Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
Revue de presse du 4 septembre 2022
Le discours de la Sorbonne n’en finit pas de susciter des interprétations, des débats et des interrogations. Dans AOC, Claude Lelièvre s’intéresse à « l’étrange « révolution culturelle » annoncée de Macron ». « À l’opposé des consultations nationales des cinquante dernières années, le président de la République appelle à « inverser la pyramide » par des débats déclinés à l’échelon local. Nous voici donc face à un OVNI dont on perçoit difficilement les contours et les procédures. ».
Côté politique, la libérale Nelly Guet affiche son scepticisme dans Contrepoints « Le discours prononcé le 25 août à la Sorbonne prouve que le président de la République est convaincu de la nécessaire transformation de notre école, mais nous ne pouvons qu’être très sceptiques sur ses chances de réussite »
La Vie a recueilli le point de vue de Monique Canto-Sperber : « Comment transformer le système éducatif français ? La philosophe développe la proposition d’une école publique autonome. Un modèle contesté qui, selon sa thèse, serait un facteur d’amélioration générale. » Bref, au rayon des recettes, il y a un peu de réchauffé.
On trouve aussi des analyses intéressantes. Xavier Pons rejette le terme de pénurie concernant le recrutement des enseignants. « Ce discours permet d’engendrer un certain type de réponse politique d’urgence fondée sur une flexibilité accrue du système et empêche de construire des solutions plus pérennes pour sécuriser les parcours professionnels. », explique t-il pour le Monde (réservé aux abonnés).
« Le temps d’un débat », l’émission de France Culture, a posé cette semaine la question : « Ce système des concours institué au XIX e siècle et modifié en 1950 avec l’invention du CAPES est-il en difficulté ? Doit-il être réformé ? Que gagne-t-il et que perd-il à se voir mis en concurrence avec le recours aux contractuels ? »
Cécile Blanchard relaie les propositions du CRAP-Cahiers Pédagogiques : « Puisqu’il s’agit pour nous de « changer l’école pour changer la société, changer la société pour changer l’école », on ne pouvait pas rester dans une tour d’ivoire. Après tout, si le cœur de l’action du mouvement est la publication d’une revue, c’est évidemment pour diffuser des valeurs, des idées, des pratiques. »
« Les inégalités scolaires ne se sont pas réduites mais déplacées. Résultat : les vaincus du système scolaire se défient des valeurs démocratiques. Il faut repenser l’école pour éduquer à la confiance en soi, à la solidarité et à la tolérance, sans humilier personne. » Le sociologue François Dubet propose sur le site de l’Observatoire des inégalités de « donner la priorité aux perdants ».
Claude Lelièvre, pour Marianne, analyse avec recul la crise qui agite le système éducatif : « Ce n’est pas qu’une question de salaire. Il faut que l’école en elle-même, pas seulement les individus, sente qu’elle a un avenir valorisé. Car l’école est toujours plus ou moins une institution qui fonctionne à la mobilisation, notamment de ses personnels. S’il y a un doute sur l’issue de ces mobilisations, si l’institution est moins valorisée, il y a un risque sur la continuité du fonctionnement de l’Éducation nationale. »
Le manque de valorisation touche particulièrement l’enseignement professionnel en cette rentrée. L’annonce présidentielle d’une nouvelle réforme a suscité un tollé. « Le syndicat de l’enseignement professionnel Snuep-FSU a dénoncé ce mardi 30 août comme un « scandale scolaire » la volonté du gouvernement de transformer « en profondeur » la voie professionnelle en la rapprochant du monde du travail. » relate l’Obs. « Les professeurs des lycées professionnels ont peu apprécié l’expression « gâchis collectif », employée par Emmanuel Macron lors de son discours la semaine dernière au sujet de la faible insertion des bacheliers pro et titulaires d’un CAP dans la vie active. »
Y aura t-il un enseignant dans chaque classe à la rentrée ? La question a alimenté la presse cette semaine. « L’Éducation nationale peine de plus en plus à recruter des professeurs pour les collèges et les lycées. Mais toutes les disciplines ne sont pas concernées avec la même intensité. La situation s’est en particulier aggravée dans certaines langues et sciences. », explique l’Étudiant, infographie à l’appui.
