Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Chacun son Everest : l’escalade des compétences

La création d’une épreuve d’escalade comptant dans la note d’EPS du brevet instaure un sens fort à l’enseignement de cette activité. Elle s’effectue en extérieur sur un site naturel d’escalade : symboliquement notre mont Pagnote (point culminant de l’Oise à 226m d’altitude) ou notre « pas en avant » pour atteindre des sommets ?

La notion de compétence est elle un changement de paradigme ou une nouvelle mode passagère ? Quelle évolution engage-t-elle ? Quelles transformations suppose-t-elle en EPS ? Convaincu que l’enseignement par compétence (prise dans son acception la plus prometteuse), peut favoriser l’apprentissage de mes élèves, j’ai cherché à formaliser ma démarche à propos de l’activité escalade.

Je présenterai dans une première partie, le contexte d’enseignement de l’escalade au collège des Bourgognes de Chantilly, dans l’Oise : la création d’une épreuve EPS comptant dans la note d’EPS du brevet national instaure un sens fort à l’enseignement de cette activité. En effet elle s’effectue en extérieur sur un site  naturel d’escalade. C’est l’Everest pour nos élèves ! Dans une deuxième partie j’exposerai ce qui me semble essentiel de construire avec nos élèves, dans le cadre d’apprendre par compétence : ce sera le « mont des merveilles ». Je terminerai par une présentation des solutions testées par l’équipe EPS : symboliquement, le « mont Pagnote » (sommet de l’Oise = 226m) ou notre « pas en avant » pour  atteindre des sommets ?

Envisager l’Everest pour créer du sens

Notre réflexion a débuté avec la volonté de permettre aux élèves de trouver plus de sens dans leurs apprentissages. En effet l’équipe d’EPS de l’établissement a décidé de finaliser l’essentiel de nos activités physiques sportives et artistiques (APSA) par un temps fort, symboliquement et culturellement. Ainsi en escalade, les deux cycles, l’un en cinquième et l’autre en troisième, se termine par une sortie en structure naturelle d’escalade, dans d’anciennes carrières équipées pour l’activité à 5 km du collège : le site naturel de Saint Maximin dans l’Oise regroupe 160 voies de 12 mètres maximum. Il a été conçu comme un site à vocation scolaire et a été équipé par une équipe d’enseignants d’EPS de l’Oise dans les années 1990.. Cette journée sert d’épreuve du diplôme national du brevet au choix parmi l’escalade, le badminton ou la danse.

Notre Everest est alors ce site naturel équipé, paraissant au premier abord inaccessible pour les élèves. Nous voulons garantir des acquisitions significatives, culturelles, avec différents objectifs :

1. S’adapter au site naturel : les élèves tentent le plus de voies possibles parmi toutes celles qui sont équipées en moulinette (28 voies du 3C au 6A), par équipes mixtes de quatre élèves hétérogènes. Le passage du gymnase au site naturel demande un temps d’adaptation pour vérifier si le niveau acquis en SAE est le même en milieu naturel. L’environnement extérieur, la nature des voies qui ne sont plus tracées avec des prises de couleur exigent un effort de lecture dont les élèves n’ont pas l’habitude (chercher les solutions dans la roche).

2. ​Assurer collectivement leur sécurité

  • La constitution des groupes de 4 élèves hétérogènes, comportant un élève qui connait le site (élève de l’AS, de la section sportive ou du club d’escalade), a une fonction rassurante, de conseil, de garantie de la sécurité.
  • La sécurité est gérée collectivement et chaque membre de l’équipe perd des points à chaque erreur commise par un seul (une fiche est réalisée à ce sujet).

3. Construire un projet de 3 voies à leur meilleur niveau et le réaliser en corde molle (avec le nœud magique).

  • Le topo du site avec sa cotation permet aux élèves qui connaissent leur niveau sur SAE de préparer leur projet. Tester le plus de voies possibles (de mon niveau) afin de définir lesquelles me correspondent le mieux. Toute aide est encouragée (d’autant plus qu’elle a été travaillée en cours).

