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Construire le groupe

Ce dossier est né de l’idée que le concept de groupe, en tant qu’unité dynamique ayant une vie propre, n’est pas suffisamment interrogé dans le contexte de l’enseignement. On parle de classe, d’établissement, de travail en groupe – quand il s’agit de définir un processus d’apprentissage –, mais on envisage rarement le groupe comme une unité sur laquelle il est possible d’agir, qu’il est possible de faire évoluer. Ce concept semble un angle mort, c’est-à-dire une zone inaccessible du champ de vision sans effort. Souvent, on ne dit pas groupe, mais, par métonymie, classe, le contenant l’emportant sur l’addition d’individus. « J’ai une bonne classe ! » ou encore « c’est une classe difficile », peut-on souvent entendre dans les salles des professeurs après la rentrée scolaire.

Mais le groupe ne se construit pas tout seul, de lui-même, sauvagement. L’enseignant y occupe la place paradoxale de celui qui permet son émergence, son développement serein, tout en en faisant partie. Son action consciente ou inconsciente contribue à sa bonne marche. Nous sommes convaincus qu’un groupe se construit. Il est par conséquent nécessaire d’interroger d’une manière générique ce qui se passe quand des sujets vont vivre une longue aventure collective parfois sans se connaitre préalablement et sans s’être choisis mutuellement.

Qu’est-ce qu’un groupe ? Les définitions sont nombreuses, et nous avons retenu celle-ci : « regroupement d’individus ayant un but commun, soumis à des interdépendances et des interactions psychiques, sociales, etc. » Le groupe ne se constitue pas naturellement quand on met des personnes ensemble, mais il se construit, et son mode de fonctionnement peut évoluer dans le temps. Un groupe est un processus d’interactions dynamiques dans lequel le sujet devra trouver une place tant par la parole que dans l’action. Évidemment, un groupe, comme nous le montre Pierre Delion (p. 34), peut être dysfonctionnant ou, à contrario, permettre le développement de tous.

Divers groupes existent et ont été étudiés, par exemple par Kurt Lewin, qui en distingue trois types : anarchiques, ils génèrent de nombreux conflits et une dynamique rarement positive ; autocratiques, les conflits sont soudains et violents, la qualité du travail y est faible ; démocratiques, ils permettent un épanouissement du sujet, la conflictualité est de basse intensité et trouve des espaces d’expression, le travail y est le plus efficace. On reconnait évidemment dans cette typologie des modes de fonctionnement scolaires.

Ce dossier nous permet d’appréhender le groupe sous diverses formes : la classe, l’établissement, le groupement d’établissements ou de personnes issus de divers horizons éducatifs.

Dans un premier temps, les contributions interrogent la manière dont le groupe bénéficie aux apprentissages à partir de pratiques et d’expériences de classe. La deuxième partie montre comment il est possible de s’éduquer ensemble. Les témoignages des écoles Vitruve et la Neuville en sont des illustrations historiques. Dans la troisième partie, nous élargirons notre propos en évoquant les groupes au niveau d’établissements complexes ou d’interactions entre des professionnels, formateurs et éducateurs. Le groupe y est également évoqué comme objet de formation pour les futurs professionnels.

L’humain est par nature un être social, de la rêverie parentale prénatale au groupe d’appartenance familial, puis aux groupes sociaux des amis ou des regroupements scolaires. On ne peut se développer que dans et par le groupe, « un parmi les autres ».

Andreea Capitanescu Benetti
Formatrice et chercheuse en éducation à l’université de Genève (Suisse)
Jean-Charles Léon
Professeur de musique retraité

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