français ;
– le niveau 2 est un ensemble de textes, qu’on atteint en cliquant sur des liens (en bleu dans le texte des programmes). Ces textes renvoient à des exemples de situations d’enseignement, des définitions, des explicitations, des exemples de progression. Les liens hypertextes peuvent aussi ouvrir des ressources existantes. Nous pensons essentiel qu’à terme, cet ensemble de textes soit vivant (évolutif) et alimenté par la communauté éducative.

La version soumise à la consultation ne contient malheureusement pas de textes de niveau 2, et nous le regrettons beaucoup. Quelques exemples de ces documents de niveau 2 sont donnés sur le site du conseil supérieur des programmes. Ils ne constituent nullement des « modèles », mais des « spécimens » destinés à être amendés par la communauté éducative, et complétés par beaucoup d’autres (autant que de termes écrits en bleus dans le texte des programmes).

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

La consultation sur les programmes de l’école élémentaire est ouverte du 11 mai au 12 juin sur le site mis en place par le ministère de l’Éducation nationale.