4. Valider leur compétence en escalade au travers de l’épreuve proprement dite

  • La hauteur et la cotation de 3 voies choisies
  • La grimpe en corde molle avec nœud magique
  • La réussite du projet
  • La gestion de la sécurité par le groupe de quatre

Site de St Maximin dans l’Oise


Variabilité des profils sur SNE


Constitution de la note du DNB EPS escalade : voir annexes et document ci-dessous.

Ainsi, la pertinence du projet de chacun constitue une partie de la note collective. La sécurité est l’affaire de tous. La vigilance collective est instituée comme nécessaire à la pratique. La part de la note collective peut alors être supérieure à celle individuelle, afin de créer une communauté d’intérêts.

Enfin, une dernière modification de note est réalisée par l’écart entre la performance réalisée en intérieur lors du cycle et en extérieur, lors du DNB. Celle-ci n’entre en jeu que si l’écart est très important (plus d’un niveau).

Un certain nombre de ressources sont nécessaires pour réussir l’épreuve. Nous les exprimons ici en termes de connaissances, capacités et attitudes. Celles-ci supposent pour une acquisition durable, un exercice régulier et suffisant afin de permettre la réussite des compétences.

Connaissances

  • Savoir lire un topo
  • Savoir reconnaitre sur le terrain les critères qui me permettent de lire une voie : forme générale de la voie, passages difficiles, longueur, inclinaison et profil, tailles et orientation des prises, possibilités de repos
  • Sélectionner les voies dans lesquelles je serais le plus à l’aise
  • Repérer les trajets de voies afin d’éviter une mise en danger (pendulaire si l’on s’écarte trop de l’axe d’assurage)
  • Repérer une fois essayées, les trois voies qui me correspondent le mieux (technique, force, profil…)
  • Anticiper les formes motrices de progression, d’équilibration en fonction de la lecture de la voie réalisée
  • Reconnaître une situation dangereuse, délicate
  • Connaître les critères d’avant chute (fatigue, tremblements de jambes, mots et message du grimpeur, immobilisation longue, recherche de trajet…)
  • Réaliser un projet réaliste (ni trop dur, ni trop facile, mais réalisable sans perte des moyens)
  • Se connaitre

Capacités

  • Coordonner l’utilisation de la traction des bras et de la poussée des jambes
  • Privilégier l’utilisation des jambes pour se propulser vers le haut et économiser ses bras
  • Savoir se reposer : poser ses pieds efficacement, jambes écartées, carres externes, savoir utiliser des dièdres, des dalles inclinées… (de cordes tendu à Position de Moindre Effort = PME)
  • Savoir effectuer un déplacement latéral supposant croisés, carres externes, oppositions…
  • Suivre le chemin, trajet, trajectoire perçues, lues comme propice à la réalisation de la voies, sans mettre sa sécurité en jeu (éviter les pendulaires)
  • Adapter sa motricité au terrain et prises possibles
  • S’adapter à un imprévu (erreur de trajet, de pose de main (droite ou gauche…), insecte et autres
  • Accepter certains placements inconfortables : équilibre instable, pour franchir un pas délicat

Attitudes

  • Vigilance sécuritaire
  • Climat de grimpe facilitant la communication entre assureur et grimpeur (sérieux, rigueur, écoute, confiance)
  • Apprécier le site
  • Respecter le site (propreté, calme, respecter les autres utilisateurs)
  • Conseils, écoute des camarades de l’équipe
  • Garder son sang-froid, et s’engager sans se laisser envahir par la peur, le doute…
  • Ne choisir que des voies que l’on a tentées le matin pour éviter les tensions et être sûr de pouvoir les réussir
  • Rester humble face à l’activité et ses capacités

Ainsi, à travers l’ensemble du dispositif décrit, l’objectif est de valider de réelles compétences culturelles, dans une situation complexe : l’Everest, projet ambitieux qui rend nos élèves audacieux !

