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Évaluer ne va pas sans se former ! Le QQOQCP pour remplir la besace de tout enseignant

Quoi ?

Jusqu’en 2013, le référentiel publié par le ministère de l’Éducation nationale français citait « évaluer les élèves » comme la septième compétence. Oui, mais… Que ce soit sur un plan éthique ou au niveau technique, il est impossible d’évaluer des personnes, car il faudrait une volonté démiurgique pour prétendre détenir le modèle permettant cet exploit irréalisable, cette chimère. Alors, qu’évaluer en classe ? C’est certainement la progression des élèves, leur degré d’atteinte des résultats attendus, voire ce qu’ils ont acquis en termes de compétence ou leur implication, qui fourniront des objets d’évaluation tout en sachant, comme le poète l’a écrit que « rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse »1. C’est le Quoi.

Qui évalue ?

Le deuxième Q correspond à : qui évalue ? La question est moins anodine qu’il n’y paraît. Pour toutes et tous, l’évaluateur compétent, c’est l’enseignant ; c’est vrai, mais s’il veut se comporter en éducateur, il se doit de programmer sa disparition et c’est l’idéal de l’autoévaluation qui apparaît alors comme gage indiscutable de l’autonomie des élèves. Comment savoir que l’on sait si l’on ne sait pas évaluer ce que l’on fait ? Mais aussi comment ne pas comprendre qu’en passer par une phase de co-évaluation facilite cette appropriation ?

Où évaluer ?

La prédominance des évaluations écrites et des contrôles au stylo rouge et rageur a entraîné la maladie bien connue de l’évaluationnite, repérée et décrite dans de nombreux articles et dossiers des Cahiers. Le support écrit laisse des traces. Or, la vie de la classe permet de recourir à d’autres supports comme l’oral avec sa bienveillance, le clin d’œil complice et d’autres supports qui préservent le caractère d’encouragement, d’aiguillon, d’interaction positive d’une intervention évaluative et surtout d’éviter stigmatisation et humiliation.

Quand ?

Ponctuelle, sommative et la moins envahissante possible, l’évaluation contrôle, sanction et diplômante, a vu progressivement s’éloigner d’elle l’évaluation formative que l’on peut dénommer ainsi parce qu’elle est située en cours de formation, qu’elle a pour but de faciliter les apprentissages mais surtout qu’elle informe pour le pilotage des apprentissages. C’est le Quand : il a une mission essentielle, celle de repérer et de différencier les étapes de l’apprentissage avec le droit à l’erreur et le devoir de rectification du moment de vérité qui n’a d’intérêt que dans le contrôle de l’atteinte du niveau d’exigence fixé par l’enseignant ou l’institution. La question devient alors celle du Comment.

Comment évaluer…

…quand on n’y a pas été formé ?

C’est la principale difficulté et un grand trou noir dans la formation des enseignants et de leurs formateurs. Heureusement, André de Peretti s’est passionné pour cette question (voir sa proposition) au moment où le système éducatif a basculé d’une référence élitiste qui reposait sur la pratique généralisée de la note, des moyennes et des classements à une volonté de démocratisation. Mais les évaluations internationales montrent que notre école accroît les inégalités. Et la manière dont nous évaluons en est pour partie responsable. Comment évaluer en valorisant ? C’est l’objet d’une proposition de formation de notre mouvement qui fournit le dernier texte du Hors-Série car il faut souligner que les pratiques évaluatives ne peuvent évoluer que si la formation continue accompagne les personnes et les équipes qui font le choix d’une évaluation formative et libératrice en classe.

Le P enfin

C’est à la fois le Pourquoi on évalue et le Pour quoi on évalue. Commençons par la finalité et affirmons qu’on évalue pour apprendre et savoir. Le fait de le savoir et de le faire savoir aux élèves justifie un recours non obsessionnel à l’évaluation car on ne peut pas apprendre sans se repérer dans sa progression pour corriger ses erreurs ou, mieux, anticiper. C’est ainsi qu’on apprend son métier d’élève mais aussi, de façon plus générale, qu’on grandit.

Richard Étienne et Raoul Pantanella

Notes
  1. Aragon, La Diane française, 1944