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Femmes pédagogues, du XXe et XXIe siècle
Après un premier tome consacré aux femmes pédagogues depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XIXe siècle, Jean Houssaye qui a entrepris depuis plusieurs années un formidable travail de mise en valeur de l’œuvre des pédagogues, récidive ici avec un volume épais, qui présente une vingtaine de « femmes pédagogues », des plus connues (Pauline Kergomar, Maria Montessori) aux inconnues, du moins en France.
Nous sommes particulièrement sensibles, aux Cahiers, de voir en bonne place notre ancienne rédactrice en chef, Cécile Delannoy, présentée par Jacques George qui l’a bien connue et qui en dresse un portrait dynamique et passionnant.
Chaque pédagogue est donc présentée par un chercheur (Jean Houssaye traite le cas de Maud Mannoni, créatrice de l’école expérimentale de Bonneuil et grande figure de la psychanalyse d’enfants), qui évoque à la fois sa vie et son œuvre et quelques éléments de débats , y compris dans l’actualité récente. Puis plusieurs textes sont proposés, ce qui est particulièrement précieux, chacun pouvant faire des découvertes et relativiser la « nouveauté » de certains écrits actuels !
On relèvera quelques points communs, au-delà des énormes différences entre représentantes d’un catholicisme social et révolutionnaires marxistes-léninistes (dont l’épouse de Lénine, présentée de manière qu’on aurait peut-être aimé plus critique pour la dictature qu’elle a cautionnée, voire glorifiée). Ces femmes, bien sûr, ont eu du mal à s’imposer, à se faire une place. La plupart ont cherché à inventer une autre école, d’autres rapports à l’enfant. Jean Houssaye se pose la question dans une stimulante préface de savoir s’il y a une spécificité féminine de la pédagogie. Depuis Pauline Kergomard, fondatrice de l’école « maternelle » en France, jusqu’aux nuances de Dora Russel par rapport à la pensée de son célèbre mari (Bertrand Russel), des éléments peuvent faire pencher pour le oui. En tout cas, on trouve une forte préoccupation pour l’enfant, être cognitif, mais aussi sensible. Beaucoup adhérent à la formule de le mettre « au centre », même si c’est compris de manière très différente selon les personnalités et les valeurs sous-jacentes. La coopération est mise en avant, ainsi que la prise en compte des différences, encore que celle-ci soit entendue tout autant comme recherche de l’hétérogénéité dans le collectif que comme mise en avant des talents individuels et parcours individualisés, qui deviennent facilement des « filières ».
La posture politique à laquelle nous avons fait allusion plus haut, oscille du réformisme « libéral » (la mise en pratique des idées de John Dewey par Helen Parkhurst) au souci révolutionnaire, illustré par exemple par les actions de Colette Noêl au Québec. Il est important de mettre en évidence des contradictions qui sont au cœur de la pédagogie (pas seulement celle des « femmes pédagogues ») et c’est un des intérêts de cet ouvrage de référence.
La formation des enseignants et enseignantes n’est pas oubliée : elle est une préoccupation constante de nombre de ces pédagogues. La préoccupation pour des contenus riches, pour une approche culturelle forte, n’occulte pas la nécessité de travailler sur le « comment faire ».Le goût du concret féminin ? Nos « réformateurs » actuels de la formation des enseignants en France pourraient lire quelques pages de ce livre, ils pourraient se rendre compte que la formation universitaire dite de haut niveau ne permet aucunement d’affronter les problèmes de gestion des groupes, d’organisation matérielle, de mise en place de dispositifs précis…
On perçoit en tout cas la richesse de tout cet ensemble de réflexions, trop mal connues. Les critiques qui sont faites à ces pédagogues peuvent être riches et fécondes (la partie « débats critiques » est souvent remarquable), bien loin de celles qui, rappelées ici, reprennent le refrain du « rabaissement des savoirs » et du « culte de l’enfant (roi ?) », oubliant l’exigence affirmée très souvent, le refus du laxisme, l’ambition intellectuelle et culturelle. Qu’on lise par exemple les belles pages de Maria Boschetti-Alberti (pages 265 à 271) ou la rigueur du dispositif d’ « enseignement réciproque » prôné par Annemarie Sullivan Palinscar.
On saura gré aussi au coordonnateur d’avoir cherché à élargir à un vaste horizon international le champ de cette pédagogie au féminin, puisque nous voyageons dans cette encyclopédie du Brésil aux États-Unis, en passant par la Hongrie, la Russie ou l’Italie.
On ne peut que saluer les éditions Fabert de nous offrir (à un prix modique) une telle somme d’histoire si actuelle.
Jean-Michel Zakhartchouk
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