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Finlande : L’éducation à la citoyenneté numérique

Lorsque l’éducation aux médias est considérée comme un enjeu de cohésion sociale, elle devient une véritable priorité à l’école et au-delà, et à tous les âges. Démonstration finlandaise.Si l’éducation aux médias (media literacy) a été introduite dans les écoles finlandaises dès le début des années 2000, un « bond numérique » a été franchi en 2014, à travers un programme d’actions lancé par le ministère de l’Éducation et de la Culture. L’objectif était d’accompagner les écoles dans la modernisation de leur outillage pédagogique et didactique d’éducation aux médias.
Les écoles finlandaises ont déployé de nombreux projets de numérisation, sur des bases locales et en lien avec de nombreux acteurs internes ou périphériques à l’école. La diversité et la richesse des pratiques pédagogiques et didactiques relatives à l’éducation aux médias ont été relevées dans de nombreux rapports et enquêtes, y compris européens. Le Mapping of Media Literacy Practice and Actions in EU-28 produit par la Commission européenne a souligné combien les initiatives d’éducation aux médias et à l’écosystème numérique étaient nettement plus nombreuses et diversifiées en Finlande que dans la plupart des pays européens, avec cependant une fragmentation territoriale de l’offre.
L’éducation aux médias était depuis 2014 considérée comme propice au développement de compétences transversales liées à la réflexivité et à l’apprentissage critique et délibératif. Depuis le new national core curriculum for basic education (nouveau programme national pour l’éducation de base) de 2014, l’éducation aux médias est incluse en Finlande dans les objectifs dit de littératie multiple, ce qui à la fois qualifie la plasticité de la compétence numérique et désigne une compétence transversale et mobilisable dans toutes les matières scolaires.
Les recommandations de 2019 en matière de curriculum renforcent encore cette politique volontariste qui concerne les élèves finlandais à toutes les étapes de leur scolarité, de la jeune enfance à la fin du secondaire et même au-delà. L’objectif cardinal de cette éducation est de soutenir le potentiel des enfants et des adultes en devenir à apprendre à être critique face aux médias et à toute source d’information, et à développer des compétences éthiques, réflexives et pragmatiques en la matière, propres à promouvoir une citoyenneté numérique active.
La compétence numérique, d’abord considérée comme une aptitude technique d’utilisation d’outils et de ressources, est ainsi devenue à la fois plus complexe et plus extensive. Désormais reliée à la fois à des enjeux d’adaptabilité, de créativité, de socialité et de sécurité, l’éducation aux médias entend prendre au sérieux le fait que les enfants et les adultes évoluent dans un écosystème numérique complexe. Cela justifie dans ce pays, comme dans d’autres pays nordiques sous d’autres formes, des réformes du curriculum scolaire et de la formation d’enseignants appelés à être plus outillés et confiants dans leur capacité à accompagner les élèves dans le développement d’une citoyenneté active et responsable.
Cette ambition éducative se veut universelle. Autrement dit, elle entend toucher tous les élèves, quels que soient leur ancrage social et leur choix de filière. On sait par la recherche que dans de nombreux pays européens, l’éducation à la citoyenneté en milieu scolaire, notamment la citoyenneté numérique, concerne les élèves de certains établissements et environnements socioéconomiques plus que d’autres.
Les lycées professionnels en particulier témoignent de déficits en matière de ressources éducatives, de temps consacrés à l’éducation à la citoyenneté et aux médias. Consciente que les filières d’enseignement et le milieu social des élèves ont une incidence sur l’échelle d’approche de la citoyenneté, concourant de fait à une fracture numérique et sociale, la Finlande a inscrit les mêmes objectifs liés à l’éducation aux médias dans les qualifications professionnelles du secondaire supérieur.
Le ministère de l’Éducation et de la Culture a, en outre, alloué des moyens importants pour le développement et la diversification des environnements d’apprentissage et la formation des personnels. À l’automne 2020 a ainsi été lancé le New Literacies Programme, qui vise à renforcer les compétences numériques des jeunes, et, au printemps 2021, des compétences ciblées ont été identifiées. Les descriptions des compétences concernent aussi bien les curriculums de base pour la petite enfance, l’enseignement préélémentaire, primaire et secondaire. Le choix de la maitrise des outils numériques est également devenu un enjeu de valorisation des études secondaires supérieures, à travers des spécialisations et diplomations spécifiques de fin d’études.
En complément, de nombreuses initiatives d’éducation aux médias ciblant les personnes au-delà de l’enseignement formel ont été encouragées par l’inscription de ces compétences dans le cadre de la formation tout au long de la vie, avec le soutien de tiers-lieux éducatifs, des bibliothèques, médiathèques, musées et autres services culturels publics. Les institutions culturelles développent ainsi de plus en plus des activités d’éducation aux médias pour tous, soutenues en cela pour partie par des subventions gouvernementales, signalant une alliance éducative forte entre les secteurs éducatif et culturel dans le domaine. Toutes les ressources sont gratuites, et la plupart d’entre elles sont disponibles en anglais.
Même si ce mouvement a été jugé encore insuffisant dans de récents rapports, le développement de l’accompagnement des jeunes et des adultes, aussi bien que des personnes âgées, identifiées comme une cible prioritaire, au-delà de l’éducation formelle est identifié comme un défi majeur de cohésion sociale et sociétal pour la société finlandaise.
Enfin, de nouvelles dimensions de l’éducation aux médias ont été intégrées par le ministère depuis 2019, visant à prendre en compte la montée et la sophistication de vérités alternatives prenant appui sur des ressorts à la fois cognitifs, émotionnels et rationnels. D’où le partenariat avec Faktabaari, un service de factchecking qui vise à apporter de l’exactitude aux débats de société et qui publie des factchecks pédagogiques et des blogs sur la mésinformation.
En partenariat avec le Finnish Public Service Media ou encore le New Media Finland, qui proposent des activités d’éducation aux médias pour aider les enfants et les jeunes à adopter un rapport critique et actif avec les médias et les sources d’informations numériques, le ministère soutient la production d’outils d’éducation aux médias pour faire face aux fake news – « infox » en français –, aux faits alternatifs et autres alter-récits, qui alimentent la désinformation, la mésinformation et la malinformation, offrant ainsi aux jeunes et aux professionnels qui ont la responsabilité de les former un large éventail d’outils. Il s’agit en effet aussi, avec ces outils, d’aider les enseignants à utiliser les médias en classe et de produire des outils d’éducation aux médias pour différents groupes d’âge.