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De nouvelles perspectives pour l’inclusion
En tant qu’enseignante spécialisée et intéressée depuis longtemps par l’apport du numérique pour les élèves d’enseignement général et professionnel adapté (EGPA), j’ai décidé d’expérimenter dans mes pratiques certains outils qui me semblaient prometteurs et facilitant l’inclusion. J’ai commencé à tester dans un premier temps les grands modèles de langage (ou LLM pour Large Language Model) comme ChatGPT, Claude, Mistral AI. Ces agents conversationnels qui simulent les conversations humaines offrent de nouveaux outils prometteurs pour favoriser l’inclusion. Ils peuvent répondre à des besoins professionnels et notamment de rentrer dans la démarche de l’accessibilité pour tous.
En s’appuyant sur les principes de la Conception universelle de l’apprentissage (CUA), les IA génératives permettent de diversifier les moyens de représentation et répondre aux besoins variés des élèves. Par exemple, des outils comme la synthèse vocale, le sous-titrage automatique ou la transcription en braille facilitent l’accès à l’information pour les élèves à besoins particuliers (EBEP). En outre, les plateformes éducatives intégrant l’IA permettent de personnaliser les apprentissages, offrant des supports variés (vidéos interactives, infographies simplifiées, illustrations ou textes adaptés) tout en soutenant l’engagement grâce à des systèmes de badges ou de récompenses numériques.
Par ailleurs, ces technologies encouragent l’expression et l’action par le biais de logiciels adaptatifs (adaptative learning), permettant aux apprenants de choisir leur mode de communication préféré, qu’il soit écrit, oral ou visuel. Il est également possible d’accompagner l’apprenant dans ses fonctions exécutives, en proposant des outils d’autorégulation tels que des listes de vérification interactives ou des exercices de pleine conscience.
Les enseignants ont la possibilité d’enrichir leurs pratiques sans compétences numériques spécifiques. En rendant les apprentissages plus accessibles, interactifs et personnalisés, nous pouvons offrir à nos élèves une qualité d’enseignement qui pourra davantage leur permettre d’atteindre leurs objectifs.
Un exemple concret : en flashant ce QR code vous trouverez la synthèse vocale d’un résumé de ce paragraphe qui a été fait par un LLM, Claude 3.5, en suivant ces étapes :
Étape 1 : Prompt intégré dans un LLM : « réalise un résumé de ce paragraphe sans les sigles : [copier-coller du texte ci-dessus] ».
Étape 2 : Se rendre sur Educajou, copier coller son texte dans « lis pour moi ».
Étape 3 : générer le QR code sur le site https://ladigitale.dev/digicode/
L’accessibilité n’est pas toujours suffisante, pour certains apprenants il faut passer par l’adaptation afin de répondre à leurs besoins spécifiques.
Les modèles de langage peuvent reformuler des consignes pour des élèves dyslexiques ou diversifier les contenus en fonction des compétences des élèves pour ceux ayant des difficultés de compréhension. Cela permet de différencier facilement ce qui allège la charge des enseignants tout en garantissant que chaque élève accède à des supports adaptés.
Les agents conversationnels permettent d’adapter le langage selon le niveau des élèves, notamment pour les allophones. Ils peuvent ajuster le vocabulaire et offrir un assistant personnalisé pour faciliter l’apprentissage du français tout en permettant aux élèves de poursuivre leur scolarité dans d’autres matières sans frein linguistique.
Exemple :
Étape 1 : Prompt donné à un LLM (DuckDuck Go AI) : « à partir de ce paragraphe, réalise une carte mentale en format Markdown, la thématique sera “adapter avec un LLM”. Tu mettras en avant les possibilités d’adaptations et les avantages pour les enseignants : [copier-coller du texte] »
Étape 2 : Se rendre sur https://mymarkmap.vercel.app/
Étape 3 : copier-coller son code sur l’onglet plume.
Un chatbot est un agent conversationnel conditionné pour répondre à des besoins spécifiques : faire réviser un élève, coconstuire des apprentissages, simuler des situations de langues, se préparer aux examens, etc.
J’ai pu expérimenter depuis quatre ans, la force de ces agents conversationnels pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Ils sont engageants, interactifs et adaptables ce qui permet notamment de favoriser l’autonomie de l’élève. De plus en déchargeant l’enseignant, ils lui permettent de repenser la forme scolaire et de proposer des ateliers de remédiation en fonction des besoins. Ils ont été intégrés dans ma pratique comme un outil supplémentaire au service de la réussite des élèves.
Ils peuvent être intégrés dans un projet collaboratif afin de permettre à chaque élève d’être en réussite chacun à son rythme. Dans le projet eTwinning Enigmatic, des élèves de plusieurs pays ont créé un escape game numérique intégrant des énigmes logicomathématiques. Un chatbot aidait les élèves à résoudre des problèmes en leur rappelant des notions, évitant ainsi les obstacles cognitifs. Ce soutien a renforcé l’engagement des élèves et leur participation.
La simulation grâce à des chatbots d’épreuves orales s’avère très pertinente. Les élèves en enseignement adapté ont souvent des difficultés à s’exprimer à l’oral, notamment lors des épreuves de CAP. Ces chatbots permettent de s’entrainer à l’oral en simulant la conversation avec l’examinateur.
Cette utilisation a un double avantage : favoriser la métacognition des élèves à partir du feedback réalisé par l’IA à la fin de l’entretien. Ils offrent également à l’enseignant la possibilité de suivre les progrès des élèves, facilitant ainsi la remédiation.
Les chatbots jouent également un rôle central dans les formations professionnelles, en facilitant l’utilisation de machines complexes tout en renforçant l’autonomie. Ils permettent d’accompagner « tous » les élèves dans cette transition technologique et la transformation de la voie professionnelle. À l’EREA de Haute-Provence, les élèves de CAP Métallerie ont conçu un chatbot pour aider à l’utilisation des machines.
Intégrant des QR codes sur chacune d’elles, cette unité conversationnelle fournissait des consignes de sécurité et des conseils adaptés. Grâce à la fonction vocale, il rendait l’information accessible aux élèves ayant des difficultés de lecture ou allophones. Ce projet a renforcé la métacognition des élèves, tout en valorisant leur travail et leur autonomie.
L’utilisation des agents conversationnels n’est pas sans défis. Il faut prendre en compte les biais de cette technologie, les contraintes environnementales, éthiques et budgétaires, comme le souligne le rapport du Sénat « IA et éducation1 ». Cependant, des initiatives, comme le projet « Lucie » d’OpenLLMFrance, proposent des solutions open source et transparentes quant aux données utilisées.
Les outils d’intelligence artificielle ne remplaceront jamais les enseignants. Ils constituent néanmoins des supports innovants, interactifs et adaptatifs, capables de libérer du temps pour un suivi personnalisé des élèves. En créant des environnements d’apprentissage accessibles, ces outils participent à une éducation plus inclusive, où chaque élève progresse à son rythme. L’enjeu, dans un contexte technologique en évolution, sera d’en mesurer les usages pour en maximiser les bénéfices tout en relevant les défis qu’ils posent.
Pour en savoir plus
Infographie interactive d’outils d’IA pour favoriser l’accessibilité : https://www.canva.com/design/DAGWis0w0uQ/FsTenqDbHZva4pJ0Aps1LQ/view?utm_content=DAGWis0w0uQ&utm_campaign=designshare&utm_medium=link&utm_source=editor
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Notes
- Rapport de la délégation à la prospective du Sénat, sur « L’IA et l’avenir du service public », 2024 : https://www.senat.fr/notice-rapport/2024/r24-101-notice.html.