Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Quel est le but de cet ouvrage, ou les buts ? Comment espérez-vous qu’il sera utilisé ?

Le but est clairement d’aider les enseignants à mettre en place des activités d’informatique dans le cadre des nouveaux programmes et ceci, dès la maternelle. Aider à utiliser de nouveaux outils, mais aussi à comprendre les fondements de la science informatique, alors même que les enseignants y sont très peu formés.

couv-1-2-3-codez.jpg

Nous avons bien sûr, selon les protocoles habituels de La main à la pâte, testé dans des classes les activités que nous proposons. Mais notez bien que ces activités sont de deux ordres : « branchées » et « débranchées ». Les activités branchées (programmation, robotique) doivent en effet être accompagnées d’activités débranchées (au sens sans ordinateur, ni robot) pour mieux comprendre les concepts-clés. Ainsi, même les classes peu équipées peuvent se lancer dans ces apprentissages, dans la mesure où une partie importante est bien de comprendre comment ça fonctionne, de « conceptualiser ». En cycle 2, par exemple, nous proposons d’abord d’élaborer un récit classique où un héros doit affronter des problèmes divers pour se rendre dans un certain lieu : il doit résoudre des énigmes, décoder des messages (chiffrements/déchiffrements), utiliser un moyen de transport à qui il doit pouvoir donner des instructions, etc. Il s’agit en particulier à cette occasion de faire travailler sur l’élaboration d’algorithmes, ne serait-ce qu’en travaillant autour d’une recette de cuisine.

Ensuite, on peut passer à la phase « branchée », où on fabriquera un jeu vidéo racontant l’aventure du héros : ceci permettra de se familiariser avec la programmation. Chaque enseignant peut mener les deux types d’activités, mais c’est la combinaison des deux qui est la plus intéressante et formatrice.

Dans le titre, il y a « coder ». Que veut dire ce mot quelque peu polysémique ?

Effectivement, on peut trouver au moins trois sens. Celui qui correspond davantage à l’encodage/décodage des informaticiens, qui signifie passer d’une représentation à une autre (par exemple, représenter un texte en binaire), celui employé surtout par le grand public pour désigner la programmation (écrire des lignes de « code ») et ce qui renvoie au cryptage, aux codes secrets. Nous proposons de travailler sur les trois sens. Il ne faut surtout pas réduire le mot « codage » (ni même l’informatique) à la seule programmation.

Vous connaissez les objections : le codage, ça fait perdre du temps alors que la priorité devrait être aux « fondamentaux », le fameux « lire, écrire, compter »…

A vrai dire, on entend depuis des années le même discours appliqué aux sciences. Il y a plusieurs réponses à donner. Une réponse « scientifique » : l’informatique est la science de l’information. Elle fait pleinement partie des sciences (et donc, de la culture) et peut être fort utile à la formation intellectuelle : le concept d’algorithme, par exemple, est central dans bien des apprentissages, mais il n’est quasiment jamais explicité.

Sur le plan pédagogique, l’avantage de l’informatique c’est vraiment de pouvoir se tromper sans risque. Des nombreux témoignages d’enfants lors de nos tests en classe ont fait ressortir cette satisfaction de pouvoir faire des erreurs dans sa recherche, mais aussi d’avoir un retour immédiat si on se trompe, et pas par un tiers, mais directement par la machine. Il n’y a pas de jugement. C’est très libérateur et encourage à l’esprit d’initiative et de recherche. En outre, la programmation est très adaptée à une pédagogie de projet, qui permet de développer des compétences utiles à tout apprentissage, comme savoir décomposer une tâche complexe en tâches simples, travailler en autonomie, collaborer, etc. De plus, et puisque vous parlez des apprentissages fondamentaux (le fameux « lire, écrire, compter ») : dans le projet « 1, 2, 3… codez ! », on travaille beaucoup sur la notion de langage et la différence entre un langage et une langue. Faire de l’informatique peut donc contribuer à développer des compétences en français (tout comme en mathématiques, grâce à l’algorithmique).

Enfin, l’informatique occupe une place centrale dans notre société et il est essentiel pour le futur citoyen de chercher à aller voir ce qu’il y a sous le capot pour ne pas rester un utilisateur passif. Ajoutons encore l’intérêt d’insérer un peu d’histoire culturelle de l’informatique, depuis l’utilisation des premiers chiffrements (codes secrets) dans l’Antiquité, jusqu’aux exploits de Turing pendant la seconde guerre mondiale et à l’invention des ordinateurs et des réseaux qui sont si importants aujourd’hui.

Quel accompagnement proposez-vous parallèlement à l’ouvrage, notamment pour ce qui concerne les activités décrites précisément ?

Nous proposons des formations à destination des enseignants et de leurs formateurs. Maintenant que l’informatique entre dans les programmes, nous recevons beaucoup de demandes de l’institution scolaire. Par ailleurs, notre partenaire, l’INRIA, lance un MOOC, intitulé Class’Code, destiné à la fois aux enseignants et acteurs du périscolaire et auquel nous sommes associés. Depuis le lancement de notre ouvrage 1, 2, 3… codez !, en quinze jours, nous avons reçu 9000 inscriptions de classes, dont un bon tiers au collège (et à vrai dire, ce que nous proposons peut dépasser le cadre de la sixième, pour des élèves peu formés antérieurement : quand on n’a jamais fait d’informatique, peu importe qu’on ait 10 ou 14 ans : les problèmes sont les mêmes !).

Finalement, êtes-vous optimiste sur les capacités de l’Éducation nationale de prendre le bon virage numérique ?

Oui, même si on peut penser qu’au début, les choses vont se mettre en place doucement. On a le sentiment que l’Éducation nationale reste tentée par une approche centrée sur les usages de l’informatique (l’équipement en matériel, approche classique des TICE, joue un rôle central dans le plan numérique) et ne s’intéresse pas encore assez aux contenus (l’informatique en tant que science et non en tant qu’outil). Je suis malgré tout optimiste parce que les enseignants comprennent bien la différence et ont envie d’aller au-delà d’une seule utilisation d’outils technologiques. On ne pourra plus éviter ces apprentissages, en raison de leur intérêt scientifique, pédagogique, ou même sociétal. Le succès que nous rencontrons déjà avec ce livre et nos propositions de formation est très prometteur.

Jean-Michel Zakhartchouk

Pour tout contact : www.123codez.fr