Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
Travail en groupe, en équipe ou en atelier ?
Les élèves sont régulièrement encouragés à travailler à plusieurs. C’est notamment le cas avec trois formes de coopération : le travail en groupe, le travail en équipe et le travail en atelier. Dans le cadre d’une didactique de la coopération, il semble nécessaire de préciser à la fois quelles sont ces modalités d’organisation du travail d’apprentissage des élèves et quelles intentions pédagogiques premières elles poursuivent.
Sinon, confondre ces trois formes coopératives risque d’altérer le travail des élèves et de créer de la perplexité chez des enseignants qui n’observent pas les effets attendus.
Un travail en groupe est une situation coopérative et didactique, organisée par l’enseignant, afin que les élèves explorent, à plusieurs, une situation-problème qu’ils ont précédemment étudiée individuellement. Une situation-problème est un énoncé que les élèves comprennent, tentent de résoudre mais sans y parvenir. Ils se trouvent bloqués par un obstacle, choisi par l’enseignant parce qu’il peut être facilement dépassé par le savoir à transmettre à ses élèves (et qui justifie le choix de cet énoncé précis). Le travail en groupe vise l’émergence d’un conflit sociocognitif, sous forme d’une confrontation entre les avis divergents apportés par les élèves afin qu’apparaisse un litige entre eux.
Ces désaccords servent à mettre en question les représentations initiales de chacun afin que les élèves constatent leurs insuffisances, ressentent le besoin d’en savoir plus. C’est à ce moment précis, quand les élèves vivent de l’incertitude, que l’enseignant peut répondre à toutes les questions par la présentation des savoirs qu’il avait envisagés d’enseigner. Ils les perçoivent alors comme des réponses aux questions qu’ils sont en train de se poser et se trouvent dans des conditions optimales pour les comprendre et commencer à se les approprier.
Un travail en groupe n’est pas un travail de groupe, dans le sens où il n’y a rien à réaliser ensemble. Le but d’un travail en groupe est seulement de confronter des avis (alors que celui d’un travail de groupe est de produire quelque chose à plusieurs, avec tous les risques de répartition inéquitable du travail et de relégation des élèves les plus vulnérables).
Organiser du travail en groupe au sein d’une séance d’enseignement nécessite une articulation rigoureuse entre des temps individuels, des temps collectifs et du travail en groupe. Nous avons pu le formaliser de la sorte :
1 | Présentation de la consigne (la situation-problème et les étapes de travail) |
2 | Temps court de travail individuel |
3 | Constitution aléatoire des groupes, à partir des élèves volontaires pour intégrer un groupe |
4 | Temps de travail en groupe (orienté vers l’émergence de conflits sociocognitifs au sein de chaque groupe – quelques minutes suffisent) |
5 | Remontées collectives (orientées vers l’approfondissement de conflits sociocognitifs au niveau de la classe) |
6 | Synthèse par l’enseignant (par une transmission-explication des savoirs ad hoc, en réponse aux questions que les élèves sont en train de se poser) |
7 | Rédaction de la synthèse du cours |
8 | Exercice individuel d’application immédiate (et rétroaction par l’enseignant) |
9 | Bilan réflexif et métacognitif de la séance |
Un travail en équipe est une situation coopérative organisée par l’enseignant, dans le cadre de démarches de projet. Une démarche de projet consiste, pour un thème spécifique – souvent associé à une « éducation à » –, à laisser les élèves prendre la main sur ce qu’ils souhaitent réaliser pour tenter de lutter contre un problème qui les touche. Des diverses idées qui émergent, certains conduisent à des projets individuels, d’autres à des projets en équipe.
Les élèves se réunissent alors régulièrement pour choisir, penser, mettre en œuvre, communiquer et évaluer un projet, sur un temps long. Les démarches de projet et les pédagogies de projet ne sont pas des projets pédagogiques – qui sont du ressort des adultes. Une pédagogie de projet, accompagnée par des enseignants, accorde une priorité aux initiatives prises par les élèves. Les adultes, après avoir été des catalyseurs de ces projets, se mettent en retrait afin de laisser les élèves vivre pleinement la responsabilité de leurs projets.
Le travail en équipe conduit les élèves à un double développement de compétences : des compétences de vie relatives aux expériences de réalisation du projet – par exemple, sur de la gestion des émotions dans de la négociation au sein d’une équipe –, ainsi que des compétences relatives aux savoirs scolaires utilisés dans le contexte authentique des projets mis en œuvre – et plus dans celui d’exercices scolaires didactisés.
