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Questionner Vera

Je suis cofondateur de LaReponse.tech qui est une organisation à but non lucratif, un collectif de citoyennes et de citoyens qui partagent tous une expérience significative dans des projets d’intérêt général concernant le numérique, que ce soit sur le climat ou les droits sociaux et, plus récemment, nous nous sommes intéressés à la désinformation.
Aux lendemains des élections législatives, nous nous sommes demandé comment agir, pour contrer les informations fausses qui circulent sur les réseaux. C’est là qu’est née Vera. C’est un simple numéro de téléphone, gratuit, relié à une intelligence artificielle (GPT-4o). Quand on lui pose une question par téléphone ou Whatsapp, Vera va aller chercher parmi une centaine de sources de fact-checking (AFP factuel, Les Surligneurs, Les Décodeurs, etc.) ainsi que de grands médias ‒ sources sélectionnées par un comité d’experts ‒ et donne une réponse en renvoyant à ces sources. Notre constat était qu’il manquait certainement un service public pour vérifier les faits face aux informations diffusées souvent sans vérification ou intentionnellement trompeuses.
Ajoutons que notre équipe est constituée entièrement de bénévoles.
Nous sommes tout à fait au début. Mais nous recevons énormément de messages d’encouragements, suite à un simple post sur LinkedIn qui a été abondamment repris. Sans doute parce que nous répondons à un vrai besoin. Ce qui plait, c’est la simplicité d’utilisation de notre outil et notre approche citoyenne, indépendante et transparente, et le fait qu’on met à disposition une très grande variété de sources.
Nous nous sommes rapprochés de personnes expertes dans ce domaine comme la journaliste d’investigation Aude Favre, le cofondateur de Courrier international Maurice Ronai (qui fait partie de l’équipe), le fondateur de Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt, la chercheuse Camille François, qui a créé et codirige un laboratoire d’innovation sur l’IA et la démocratie, Benjamin Tainturier, enseignant en culture numérique à Sciences Po Dijon… Vera s’appuie sur une première liste de plus de soixante sites et services de fact-checking dans le monde, signataires du code de principes de l’IFCN (International Fact-Checking Network) ou membres de l’EFCSN (Réseau européen de vérification des faits). Nous complétons progressivement cette première liste pour couvrir le plus grand nombre de pays possible. Nous prenons en compte aussi bien les services et rubriques de fact-checking adossés à des médias que les sites de fact-checking indépendants animés par des collectifs spécialisés.
En appui des sites de fact-checking, nous avons constitué une liste de plus de 250 sources de référence, réputées pour leur sérieux et leur indépendance vis-à-vis des gouvernements et des intérêts économiques : agences de presse, grands quotidiens et médias radio ou télévision réputés, afin de couvrir une diversité de points de vue tout en garantissant la fiabilité des réponses. Nous nous sommes appuyés sur le guide des sources de Courrier International, que nous complétons progressivement avec des revues scientifiques de premier plan comme Science, Nature ou New Scientist, et des publications de vulgarisation scientifique comme Epsiloon, Futura-Sciences ou l’agence Science presse. La liste de toutes les sources utilisées par Vera est disponible publiquement.
D’un point de vue technique, Vera n’accède pas directement aux sites web des sources, car c’est interdit. Nous (c’est-à-dire Vera) accédons uniquement aux résumés disponibles via la recherche dans Google. Ces résumés sont suffisants pour obtenir les arguments principaux et répondre aux questions posées par les utilisateurs. Et lorsque Vera renvoie à un article, c’est déjà très bien, l’enjeu est de rediriger vers les sources fiables.
Nous sommes en discussion avec certaines agences de fact-checking (comme l’AFP) pour qu’ils nous autorisent l’accès à leurs articles, qui sont en général payants en effet. Cela nous permettrait d’étoffer les réponses de Vera avec davantage d’arguments et toujours cet enjeu de faire le pont entre ces sources fiables et les utilisateurs finaux, via un outil accessible à toutes et tous.
On ne peut pas (encore) envoyer d’image à Vera, en revanche il est tout à fait possible de lui parler d’une image pour vérifier sa véracité. Par exemple : « J’ai vu une photos de onze nageurs qui ont vomi après avoir nagé dans la Seine ». Vera va renvoyer à un article de Libération montrant que c’est faux. Peut-être bientôt pourra-t-on questionner directement à partir d’une image cependant.
Oui, tout à fait, tous les services sont entièrement pris en charge par notre ONG. Nous avons aussi dû dépenser pour pouvoir sécuriser au maximum le système. Nous avons un enjeu de partenariat. Nous avons remporté le premier prix d’un hackathon (un concours organisé par les organisations Think Young et A voté) où il fallait présenter son projet pour « combattre la désinformation en période électorale ». Cela nous a permis de commencer à financer notre projet, mais il nous faut effectivement trouver des moyens, dons ou subventions, pour nous inscrire dans la pérennité tout en conservant notre indépendance. Vera restera toujours un service gratuit pour garantir son accessibilité, et indépendant de toute institution et parti politique. C’est indispensable pour un service de vérification des faits.
Nous avons déjà eu un contact de la part du ministère de l’Éducation nationale. Nous avons eu des messages d’enseignants demandant si Vera peut être utilisée auprès des élèves. L’enseignement nous apparait, après ce lancement, comme une évidence, même si nous ne l’avions pas pensé pour ça. Car, bien sûr, l’éducation joue un rôle déterminant pour faire face à la désinformation. Vera pourrait être utilisée pour aider à développer l’esprit critique des élèves : un vérificateur d’information fiable qu’ils ont toujours dans leur poche, qu’ils peuvent emporter dans leurs foyers familiaux et utiliser en navigant sur les réseaux sociaux, pour se protéger de la désinformation.
Mieux comprendre une opinion, en savoir plus, cela va au-delà du combat contre la désinformation. On a besoin d’un esprit critique, sans pour autant tomber dans la surméfiance. Nous ne sommes pas un média, mais simplement un moyen d’aller vers l’information la plus juste possible. On peut engager le dialogue avec Vera avec une phrase comme « oui, mais quand même, on m’a dit que… » ou « je ne crois pas en cette source, peux-tu m’en indiquer une autre ? »…
Oui, aujourd’hui. Vera peut parler de multiples langues, mais il nous faut nous assurer qu’on ne lui fera pas dire n’importe quoi. Mais à assez court terme, nous allons nous ouvrir à l’international. Cependant, si sur WhatsApp on demande à Vera de répondre en anglais, elle le fera.
Nous ne conservons aucune donnée personnelle, nous supprimons les numéros de téléphone de notre base de données. En revanche, nous avons accès aux questions pour comprendre comment Vera est utilisée et l’améliorer dans le temps. Pour le moment, ce sont surtout des utilisateurs de réseaux comme LinkedIn qui ont utilisé l’outil, car c’est là que nous l’avons lancé, mais cela va s’élargir si nous parvenons à faire parler de nous dans la presse notamment. Nous comptons faire de la publicité sur les réseaux sociaux, créer un compte sur Instagram, TikTok, Twitter/X, pour que Vera soit au plus proche des usages et de la désinformation potentielle. Cela requiert une couche technique supplémentaire, mais c’est tout à fait faisable.
Par ailleurs, nous avons très envie de travailler avec l’Éducation nationale, pour faire connaitre Vera aux enseignants et aux élèves.
Pour aller plus loin
Le site de présentation de Vera
Le numéro pour appeler Vera : 09 74 99 12 95
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