« Sans mouvement, pas de lumière »

Capture d’écran du film

Partez à la découverte d’un CDI vraiment très différent et de la professeure documentaliste qui l’anime, dans ce documentaire de Laurence Kirsch. Un espace-temps que les lycéens s’approprient pour y mener des projets impossibles, ou pas.

Ça démarre par une déambulation belphégorienne, clandestine. On y rencontre des vieilles cartes de géographie, un vieux mannequin de couturière et Voltaire, qui nous ramènera vers les Lumières…

On va vite savoir qu’il s’agit des sous-sols du lycée Jacques-Ruffié à Limoux, dans la vallée de l’Aude. Toute une équipe mystérieuse y est venue chercher des objets pour habiller un lieu emblématique de l’établissement, à la surface celui-ci, presque un tiers-lieu, le CDI. Véronique Gardair, la professeure documentaliste, est responsable de cet espace-temps. Les habitués disent que c’est leur tanière, leur cocon, « un endroit où on peut trouver à peu près tout », « la maison au lycée ».

C’est presque une classe flexible géante avec ses différents ateliers, un coin cosy où on étale ses cours de physique-chimie comme on le ferait dans sa chambre d’ado. Il y a des tableaux blancs au pied desquels on s’entraide et coopère autour de la résolution d’une équation, un studio dédié à la webradio du lycée, des expos temporaires créées par les élèves eux-mêmes sur des thèmes sociétaux forts ou à partir de créations artistiques tout aussi indispensables.

C’est plus un espace partagé qu’un openspace productiviste. Il y a de la musique, jouée par qui veut sur le vieux piano droit. Il y règne une discipline de chantier sur lequel tout le monde est à la tâche ou à la pause réparatrice. Chacun sait ce qu’il a à faire ou est stimulé pour le faire. On peut même venir y négocier une médiation pour l’aménagement d’une heure de colle…

Capture d’écran du film.

C’est un lieu finalement lumineux, une ruche au milieu d’un champ de savoirs, ça bourdonne, ça entre et ça sort, ça reste et ça s’installe. Ça fourmille, mais il y a en fait en son sein un puissant principe directeur, entretenu par Véronique, de choix, de prise de risque, pleinement accepté et porté par les élèves. Elle les pousse vers les autres et vers le monde, d’abord dans les classes, sous forme « d’effractions littéraires », ensuite dans le territoire proche, leur ville, pour des actions dans « la France en vrai », puis ouvre sur leur avenir et tous les possibles qu’il offre.

Autour de projets concrets d’adolescents ou de projets utopistes, elle initie et accompagne ses élèves, citoyennes et citoyens de demain, dans leurs conceptions et leurs réalisations, dans l’insouciance, sans la naïveté, avec la conviction d’y arriver, selon le principe de ne pas savoir que c’est impossible et donc d’avoir une belle chance de réussir à convaincre leurs interlocuteurs, financeurs, et autres édiles locaux.

« Disposer d’un lieu, à construire avec des élèves, pour mener à bien des projets », c’est donc ainsi qu’elle définit très simplement son métier. De fait, c’est un peu plus complexe que ça. Elle est effectivement au centre de son CDI mais aussi dans tous les coins et recoins. Avec une sorte de neutralité proactive, elle y est, l’air de rien, médiatrice, animatrice radio, galeriste féministe, assistante sociale, psychologue, conseillère d’orientation, prof de philo, d’art et de poésie, et ponctuellement coach d’éloquence pour le Grand Oral du bac !

Elle leur enseigne à surprendre. Elle les guide à tout moment, avec tact, avec le bon mot, le bon geste, au bon moment, sur des projets communs ou des parcours individuels, des caps à franchir pour finir de grandir. Elle les aide à devenir. Que ce soit pour Matéo, Othilie, Ryan ou tous les autres, c’est une maïeuticienne. Ou un colibri.

Ce documentaire de cinquante-deux minutes est une vraie bouffée d’oxygène, une pure source d’énergie renouvelée pour qui croit encore à la force de l’éducation et de ceux et celles qui la maintiennent à flots. Il a été réalisé en 2023 par Laurence Kirsch. Il a été diffusé le 7 mars dernier sur France 3 Occitanie et à voir en replay pendant trente jours sur le site de France Télévision.