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Un printemps de la culture qui rayonne

Quand un collège fait son Printemps de la culture. Récit.

Le collège La Pajotterie de Châteauneuf-en-Thymerais (28) est situé en zone rurbaine. Il accueille 520 élèves de milieux sociaux professionnels plutôt favorisés par rapport à la norme départementale. Ses performances scolaires étaient en revanche inférieures aux objectifs fixés. Le taux d’orientation en 2de générale et technologique était très en deçà des attendus. L’intérêt des usagers pour la culture était plutôt modéré, et la relation aux parents pas toujours simple, avec des demandes d’intervention du médiateur, mais aussi des dépôts de plainte.

Le personnel de direction s’est rapidement aperçu de la nécessité de remobiliser les équipes pédagogiques, stables, autour de projets collectifs. L’idée fut de créer un Printemps de la culture, dans l’espoir de favoriser le vivre ensemble à tout niveau. Il s’agissait de mettre en place une quinzaine culturelle où chacun pourrait partager ses pratiques artistiques, ses passions, pour les faire grandir, les communiquer et valoriser son travail. L’objectif était également de développer des initiatives nouvelles et de la cohésion professionnelle.

UNE PREMIÈRE ANNÉE MODESTE QUI FOISONNE

Dès la première année, l’équipe est enthousiaste et le programme chargé au point que la quinzaine se transforme en un mois culturel : ateliers d’écriture, ateliers de lecture, rencontres avec des artistes, des scènes ouvertes sont aussi proposées ; les talents du collège peuvent s’y exercer et se révéler. Nous avons découvert des élèves passionnés, mais aussi des collègues experts dans des domaines insoupçonnés ; deux professeurs de mathématiques et technologie ont préparé un duo de clarinettes et l’ont joué devant les élèves.

Pour ce premier Printemps, chacun trouva la place qu’il voulut prendre. La liberté d’action était grande, permettant aux professeurs, assistants d’éducation et personnels de proposer des ateliers. Ces ateliers s’inscrivaient alors sur les temps libres pour participer à des rencontres, pour créer, prendre du plaisir, etc. Le budget était modeste, mais l’engagement des différents acteurs permit malgré tout de faire venir des artistes extérieurs à l’établissement. Une troupe vint présenter les métiers du spectacle et des extraits de pièces de théâtre connues. Ce fut le début d’une longue liste de partenariats et d’une ouverture de l’établissement portée par tous, mais coordonnée par le référent culture et l’équipe de direction.

LA TACHE D’HUILE

La deuxième année, le Printemps a fait tache d’huile et de nouveaux partenariats sont nés avec la commune, la bibliothèque, les écoles maternelles et primaires du secteur ; l’établissement s’ouvre à son environnement. Des élèves de 3e ont organisé des séances de lecture pour les élèves de primaire, d’autres ont encadré des expériences scientifiques avec des petits de maternelle. Inversement, des saynètes furent jouées par des élèves de grande section devant les collégiens.

Les carnets d’adresses des uns et des autres, enseignants, parents voire élèves furent mis à contribution, amenant de nouveaux partenariats. Des conjoints, des amis ou des artistes locaux furent invités, produisant des rencontres avec des artistes de renommée locale, départementale, des artisans d’art et des œuvres, des ateliers de pratique artistique.

Une action très simple et peu couteuse a animé cette fête de la culture : un charriot de supermarché fut transformé par un agent de maintenance en une bibliothèque ambulante avec des livres donnés ou à consommer sur place, à emporter. Les élèves ont découvert alors que les livres sortaient des bibliothèques !

Pour terminer en apothéose, ce Printemps de la culture a été clôturé par des artistes de rue. Des échassiers ont fait irruption pendant une récréation, un grapheur installa ses grandes toiles dans la cour, un potier posa son tour sous le préau, tous deux entourés d’une foule d’élèves admiratifs et curieux. Des lectures furent faites par des collégiens à des pensionnaires de la maison de retraite voisine. L’émotion était au rendez-vous !

La matérialisation de cette quinzaine a été symboliquement marquée par des banderoles communes, annonçant le Printemps de la culture sur les grilles du collège, des écoles et de la bibliothèque, rendant le collège visible dans l’ensemble de l’espace public.

