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« Enseigner en classes hétérogènes »

Enseigner en classes hétérogènes , c’est une réalité quotidienne plus ou moins bien vécue par les enseignants… Pourquoi ?

L’hétérogénéité des classes continue à être ressentie par nombre d’enseignants comme problématique, alors qu’elle pourrait être une « chance », car finalement, ce qui est le plus difficile, n’est-ce pas l’homogénéité de classes « difficiles » ou « en difficulté » ?

De plus, l’hétérogénéité est souvent réduite à des questions de niveau scolaire, en oubliant les multiples composantes de la diversité dans une classe. Ce qui rend la tâche de l’enseignant complexe. Ainsi, comment gérer les difficultés d’élèves quand les uns sont trop « lents », ne suivent pas le rythme, ont toujours besoin de plus de temps, quand les autres ont fini avant tout le monde, mais dans le sens du travail bâclé, sans parler des élèves à besoins particuliers (dys, élèves dit intellectuellement précoces, allophones…) ?

Une anecdote : il m’arrivait souvent comme formateur de demander aux participants de lister ce qui faisait l’hétérogénéité d’une classe. Parfois, au bout de dix minutes, personne n’avait cité la question du genre, alors qu’on sait qu’on trouve des rapports à l’école et au savoir très différents entre garçons et filles, surtout dans les milieux populaires (aisance ou non à l’oral, capacité plus grande à suivre des règles, trop-plein ou manque de confiance en soi…).

Quel était votre objectif en écrivant ce livre ?

En fait, mon objectif en rédigeant ce livre était double :

– Mieux décrire l’état des lieux, montrer la complexité des situations au lieu d’en rester à la distinction forts/faibles/moyens.

– Proposer des pistes pédagogiques nombreuses et plurielles : organiser la classe autrement, jouer sur l’entraide et la coopération, ne pas faire toujours la même chose en même temps pour tous, varier les tempos des cours, trouver des formes d’évaluation autres que la note, avec l’idée d’évaluer les progrès plus que les performances, combiner des manières différentes de motiver les élèves, ou encore jongler avec le travail en classe ─ qui reste primordial ─ et les dispositifs d’accompagnement qui peuvent être féconds à certaines conditions.

Un vaste chantier à explorer, avec comme obstacles à écarter : la résignation et le conformisme du « il n’y a qu’une seule façon de faire ».

Quid de cette nouvelle édition ?
Ce livre a été écrit en 2014 pour la première édition, mais je pense qu’il reste tout à fait actuel, d’autant qu’un certain nombre de références à des dispositifs institutionnels ont été actualisées : le socle commun de 2016, les orientations du ministère qui sont assez différentes aujourd’hui…

Le principal enrichissement de cette édition est l’ajout d’un chapitre : « La différenciation est-elle possible à distance ? » Même s’il ne s’agit encore que de quelques témoignages de ce qui peut être réalisé à travers les « visios » telles qu’on les a connues pendant le confinement, il est important de lancer la réflexion, car un outil nouveau vient d’être exploré et il aura de l’avenir.

Si certains enseignants se sont contentés d’un cours plus magistral que jamais sans prendre en compte la diversité de leurs élèves, y compris en matière d’équipement technique, un grand nombre d’entre eux ont tenté des solutions pour personnaliser ou pour trouver des formes originales, comme le débat à distance, les « défis » par petits groupes, voire l’utilisation du téléphone lorsque c’était nécessaire. On pourra imaginer, peut-être dans deux ou trois ans, une autre édition où ce chapitre serait considérablement augmenté !

Même si vous le signez, il s’agit d’un livre collectif, ou collégial. Comment avez-vous procédé pour l’écrire ?

J’ai toujours grand plaisir à intégrer aux ouvrages que je publie dans cette collection de ESF des contributions venues de plusieurs horizons. Pour une part, je puise dans le trésor des archives des Cahiers pédagogiques (puisque j’avais coordonné notamment un numéro sur ce thème avec Christine Vallin). Mais pour la plus grande part, j’ai sollicité des collègues pour qu’ils partagent leur expérience, ce qui donne des outils très pratiques, des idées finalement assez faciles à mettre en place (le « coin puzzle », la « table des apprentissages » ou « comment enseigner autrement le théorème de Pythagore », entre autres). Au passage, notons que je n’ai aucun scrupule à demander ces contributions qui nourrissent le livre, puisque les droits d’auteur reviennent au CRAP-Cahiers pédagogiques !

La diversité des écrits n’aboutit cependant pas à un patchwork ou à une sorte de dossier de revue. Toutes les contributions sont intégrées dans un ensemble qui se veut cohérent et structuré, et je suis très reconnaissant du beau travail mené à chacun de mes livres par les éditions ESF, dont les responsables sont très soucieux de la qualité du produit final en termes de maquette et de lisibilité.

Propos recueillis par Cécile Blanchard