Les stylos, micros et caméras se sont tendus pour recueillir des témoignages de profs. France-Info s’est intéressé à « comment les enseignants contractuels « comblent les trous » de l’Éducation nationale ». « Face à la pénurie de professeurs titulaires, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé le recrutement de 3 000 contractuels pour la rentrée 2022. Un statut qui cache bien souvent des conditions de travail précaires. »
Le spectre de la grande démission plane, des profs démissionnaires témoignent comme Laurence pour France 3 « En tant qu’enseignante, la charge mentale est très compliquée. C’est un métier qu’on ne quitte pas. C’est très compliqué de reconnaître ses difficultés et de pouvoir en parler. On a l’impression d’être fautif. Beaucoup d’enseignants n’en parlent pas. » « Le fait de ne plus croire en ce qu’on fait, c’est terrible. Et d’autant plus, je crois que c’est un métier humain comme celui ci, un métier d’enseignant. » confie William Lafleur alias « Monsieur le Prof » à France-Culture .« Le jour où j’ai décidé de rester prof », ainsi semble leur répondre Joy dans le Huffington Post. «C’est simple, l’enseignant est utile aux élèves et à la société tout entière. Alors, aujourd’hui, mon choix est fait » .
« Au début des années 1980, un enseignant débutant gagnait l’équivalent de 2,3 fois le smic, aujourd’hui, il touche environ 1,2 fois le salaire minimum. Cette comparaison éloquente, portée par l’économiste Lucas Chancel, a frappé les esprits ces derniers mois tant elle illustre la chute du salaire des enseignants en quarante ans. » explique Sylvie Lecherbonnier du Monde. Une revalorisation des salaires semble nécessaire mais sera-t-elle suffisante pour donner envie de devenir enseignant et de le rester dans la durée ?
Le Président a bien entendu son idée sur la question, exposée par les Échos. « Pour susciter plus de vocations d’enseignants, l’exécutif veut aussi les former autrement. Emmanuel Macron s’en est pris, la semaine dernière, aux « diplômes universitaires excessifs », insistant sur la possibilité d’avoir un « parcours ad hoc » juste après le bac. Mais sans remettre en question la mastérisation. » La formule « diplômes universitaires excessifs a été fort peu goûtée par les enseignants. Autre point de vue peu consensuel à lire dans La Croix : « En cette rentrée marquée par des difficultés de recrutement, Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, plaide pour une réforme des obligations de service et une annualisation du temps de travail. »
Et si l’on regardait du côté du métier ? Fredgrimaud sur son Blog sur l’Organisation Scientifique du Travail Enseignant titre « Ecole : l’effondrement qui vient… par le métier . » « Je ne suis pas collapsologue de l’école mais enseignant à la veille de la rentrée. Depuis plusieurs années, je mène des recherches en sciences de l’éducation qui m’ont permis d’analyser les évolutions de mon métier et de l’institution scolaire. Et en ce 1er septembre 2022, j’ai l’impression d’assister à une fin de partie de « Jenga ».
Philippe Meirieu, dans un entretien à lire dans la série d’articles de rentrée consacrés à l’éducation par Alternatives Économiques, constate : « ces cinq dernières années ont été marquées par une véritable prolétarisation du métier : des injonctions permanentes, des directives infantilisantes, peu de reconnaissance du travail d’équipe… et des évaluations standardisées qui dépossèdent largement les maîtres de leur initiative et laissent s’infiltrer le soupçon d’une « obligation de résultat » et d’une « rémunération au mérite ».
« Pourquoi les évaluations CP posent problème? », l’analyse de Paul Devin vient en illustration du constat.
Et dans ce contexte, la publication du dossier « Les enseignants et la reconnaissance professionnelle », coordonné par Pascal Guibert, Régis Malet, Pierre Périer pour la Revue Éducation et sociétés tombe à pic.
