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Des ceintures pour évaluer les compétences des élèves

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Fiches théoriques et pratiques, récits et témoignages, outils pratiques : ce livre a pris un visage concret. Pour quelles raisons ?

Dominique Natanson : Ce livre répond à des demandes. Quand sur la liste de diffusion des Cahiers Pédagogiques, sur les réseaux sociaux ou dans des formations, la question de l’évaluation par ceintures était évoquée, nous répondions succinctement à partir des expériences que Marc et moi avions tentées. Et la de­mande en retour était : « Concrètement, comment s’y prend-on ? »
Une petite fiche de deux pages « Ceintures : mode d’emploi » pour envoyer aux col­lègues par courriel ; un article dans les Cahiers Pédagogiques où je faisais le récit d’une des expériences d’expérimentation des ceintures ; d’autres fiches pratiques ; un rappel succinct du contexte de naissance des ceintures : tout cela nous a amenés à cet ouvrage, bon marché, qui doit pouvoir être lu dans une heure de trou de l’emploi du temps. Ainsi est né ce court « Guide pédagogique », dans le contexte du grand remue-méninges créé par l’adoption du socle commun, guide à destination du nombre croissant de collègues convaincus de changer radi­calement de procédures d’évaluation.

Comment êtes-vous arrivés l’un et l’autre à l’évaluation des compétences par ceintures ?

Marc Berthou : Je pense que c’est pour ma part, en réaction à plein de choses : la notation chiffrée, avec l’expérience, est devenue gênante et absolument pas adaptée à tous les élèves. Je suis aussi toujours à la recherche d’un moyen de faire travailler tous les élèves, oui, même la fille qui mâchouille son chewing-gum au fond de la classe, tous les élèves. Pas de notes, donc pas de casseroles à traîner et surtout une transparence des critères de réussite qui est totale. Pour moi c’est la quintessence. La ceinture est un couteau suisse génial permettant de faire de l’amont et de l’aval, de construire et de déconstruire la compétence, de rendre un contenu intelligent, de faire du transversal, de communi­quer avec les en­fants, les parents et les collègues.

Dominique Natanson : Les ceintures sont arrivées dans mes pratiques par une sorte de nécessité. Le collège dans lequel j’enseignais avait accepté d’ouvrir une classe de 4e « Aide et soutien » fin des années 90, qui regroupe­rait les élèves en difficulté du bassin scolaire. Si nous n’étions pas des fanatiques du regroupement d’élèves sur la base de leur échec scolaire, nous avons accepté à deux conditions : les élèves sortant de cette 4e AS devraient pour la plupart intégrer une 4e normale en fin d’année et d’autre part, l’équipe d’enseignant devait être formée de volontaires, si possibles expérimentés, disposer d’un temps hebdomadaire de concertation et pouvoir pratiquer une pédagogie hors-normes…

Pour sélectionner les 16 élèves de la classe, nous avions demandé copie de leur bulletin trimestriel aux collèges voisins. Outre les traces de blanco tentant de nous cacher des problèmes de comporte­ment, nous avions évidemment repéré la faiblesse des résultats scolaires et avions analysé que ces élèves n’avaient rien à attendre d’un système de notation, qui, copie après copie, bulletin après bulle­tin, ne réussissait qu’à décourager, qu’à rabaisser, qu’à humilier…
J’avais lu Oury et m’étais intéressé au « Conseil » de la Pédagogie Institutionnelle, qui fut instauré dans cette classe et fut une des bases pédagogiques de son fonctionnement. Les ceintures faisaient aussi partie de l’arsenal de la Pédagogie Institutionnelle, pourquoi ne pas essayer ? Le reste de l’aventure est dans l’article des Cahiers Pédagogiques qui se trouve dans le livre…

Votre premier livre s’appelait « Jouer en classe ». Le jeu mènerait-il aux ceintures ?

Marc Berthou : On est dans la même philosophie bien sûr… celle qui laisse de l’espace au élève, celle qui permet de s’autoévaluer, celle qui fait prendre conscience à l’élève qu’il peut faire plein de choses et qu’on ne peut pas résumer des compétences à une pauvre note sur 20. Une philosophie où la fin de l’histoire n’est pas toujours écrite au début du cours, où les incertitudes sont nombreuses.
On est aussi dans de l’hédonisme pédagogique : dans les deux cas, le prof se fait plaisir et fait plai­sir. On est dans une pédagogie qui bouscule un peu, ou le prof devient entraîneur, un prof qui tente des choses et qui se souvient du nombre incalculable de fois où quand il était élève, il a regardé sa montre en baillant et donc qui tente autre chose.

Dominique Natanson : Les deux points communs que je vois sont l’idée centrale que l’élève doit construire son savoir, dans des situations complexes, en étant l’acteur majeur et aussi, bien sûr, la lutte contre le découragement.
Le jeu aide à construire des savoirs et des compétences : l’élève y est un acteur dynamique. Les ceintures permettent à l’élève de construire sa progression dans l’action.
Le jeu lutte contre l’ennui et le découragement. Les ceintures aident à construire une démarche valorisante, par étapes franchies, par appropriation progressive, sans dévalorisation : évaluer sans dévaluer…


Des mêmes auteurs, sur notre librairie : Jouer en classe en collège et en lycée

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