Le « mont des merveilles »

Certes la finalisation des cycles en site naturel d’escalade est essentielle, mais elle est loin de tout résoudre. Même si la motivation lors de nos cycles d’escalade est souvent au rendez-vous, du fait, notamment, de cette sortie en site naturel, nous constatons un certain nombre de problèmes, que nous avons essayé de dépasser par un enseignement par compétences,

  • en travaillant dans quatre domaines développés : la sécurité et la prise de risque ; des problèmes identifiés sur le mur pour progresser ; la construction de fils rouges pour soi ; le choix de critères d’évaluations clairs pour les élèves.
  • avec des modalités de travail différentes : faire acquérir certaines ressources essentielles et spécifiques à chaque niveau repéré ; exercer les élèves à la mobilisation de ces ressources ; un positionnement cognitif : des étapes à franchir. (Voir le tableau n° 1 en annexe)

De la gestion de la sécurité à une prise de risque subjective constante

Le premier problème rencontré est celui de la nécessaire conciliation entre les apprentissages sécuritaires (vers une attitude sécuritaire la plus autonome possible) et les apprentissages moteurs visés, en fonction de temps de pratique. Préoccupés par la sécurité, bon nombre d’enseignants, surtout s’ils ne sont pas spécialistes de l’activité escalade, en oublient les apprentissages moteurs. Ne pas aseptiser les pratiques, pour garantir la construction progressive d’une autonomie, tout en permettant de réelles acquisitions motrices nous semble indispensable. La recherche, voir le besoin d’une prise de risque une caractéristique de l’adolescence. Agir sur le risque subjectif de nos situations, tout en conservant un risque objectif le plus bas garantit un engagement de qualité de la part de nos élèves.

L’incertitude de l’activité est une composante culturelle à conserver dans chacune de nos séances. Même si les compétences attendues de collège exigent de grimper en moulinette, il faut préparer la grimpe en tête en recréant de l’incertitude pour nos élèves. Nous jouons alors sur trois facteurs : la loi de la pesanteur toujours présente, le risque subjectif, et la variabilité du milieu.

La loi de la pesanteur mobilise tous les motifs d’action : les règles sécuritaires instaurées doivent empêcher les chutes fatales, mais ne doivent pas garantir la réussite de toute tentative. Échouer dans une voie et subir une chute de 50 cm à 1 mètre fait partie des apprentissages à construire (la position de chute doit être travaillée, afin d’éviter les blessures). Si le risque objectif doit être nul, le risque subjectif perçu doit être bien réel : l’utilisation du nœud magique en est une illustration (celui-ci disparait si l’assureur aide trop le grimpeur en tirant sur la corde, il est placé au dessus du nœud d’encordement). L’acceptation du nœud magique  est une étape à franchir elle suppose un travail de la chute en moulinette et une confiance suffisante.

Explorer des profils où l’on ne sent pas très rassuré (grimper en joue, en dalle inclinée, en dièdre ou en dévers) en est une autre. Plus le cycle avance et plus les élèves doivent prendre en compte à leur charge cette sécurité, qui devient progressivement plus active.

Enfin la variabilité du milieu permet d’éviter la routine des voies connues par cœur. Les contraintes dans les trajets est un axe de travail, la collaboration en équipe hétérogène afin d’atteindre des sommets en est une autre : les élèves au spectre moteur féminin (ou « pousseurs économiques »Terminologie employée par Pezellier, P. (2009) « L’échange des blocs » : une autre forme de pratique scolaire de l’escalade, CEDRE 8,) vont amener les garçons ou grimpeurs(ses) en puissance (« les tireurs athlétiques ») à explorer des voies de dalles, plus techniques ; inversement, les deuxièmes créeront l’émulation des premiers pour l’exploration des voies de dévers (avec des solutions autres : enroulé de l’épaule, utilisation des carres externes, lolotte). Les bonus attribués pour des sommets atteints collectivement prennent alors, ici, tous leur sens.

D’un mur faiblement connu à des problèmes identifiés pour progresser

La structure sur laquelle nous fonctionnons possède une double vocation : fédérale et scolaire. Les voies évoluent fréquemment au grès de certaines compétitions d’escalade. Si deux enseignants de l’équipe sont amenés fréquemment à rouvrir des voies et le font en réfléchissant aux types de problèmes à poser aux grimpeurs, les autres enseignants n’ont pas la maitrise de toutes les variables didactiques, ni le temps matériel d’aller recréer des voies adaptées. Néanmoins, la quantité et variété importantes des voies posent aux élèves, des problèmes riches en termes de placement, coordination, équilibre, enchainement. Le travail sur ces voies est toujours source de progrès, à condition qu’elles soient choisies au niveau optimal de l’élève, d’où la nécessité que celui-ci connaisse ce niveau optimal. D’autres situations ne privilégiant pas la logique de voies de couleur, mais plutôt la recherche d’itinéraires variés (suivre des lignes, faire des traversées) ou de contraintes de prises1 apprennent à utiliser de façon variée les prises et à mieux s’équilibrer. Il s’agit d’enrichir le répertoire moteur de nos élèves afin de leur permettre de s’adapter au mieux, au site naturel notamment.

