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Rumeurs sur l’éducation sexuelle à l’école: le retour

Circulent actuellement sur les réseaux sociaux des tableaux – toujours les deux mêmes pages avec des éléments largement entourés en rouge – présentés comme des «programmes» français d’éducation sexuelle, surtout pour les plus petits. On y ajoute souvent un lien avec des propos récents de Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui, en juillet, a simplement rappelé qu’il est prévu depuis 2001 trois cours par an (par an !) d’éducation à la sexualité à l’école. Le tour est joué, des parents abusés montent au créneau et relaient sans plus vérifier cette scandaleuse information.

Eh oui… sauf qu’un simple regard sur les vrais programmes français et sur les documents pédagogiques proposés par le ministère[[Voir par exemple http://eduscol.education.fr/cid47994/reperes-et-ressources-pour-la-prevention-et-le-traitement-des-violences-sexuelles.html]] permettrait de se remettre les neurones à l’endroit et de comprendre que, en particulier pour les plus petits, puisque c’est à ce sujet que les réseaux frémissent, l’école française propose une réflexion progressive sur le respect de son propre corps et du corps de l’autre, dans le but de prévenir les abus en sensibilisant, d’une façon adaptée à chaque âge, aux situations «à risque».

Au passage, ces quelques séances annuelles ont-elles vraiment lieu partout ? Non, tant s’en faut.

Un document de formation suisse

Mais alors, ce document ? Ce sont deux pages extraites d’une étude de la Haute école pédagogique de Lucerne[[http://www.amorix.ch/fileadmin/media/amorix.ch/Grundlagepapier_version_4-2_F_DEF.pdf]] (aimable ville de Suisse, rappelons-le) destinée à la formation des enseignants. Cette analyse n’est donc nullement un programme, hé non, même pas en Suisse ! Elle s’intitule (ce qui facilite ensuite sa falsification sur les réseaux) Bases pour une éducation sexuelle à l’école, et elle dresse, âge par âge, une vue d’ensemble des étapes de la découverte par les enfants de leur corps (je rappelle qu’on peut même contester cette étude, si on a d’autres données…).

Par exemple, la phrase sur la «découverte des organes sexuels comme source de plaisirs nouveaux», soulignée (par qui, au fait ?) d’un rouge scandalisé dans le document qui circule, ne dit bien sûr absolument pas que c’est ce qui va être «fait» à l’école (on revient aux légendes urbaines diffusées en 2014), mais fait état de ce qui se passe pour la plupart des enfants vers 4-5 ans.

On récapitule : des documents complètement détournés, annotés en rouge vif pour affoler. Ah, comme nous aimons à nous faire peur ! Et maintenant si on s’occupait d’un vrai de vrai danger pour l’avenir de nos enfants, euh, par exemple le réchauffement climatique ? Ah, ça fait moins monter l’adrénaline, c’est sûr, et c’est bien dommage.

Florence Castincaud
Professeure de français en collège


Pour aller plus loin:
L’article de décryptage des décodeurs du Monde