C’est pour cela qu’une démarche de projet, aboutissant à la création de certaines équipes, s’articule entre des temps accompagnés, des temps d’autonomie et des espaces d’échanges autour des avancées réalisées et des difficultés rencontrées.
Voici le protocole que nous avons pu mettre à jour pour la conduite d’une pédagogie de projet :
1 | Sensibilisation des élèves à la thématique des projets à concevoir (sous forme d’activités de conscientisation conduites par l’enseignant) |
2 | Détermination de toutes les idées d’élèves pour résoudre les problématiques conscientisées (souvent par l’intermédiaire d’un brainstorming au tableau) |
3 | Positionnement individuel des élèves par idée de projet |
4 | Constitution des équipes (par affinités de projet). Des élèves peuvent préférer réaliser seul leur projet |
5 | Temps de conception des projets (par équipes ou seuls) |
6 | Bilans intermédiaires des projets (par exemple, lors de conseils coopératifs) |
7 | Mise en œuvre des projets |
8 | Partage des projets (communication) |
9 | Bilan réflexif et métacognitif des projets réalisés |
Un travail en atelier correspond à une organisation en groupes restreints du travail des élèves autour d’une même tâche. Les ateliers peuvent être organisés par l’enseignant (nature et composition des groupes) ou être à l’initiative des élèves (au sein d’ateliers permanents mettant à disposition du matériel pédagogique spécifique).
Les ateliers tournants consistent en une rotation des groupes suivant les consignes : en fin de cycle, tous les élèves ont réalisé tous les ateliers. Les ateliers permanents correspondent à des pôles d’activités vers lesquels les élèves s’orientent de manière autonome en fonction de leur travail personnalisé (dans le cadre de démarches de projet ou d’exercices d’entrainement).
Le travail en atelier est source d’apprentissage selon le principe de vicariance : les élèves s’observent et reproduisent en se l’appropriant ce qu’ils ont vu faire par d’autres. Ils ne font pas qu’imiter ce qu’ils voient, ils tentent de le réaliser par eux-mêmes après un travail d’intériorisation de ce qu’ils ont repéré par observation.
Au sein d’un atelier objectivé par une activité individuelle à réussir, le pouvoir d’autorégulation cognitive des élèves est intense, alimenté par les diverses informations fournies par ce que font et montrent les camarades proches.
Voici une modélisation d’organisation de travaux en atelier au sein d’une classe :
1 | Présentation des différents ateliers (des consignes d’utilisation du matériel présent ou des consignes à effectuer). |
2 | Énoncé de la consigne individuelle à réaliser à partir des expériences en atelier. |
3 | Répartition des élèves dans les ateliers (selon les places disponibles, en veillant à ce que personne ne reste seul, pour permettre la vicariance). |
4 | Travail en atelier. |
5 | Exercice individuel relatif à l’atelier réalisé. |
6 | Bilan réflexif et métacognitif des projets réalisés. |
Travail en groupe, en équipe ou en atelier sont trois formes différentes de coopération entre élèves.
Le travail en groupe est surtout utile en début de séquence d’enseignement, pour aider les élèves à ressentir le besoin d’apprendre quelque chose de nouveau (que l’enseignant pourra leur transmettre à ce moment précis).
Le travail en équipe intervient plutôt en fin de séquence pour que les élèves puissent utiliser ce qu’ils ont appris à l’école dans des contextes nouveaux et authentiques (vivants). Ils pourront ainsi apprendre jusqu’à devenir compétents.
Le travail en atelier correspond à une modalité d’entrainement (pour mémoriser), qui offre aux élèves l’exemple de ce que font d’autres élèves autour de la même tâche.
Combinées, ces trois formes de coopération peuvent permettre aux enseignants de mieux aider les élèves à apprendre, et permettre aux élèves de ressentir le plaisir d’avoir appris quelque chose de nouveau.
À lire également sur notre site
Les 3 objectifs d’un défi chamallow en classe, par Laurent Reynaud, Cyril Lascassies, Céline Cael, Sylvain Connac
3 outils simples pour organiser la coopération en classe, par Sylvain Connac et Laurent Reynaud
Faire participer des élèves en les déstabilisant ? par Mounia Jaouen, Yohann Grignon, Sylvain Connac
Une équipe qui fonctionne par Sylvie Grau
Sur notre librairie