La rentrée des élèves en situation de handicap ne se fait pas sans heurt. « La Défenseure des droits, Claire Hédon, pointe du doigt le manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) à la rentrée. Le gouvernement a pourtant annoncé la création de 4.000 postes supplémentaires pour septembre. » lit-on dans les Échos. Et dans le Monde : « Ce qui nous a frappés dans les réclamations reçues ces derniers mois et qui sont en augmentation, ce sont les attributions d’AESH qui ne sont pas appliquées faute de moyens financiers et humains. Or, les conséquences sont dramatiques pour l’enfant : non-scolarisation, déscolarisation ou très peu d’heures de cours. » Le Dauphiné (réservé aux abonnés) relaie : « Des enseignants pas assez formés, un manque de moyens… Une étude réalisée par dix associations qui œuvrent dans le domaine du handicap, de l’école et de l’éducation populaire montre que l’inclusion des enfants en situation de handicap continue de se heurter à des obstacles. »
« Rentrée scolaire : « 1 600 enfants dormaient dehors » cet été, faute de solution d’hébergement, selon la FCPE » indique France-Info. Depuis 2014, un collectif lyonnais constitué d’enseignants, de parents et d’habitants se mobilise pour alerter et trouver des solutions. Nous en parlions sur notre site. La Croix annonce « En France, plusieurs milliers d’enfants scolarisés dorment dans la rue ou dans un habitat impropre. Ce mardi 30 août, le Collectif des associations unies lance un réseau national d’aide pour ces élèves sans toit. » Nadia, parent d’élève lyonnaise, témoigne « Quand un camarade d’école de ses propres enfants dort dehors, c’est toujours un choc ».
Comment ne pas mentionner le travail constant et engagé de Jane Bouvier pour que les enfants des bidonvilles marseillais soient scolarisés. L’engagement est peu médiatisé mais mérite d’être connu, partagé, nous en parlions ici. . Gomet raconte : « Jane Bouvier présentait le même jour à Marseille la bande dessinée, “Sabi et Tereza, le nuit du trésor“, qui retrace la vie de deux enfants qu’elle a aidés à entrer à l’école. Deux exemples parmi un millier d’enfants scolarisés grâce à elle depuis le début de son engagement. »
Échos quelques peu contrastés sur l’état des inscriptions post-bac. Du côté de l’Étudiant : « Sans solution pour la rentrée 2022 ? Il reste encore des places sur Parcoursup ! Plus de 15.000 formations sont toujours répertoriées sur la plateforme et proposent des places aux candidats, dont la moitié (7.300) proposent des cursus en apprentissage. La phase complémentaire de Parcoursup court jusqu’au 16 septembre. » Lyon Mag relève de son côté : « Entre 30 et 50 étudiants restent encore en file d’attente sur Parcoursup pour une université de 28 000 personnes. Le statut d’étudiant leur sera retiré s’ils ne sont pas pris. Ils perdront ainsi la bourse du CROUS, la CAF et leur logement étudiant s’ils en possèdent un. La date butoir d’inscription, le 15 septembre pour les licences et le 30 pour les masters, mettra fin au calvaire pour certains, ou ne sera que le début pour d’autres. »
La plateforme est encore sur la sellette. « Parcoursup : les Régions de France demandent de revoir les critères d’orientation pour mieux servir l’emploi. Les présidents de Région critiquent notamment un mode d’affectation géographique qui nuirait à l’emploi local selon eux », relève Sud-Ouest. Cela tombe bien, « Le ministre veut faire de Parcoursup une plateforme plus « lisible » et « transparente », explique VousNousIls.