De la comparaison interindividuelle à la construction de « fils rouges » pour soi

Une deuxième difficulté réside dans la comparaison des élèves entre eux, souvent inhibantes. Certains, et souvent certaines, perdent leurs moyens du fait d’être regardées par tous. Pour la plupart des garçons, la partie du mur en dévers constitue un véritable attracteur sur lequel ils se doivent de montrer leur virilité par des démonstrations de force, de puissance. Pour d’autres élèves encore, la peur de l’échec les renvoie directement à une difficulté à s’accepter physiquement. Souvent liés à un rapport poids-puissance défavorable (et parfois une surcharge pondérale), ces échecs sont exacerbés en escalade, surtout pour des débutants. Une approche des compétences par niveau permet de passer de la comparaison à l’auto-référence et met au deuxième plan la hiérarchisation des élèves. Au lieu de valider ou non une compétence, décrire 4 à 5 niveaux repérables de tous constitue une évaluation formative qui guide les apprentissages.

Notre collège a systématisé l’utilisation de ceinture de couleur comme en judo2 pour que les élèves se repèrent dans leurs progrès. La compétence est acquise par palier et non une fois pour toutes.

Tableau 2 : les ceintures pour se repérer et faciliter la mise en projet

D’une évaluation obscure au choix de critères simples manipulables par l’élève, en lien avec la compétence des programmes

Un dernier problème : l’évaluation. Souvent compliquée, celle-ci nécessite une organisation lourde et déroutante pour l’enseignant et les élèves. Les objets d’enseignement sont souvent trop nombreux et l’évaluation n’est pas dévolue aux élèves. Il nous semble indispensable de clarifier et rendre signifiant les critères permettant aux élèves de se repérer dans leurs progrès et résultats. Pour la compétence de niveau 2, nous avons choisi quatre critères simples, manipulables par les élèves :

  • La cotation de la voie, qui est révélatrice de l’optimisation des prises de mains et de pieds demandée dans la compétence de niveau 2 de collège
  • Le choix de deux profils différents de voie, critère dépassant ce qui est attendu dans les programmes (les programmes demandent enchainer deux voies différentes. Rien n’est précisé sur la nature de ces deux voies). Adaptation de ceux-ci à mon profil de grimpe.
  • l’engagement lié au nœud magique gardé jusqu’en haut de la voie, qui est révélatrice de la prise de risque subjective acceptée par les élèves et d’un assurage vigilant.
  • la capacité stratégique à choisir un projet à son meilleur niveau et le réussir au moins deux fois sur trois. Choix en fonction de mes points forts et points faibles (souplesse, force, taille…)

Comment faisons-nous, pour opérationnaliser ces propositions dans notre établissement ?

À chaque cours : le mont Pagnote (sommet de l’Oise 226 mètres)

En EPS, la compétence attendue des programmes pour le niveau 2 est la suivante : « Choisir et conduire un déplacement pour grimper en moulinette et enchainer deux voies différentes à son meilleur niveau en optimisant les prises de mains et de pieds et en combinant efficacement la poussée des jambes et la traction des bras. Assurer un partenaire en toute sécurité. »

La formulation valorise bien le choix de voies à son meilleur niveau, ce qui nécessite qu’il soit connu des élèves. Leur capacité à référer leurs performances à un topo de la SAE est alors indispensable. La compétence de niveau 2 passe de « privilégier l’action des membres inférieurs » (compétence de niveau 1) à « combiner efficacement la poussée des jambes et l’action des bras ». Il s’agit bien ici de passer d’une motricité en quadrupédie à une quadrupédie améliorée par la coordination efficace des membres supérieurs et inférieurs (un grimpé plus fluide et plus économique). Le deuxième pas en avant correspond à l’optimisation des prises de main et de pieds, c’est-à-dire leur utilisation de manière variée (par le dessus, le côté, le dessous… bac, pincette, réglette, inversée, bi-doigt…). Se rajoute alors les actions réalisées (par les mains ou les pieds) sur un type de prise particulier : tirer, pousser, crocheter, bloquer, opposer, enrouler.

