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Une classe de 6e à pédagogie Freinet

Puisque j’ai rencontré l’équipe qui se lance dans l’expérience je peux vous rassurer : ce sont des professeurs heureux. Eux-mêmes me l’ont dit d’ailleurs, lorsque je leur ai posé ma première question : « Alors, comment ça va ? ». « Tout est intéressant, stimulant en ce début d’année, surtout le travail en équipe, encore plus poussé qu’auparavant ». Auparavant… Oui, parce que les racines de ce projet original, créer dans un collège une classe que les élèves eux-mêmes appellent déjà « la classe Freinet », ce projet ne date pas de septembre. Ni de juin…

Laurette Marotel en histoire-géographie, Stéphanie Jolivet en français, Murielle Bouré en anglais, Viviane Monnerville en mathématiques et Julien Cognet en documentation

Laurette Marotel en histoire-géographie, Stéphanie Jolivet en français, Murielle Bouré en anglais, Viviane Monnerville en mathématiques et Julien Cognet en documentation

D’abord à Mons-en-Baroeul, si vous lisez un peu de pédagogie, vous savez déjà qu’existait une classe de primaire avec un fonctionnement d’enseignement Freinet, l’école Hélène Boucher, et une école maternelle, l’école Anne Franck. Et ce qui a valu leur notoriété, c’est qu’une équipe de chercheurs conduite par Yves Reuter a évalué sur cinq ans les résultats des élèves et les a comparés avec ceux d’autres classes également situées en zone de recrutement défavorisée. Un accompagnement patient donc, qui a montré des résultats encourageants et un enseignement tourné vers les apprentissages : « Ce qui est prohibé par les enseignants, l’est parce que cela risque de nuire aux apprentissages. Ce n’est pas l’enfant qui est au centre, c’est l’élève et son rapport au savoir. C’est l’élève qui apprend, nul autre ne peut le faire à sa place » avait conclu l’équipe d’universitaires en 2007.
college_rabelais.jpgEnsuite, les enseignants (Murielle Bouré en anglais, Julien Cognet en documentation, Stéphanie Jolivet en français, Laurette Marotel en histoire-géographie et Viviane Monnerville en mathématiques) s’étaient déjà trouvés dans l’établissement et menaient déjà des projets en commun et avec l’école Hélène Boucher pour la liaison CM2 6e. Alors ce n’est pas tant la classe Freinet qui est allée chercher son équipe que l’équipe qui s’est naturellement rapprochée, jusqu’à faire naitre ce bébé classe au sein du collège Rabelais. Ce n’est pas seulement un début donc, plutôt « l’aboutissement de plusieurs années de travail ».

Avancer ensemble

A l'ombre des tours

A l’ombre des tours

Et les premières semaines montrent que le bébé va bien. « On a senti installées dès le début une grande sérénité, et une qualité et une richesse d’échanges ». « Elèves et enseignants sont là, vraiment là. Il n’y a ni barrière, ni crainte de se tromper, ni crainte du regard des autres non plus. Ils connaissent le principe : ils partent de ce qu’ils savent déjà, et vont plus loin. » « Des tas de choses restent à mettre en place, mais le confort est là. » Dès le départ, le travail en classe s’est placé dans la continuité de ce qui se pratiquait en primaire. En effet, onze élèves étaient déjà dans l’école Freinet et l’intégration des six autres s’est passée en douceur. Ils étaient prêts à travailler et déjà très autonomes, dans cette classe hétérogène, avec des élèves brillants et d’autres en grande difficulté, montrant une appétence pour apprendre et progresser. Tous veulent avancer, mais avancer ensemble. Alors laisser un élève à la traine, pas question.
Chaque enfant a un tuteur, et chaque enseignant suit trois élèves. Pour les enseignants, c’est une clé de progrès que de pouvoir accompagner longuement, au plus près, les enfants, pour faire en sorte qu’ils ne se retrouvent jamais enfermés dans la solitude de l’échec. Comment aider si l’on ne sait pas précisément comment l’élève travaille chez lui par exemple ? Bien sûr il s’agira aussi de le prendre en considération toujours, ici comme ailleurs dans l’établissement bien sûr.

« On cherche, c’est ça qui est génial. On n’est pas dans la routine. », « Et surtout on sent tous que le chemin est sans fin. ». « On est heureux, oui. Mais en plus on se rend compte qu’on ne reviendra plus jamais en arrière parce que l’on a trop avancé, ensemble, pour cela. », conclut Viviane Monnerville avec un sourire à n’en plus finir. Et ça tombe bien puisque tout ne fait que commencer.
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Et que je vais avoir la chance de les suivre tous les deux mois. Comme cette fois, je leur demanderai simplement : « Alors, comment ça va ? ».

Christine Vallin