La rentrée universitaire peut s’avérer être un vrai casse-tête pour trouver un logement. Exemple relevé par France 3 : « Pour les étudiants, la rentrée rime aussi avec recherche d’appartement. A Orléans, le marché locatif est tendu, d’autant que de nouvelles filières s’ouvrent à l’université cette année. »
« États-Unis: face à la pénurie d’enseignants, des districts du Texas optent pour la semaine de quatre jours », rapporte RFI . « Aux États-Unis, les enseignants des écoles publiques manquent à l’appel lors de cette rentrée. Accusés de propager la Critical Race Theory, de mettre à disposition des enfants des livres controversés sur les genres, des enseignants à qui l’on propose de s’armer pour faire face aux fusillades dans les écoles, plusieurs centaines manquent, rien qu’à Houston. Aussi pour les attirer, une quarantaine de districts scolaires du Texas ont opté pour la semaine de quatre jours. »
RFI est allé voir aussi en Ukraine en s’interrogeant : « Éducation: comment le conflit en Ukraine a transformé l’école en Russie ». « C’était une rentrée scolaire sous le signe de l’« opération spéciale », jeudi 1er septembre en Russie : les écoliers des territoires conquis par les forces russes et pro-russes dans le Donbass et dans le sud de l’Ukraine vont, comme les écoliers russes, découvrir de nouveaux programmes, avec l’accent mis sur l’importance d’enseigner une version de l’Histoire approuvée par le Kremlin, mais aussi de nouveaux cours de patriotisme à l’école. »
Jeune Afrique propose un état des lieux. « La rentrée scolaire sera chahutée ou ne sera pas ». « La reprise des cours approche et les sujets d’inquiétude ne manquent pas en Afrique. Inquiétudes académiques, économiques ou sécuritaires… »
Tout d’abord, pour avoir les idées nettes sur les chiffres et données : L’éducation nationale en chiffres, édition 2022 | Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse
Dans la revue Spirale, Karine Molvinger se penche sur « La mise en œuvre d’une démarche d’investigation à l’école élémentaire. » « Cet article présente une étude de cas portant sur les pratiques d’une enseignante de CM1 dans un établissement ordinaire français lors d’une séance de sciences de type démarche d’investigation (DI) sur la miscibilité. »
Anne Lévesque s’interroge dans Le Mouton Noir : « Quelle place les enseignantes et enseignants devraient-ils prendre dans la lutte climatique ? » Pour elle, « Face à ces constats toujours plus alarmants les uns que les autres, que peut faire le ou la professeure concernant cette réalité ? Selon moi, les enseignant.es jouent un rôle plus que déterminant dans cette lutte. » Et dans ses réponses, c’est bien de lutte dont il s’agit.
En liant plusieurs ouvrages, Luc Cédelle dresse des Plaidoyers pour une école qui promeut le bien commun (Le Monde, réservé aux abonnés). « Les ouvrages d’Abdennour Bidar et Philippe Meirieu, mais aussi de Mohand-Kamel Chabane et Benoît Falaize, ou la « Lettre à une enseignante » des enfants de Barbiana, en Italie, évoquent les ambitions que peut et doit avoir l’école pour tous les élèves. » Dans un autre article, il s’intéresse aux « faux-semblants de la méritocratie »
“L’idée d’une hiérarchie fondée sur le mérite est un des fondements de l’école républicaine, mais une compétition équitable exigerait que tous les enfants aient les mêmes conditions culturelles et socio-économiques. »
Sur le site d’AOC, Ghislain Leroy interroge : « Quelles pédagogies pour quelles subversions de l’ordre social ? » « Alors que la sociologie des inégalités socio-scolaires, dans la reprise de l’héritage théorique et conceptuel de Bourdieu, critique l’institution scolaire en ce qu’elle reconduit la domination sociale qu’elle prétend abolir, les sciences de l’éducation maintiennent leur espoir et travaillent à l’élaboration d’une école qui émancipe. Avec les pédagogies critiques, c’est potentiellement une autre analyse de la reproduction sociale, et de son éventuelle subversion, qui est proposée. »
La revue de presse a été tricotée par Monique Royer à partir de la veille de Bernard Desclaux et illustrée par Fabien Crégut.
N° 577 – QUE NOUS APPORTENT LES MÉTHODES ?
Coordonné par Céline Walkowiak et Grégory Delboé, mai 2022
Dans quelle mesure la méthode s’impose-t-elle pour apprendre ou au contraire constitue-t-elle un obstacle voire une impasse ? Les méthodes, faut-il les transmettre ou les laisser se construire ? Et finalement, une éducation qui vise l’émancipation des sujets peut-elle se priver de méthodes ?
N° 576 – FORMER LES ÉLÈVES À LA COOPÉRATION
Coordonné par Sylvain Connac, Cyril Lascassies et Julie Lefort
Il ne suffit pas que quatre élèves travaillent ensemble pour qu’ils en tirent un bénéfice. Sans précautions spécifiques, la coopération peut même décourager les plus fragiles. Un des leviers pour que la coopération soit profitable à tous est la formation des élèves à la coopération, pour leur expliciter les attendus.