Pour le troisième Printemps, la tache d’huile se répand un peu plus en gagnant le centre urbain qui délocalise des expositions de photos d’art au collège dans le cadre du festival de photographies artistiquesSnap Off Festival de la ville de Vernouillet en Eure-et-Loir.. Des expositions d’artistes de renom sont présentées dans des lieux inattendus comme le restaurant scolaire, les salles d’étude, les espaces verts. Les parents participent alors soit en spectateurs, en accompagnateurs, en partenaires.

Le réseau Canopé1 nous a fourni les pistes de travail pour faire vivre ce projet. L’action artistique et culturelle n’a de sens que si elle s’inscrit dans une vision globale de l’enseignement et de l’éducation. Il nous fallait donc agir sur l’ensemble des paramètres favorisant un climat scolaire de qualité : une stratégie d’équipe, la justice scolaire, des pédagogies favorisant la coopération, la prévention du harcèlement et des violences, une coéducation avec un travail en liaison avec les parents, des pratiques partenariales, un ensemble de dispositifs favorisant la qualité de vie à l’école. Cette stratégie globale permet à chacun d’être apportant et de trouver une place. Pour que cela réussisse, il faut une synergie d’équipe, une volonté pédagogique commune, ce que les deux premiers Printemps culturels ont largement contribué à mettre en place.

Mais cela ne suffit pas si les élèves ne sont pas mis à contribution. Ils ne peuvent pas être dans la seule consommation et doivent devenir acteurs du projet. Ils doivent découvrir, produire, créer, se produire, etc. Il faut enfin qu’ils rencontrent d’autres personnes. Les parents d’élèves, eux aussi, doivent se voir assigner une place valorisante ; ils peuvent aussi avoir une fonction dans l’organisation.

ET LA SUITE ?

La culture est vivante et demande une organisation rigoureuse. Un planning des activités est proposé pour que les élèves puissent s’inscrire. Ils participent activement en créant leur propre parcours comprenant des ateliers ou des spectacles pendant lesquels ils sont spectateurs ou acteurs. Les scènes ouvertes leur donnent l’occasion de présenter leurs productions : exposé de l’élève passionné, chant travaillé en classe, chorégraphie travaillée en cours d’EPS. Les professeurs profitent de rencontres avec des artistes pour illustrer des activités de classe, mais aussi pour valoriser les travaux scolaires, et s’efforcent de faire le lien avec les activés de classe.

La seule grande difficulté est maintenant de gérer les frustrations, ce qui n’est pas désagréable ! Il est difficile de participer ou d’assister à toutes les actions dans l’organisation actuelle. Nous réfléchissons à une nouvelle organisation, car les frustrés sont nombreux. Nous allons proposer des thématiques par niveau, un artiste en résidence, etc., pour un travail sur l’année scolaire. Cela ne fera pas disparaitre le Printemps de la culture, qui existera toujours avec sa quinzaine.

DES EFFETS SENSIBLES ET MESURABLES

Les effets du Printemps de la culture ont rapidement été importants et mesurables à travers les indicateurs de l’établissement. On note depuis trois ans des résultats en hausse au diplôme national du brevet et des orientations post-3e plus positives. Des solutions alternatives au redoublement ont pu être proposées.

Ces actions ont donc eu une incidence directe sur le climat de l’établissement. Pour les élèves, ce Printemps emprunte au parcours citoyen : ils apprennent à vivre ensemble par une entrée culturelle et artistique qui n’est pas toujours celle attendue. Mais au-delà du bienêtre des élèves, les indicateurs de pilotage et de vie scolaire attestent d’un changement réel dans le collège : baisse significative des conseils de discipline et des exclusions, création anticipée du conseil de vie collégienne. L’établissement est en constante progression : les relations avec les parents s’améliorant, c’est l’orientation qui prend alors une évolution positive, avec une augmentation de passage en 2de générale et technologique. Enfin, ce projet valorise le travail des équipes. Chacun peut y entrer à sa façon ; l’équipe de direction ne pose qu’un cadre général.

Il faut cependant insister sur l’effet principal : le Printemps de la culture est une brique du projet d’établissement. Il fut certainement le déclencheur d’une dynamique. La plus-value pour les élèves n’est pas uniquement due à notre conviction que tous peuvent réussir et à nos exigences pédagogiques ; c’est une nouvelle ouverture culturelle et artistique que l’équipe leur propose.

Pour sa quatrième année, le Printemps de la culture recevra le soutien de la Fondation de France.

Cyrille Savary
Principal adjoint du collège La Pajotterie à Châteauneuf-en-Thymerais (28)

Notes
  1. https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/comprendre.html