Si cette compétence nous semble assez cohérente du point de vue des acquisitions motrices et sécuritaires visées, le rôle de juge de voies est intéressant à rajouter. Il est un aspect constituant de la dimension culturelle de l’activité en participant à l’évaluation formative, à travers les observations et l’appropriation de critères qu’elle suppose.

Enfin l’enjeu d’un cycle d’activité de pleine nature doit être celui de rendre nos élèves lucides dans leur engagement. Le choix d’une voie, d’un trajet (surtout en milieu naturel) doit permettre la conservation de l’intégrité physique du grimpeur et de l’assureur. La validation de la compétence comprend l’appréhension des risques inhérents à la pratique de ces activités, la gestion de la sécurité.

Notre cycle se décompose en 2 étapes.

Nous avons choisi de réaliser à l’étape 1 un suivi des sommets atteints par équipe, par différentes modalités (en corde tendue, en corde molle et avec le nœud magique). Constituée de la même manière que lors de l’épreuve du DNB-EPS en falaise, cette organisation en équipes hétérogènes mixtes augmente le volume de pratique, oblige toutes les cordées à explorer l’ensemble du mur. Trois règles sont données dans cette exploration :

  1. toute l’équipe tente la voie ;
  2. les tentatives respectent un tour de rôle ;
  3. chacun, à tour de rôle propose un sommet à grimper.

Au delà de tous les sommets, ce sont toutes les tentatives qui sont valorisées. Ces trois règles garantissent une gestion équitable de la mixité 3 : les élèves incitent, par le biais de profils différents de grimpe, les membres de la cordée à grimper des voies qu’ils n’auraient pas essayées. Les « tireurs athlétiques » sont surpris par la variété et la finesse des attitudes d’équilibration de certaines voies verticales, que réussissent certains « pousseurs économiques ». De nombreuses filles grimpent des voies en dévers qu’elles ne s’estimaient pas en droit de tenter.

Les élèves inscrivent leurs performances sur informatique et calculent leurs points, leurs bonus, individuellement et par cordée. Le cumul des hauteurs atteintes, ainsi que les sommets réalisés constituent une partie de la note du cycle afin de garantir un volume de pratique satisfaisant.

Le caractère équitable de nos situations en escalade :

  • Grimper à tour de rôle, imposé par l’enseignant
  • Autorisation de changer de couloir quand tout le monde a essayé celui que l’on travaille
  • Valorisation de toutes tentatives (par la valorisation de toute hauteur franchie)
  • Expression de tous dans l’équipe et instauration d’un tour de parole pour chacun
  • Valorisation des réussites en dévers autant qu’en dalle ou autre profil pour un niveau équivalent
  • Garantir un accès tout aussi conséquent à des solutions sur la force, la puissance, la vitesse que la technique d’utilisation des prises de pieds ou de mains (tirer, pousser, carres externes, croisées, blocages, enroulements d’épaule, groupés, oppositions, pincettes, réglettes…)
  • Barèmes différenciant les performances des garçons et des filles

Que constatons-nous à la fin de cette première étape ?

  • A l’instar de nombreux grimpeurs, cette phase d’exploration du site parait indispensable pour se tester sur des expériences de types différents. Nous cherchons à ce que nos élèves s’émancipent ainsi des rôles sociaux plus fréquemment attribués à leur sexe.
  • l’hétérogénéité du groupe est une richesse, car les plus forts conseillent les moins forts afin d’augmenter leur performance collective. Les « tireurs athlétiques » et les « pousseurs économiques » s’échangent leurs expériences et solutions.

Dans une deuxième étape, nous proposons la forme de pratique scolaire suivante :

Description de la forme de pratique :

  • Cordées de deux hétérogènes
  • Les élèves écrivent un projet de deux voies dans au moins deux profils différents.
  • En cas d’échec d’une des deux voies, l’élève a droit à un troisième essai (en réajustant ou non son projet sur une des deux voies)
  • En cas de réussite des deux voies, l’élève a droit à un troisième essai (pour faire mieux sur une troisième voie)
  • Ces voies doivent être réalisées avec le nœud magique (permettant de s’assurer de la réalisation autonome de la voie, et non de l’aide de l’assureur).
  • Si le nœud magique est enlevé, la voie est cotée à « moins deux points »
  • Lors de l’épreuve de validation de la compétence, la cordée de deux travaille sur un temps contraint de 40 min et est observée par une autre cordée qui juge la validité des voies réalisées (couleur des prises, persistance du nœud magique)

Quels sont les problèmes posés dans la forme de pratique en regard de la compétence ?

  • L’utilisation variée des prises au regard d’un déplacement à réaliser
  • L’engagement dans une réelle prise de risque subjective
  • La connaissance de son niveau et son profil de grimpe
  • La capacité à lire un topo d’escalade et rechercher toutes les voies pouvant correspondre à son niveau dans des profils différents.
  • S’engager en toute sécurité

Les critères retenus pour valider la compétence :

  • La hauteur et cotation de la voie
  • Le choix de deux profils différents de voie
  • La grimpe avec nœud « magique »
  • la réussite du projet

Que constatons-nous lors de cette FPS ? (forme de pratique scolaire)

  • Les élèves adaptent leur projet à travers les choix réalisés : en fonction de leur niveau et de la difficulté subjective (dimension psychologique de certaines voies) et objective des voies (niveaux repérés sur un topo : grille).
  • Cependant les élèves de genre masculin ont tendance à surestimer leurs possibilités et noter des voies qu’ils ne peuvent par réussir à coup sûr (ou qu’ils ont réussi une fois en corde tendue). À l’inverse, les élèves de genre féminin assurent le coup, choisissant des voies qu’ils sont sures de réussir, quitte à perdre des points en performance. Une régulation des projets s’impose, en négociations avec le professeur lors d’une séance d’essai d’évaluation juste avant la séance d’évaluation finale.
  • Peu d’élèves (entre 2 et 6 par classe) utilisent la troisième voie possible. La participation des élèves juges à l’évaluation, permet une appropriation accrue des critères par les élèves et installe un climat de classe serein (réduction du stress de l’évaluation et inhibition des comportements de triche ou de tension envers le professeur).
Pour conclure

Loin de prétendre qu’« apprendre par compétences » serait la solution à tous les problèmes professionnels, j’ai essayé de rendre explicite le pas en avant permis par cette modalité d’enseignement à travers l’enseignement de l’escalade. En effet du « mont des merveilles » annoncé, au « mont Pagnote », inexorablement attiré par le « mont Everest », la démarche tente de favoriser les apprentissages chez nos élèves.

Les pistes se déclinent autour des points suivants :

  • la construction de fils rouges vers une mise en projet de l’élève
  • le choix de critères d’évaluation appropriables par les élèves
  • les réelles acquisitions sur le long terme
  • un engagement plus lucide et conscient des risques et dangers inhérents à l’activité pratiquée.

Enfin la tâche est complexe et suppose un profond bouleversement de nos manières d’enseigner. Le ciblage juste de la compétence demeure délicat et difficile. Ces propositions évoluent régulièrement en fonction des remarques des élèves, des enseignants qui la font vivre et des nombreux échanges. N’hésitez pas à proposer critiques et améliorations ou à demander plus d’explications !

Annexes : Fiches et outils
Olivier Quintane
professeur agrégé EPS collège des Bourgognes de Chantilly dans l’Oise
 POUR EN SAVOIR PLUS
Castagnino (site académique EPS académie d’Amiens) : pedagogie.ac-amiens.fr/eps/escalade/autonoperf2.htm

Notes
  1. Voir les propositions de Testevuide S, L’escalade en situation, Observer et intervenir, L’EPS en poche, éditions revue EPS, 2007.
  2. Voir par exemple Dominique Natanson, Évaluer les compétences par ceintures, Cahiers pédagogiques, N°476, novembre 2009.
  3. Cathy Patinet, Enseigner en mixité en 2010, quels obstacles à l’égalité des sexes ? Disponible sur le site du SNEP-FSU.