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Ouvrir sa classe pendant la semaine de la classe inversée

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Anne-Laure Parmentier, enseignante de Physique-chimie en classe de 2de, 1re S et TleS depuis six ans au lycée du Grésivaudan à Meylan (Isère) et auparavant pendant seize ans en collège, dont quatorze ans en ZEP à Echirolles (Isère)

Comment êtes-vous venue à la classe inversée et qu’est-ce que cela vous apporte, ainsi qu’aux élèves?

Je pratique la classe inversée depuis quatre ans maintenant. Mais j’ai toujours orienté ma pédagogie vers l’enseignement par compétences, en utilisant souvent le mode inversé, où les élèves sont acteurs de leurs apprentissages. Cette façon de faire a commencé à germer dans mon esprit quand j’étais en ZEP, pour arriver à donner envie d’apprendre aux élèves. La pratique même de classe inversée, je l’ai développée quand on a monté l’équipe TRAAM (travaux académiques mutualisés) de Physique sur l’académie de Grenoble. Nous avons travaillé sur des ressources utilisant la pédagogie inversée (voir le site académique Physique-chimie).

Ce que cela apporte aux élèves ? Un travail sur différentes compétences (autonomie, gestion du travail de groupe, organisation) et cela leur permet de travailler à leur rythme. La relation avec le professeur est beaucoup plus constructive, l’aide qu’on leur apporte est vraiment personnelle car on a le temps de voir chacun. Cela leur apporte aussi plus d’équité, car à la maison les élèves regardent des vidéos pour lesquelles ils n’ont pas besoin d’aide particulière, aide que le professeur peut alors leur apporter en classe sur les exercices, en disposant de plus de temps pour ces activités.

Ce que cela apporte aux professeurs ? La reconnaissance des élèves quant à la méthode de travail, le fait de vraiment jouer notre rôle d’accompagnant dans la démarche d’apprentissage de l’élève, une organisation plus souple de l’enseignement où les élèves ont du temps en classe pour « pratiquer ». Et une relation plus proche des élèves.

Qu’est-ce qui vous a amenée à choisir d’inviter d’autres enseignants dans votre classe pour la Clise ?

J’ai toujours invité des collègues dans mes classes pour partager mon savoir faire et échanger avec eux sur les pratiques pédagogiques ; les collègues qui viennent (j’en ai accueilli venant de collège et aussi de disciplines différentes de la mienne l’an dernier : Histoire-géographie, Français et Anglais) en ressortent enchantés. Ils m’ont posé beaucoup de questions et continuent de correspondre avec moi par mail pour échanger des idées.

Qu’attendez-vous de cette « ouverture » ?

Des échanges et encore des échanges ! J’ai encore beaucoup à apprendre et ne cesse de faire évoluer mes pratiques : le fait de discuter avec les collègues qui viennent dans la classe me permet d’explorer d’autres idées.

J’attends cette journée avec impatience. Seul regret, cette année (même si c’est encore un peu tôt pour le dire, les inscriptions arrivant à la dernière minute), il y a peu de collègues intéressés pour venir dans mes classes… J’espère qu’avec cet article plus de personnes répondront à l’appel l’an prochain ! Je suis même prête à accueillir les collègues ou à les rencontrer en dehors des créneaux prévus, on pourra appeler cela une extension de la CLISE !

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Caroline Mathias-Guyader, enseignante de mathématiques en collège (6e, 4e et 3e) depuis dix-huit ans dans l’académie de Créteil.

Depuis quand pratiquez-vous la classe inversée ? Qu’est-ce que cela vous apporte, ainsi qu’aux élèves ?

Je pratique les classes inversées depuis mars 2017. J’y suis arrivée progressivement. Quelques années plus tôt, j’avais vu un reportage à la télé sur un professeur de lycée qui inversait sa classe en sciences. Cela m’avait déjà beaucoup plu, mais une petite voix intérieure me disait que « ce n’était pas pour moi », que « les maths ne s’y prêtaient pas », que « mes élèves étaient trop jeunes », qu’« il fallait être un big pro dans le numérique », et patati et patata… En parallèle, après avoir testé plusieurs méthodes, je ne trouvais plus de clés pour gérer l’hétérogénéité des élèves de plus en plus grande, pour remotiver certains élèves.

Puis, il y a eu un enchainement de circonstances : une rencontre avec une collègue de maths dans un autre collège qui pratiquait la classe inversée en REP+, et ma demande de stage au PAF sur les classes inversées qui a été retenue. Les formateurs (Nicolas Lemoine, Cyril Michau, Loïc Asius et Geoffroy Laboudigue) ont balayé en trois jours seulement tous les a priori de ma petite voix, ils ont apporté des solutions à tous les blocages que je m’imaginais. J’ai tout de suite testé et expérimenté avec les élèves, sinon je savais que je ne me lancerais jamais.

En pleine année scolaire, j’ai donc expliqué aux élèves qu’on allait changer de méthode de travail pour trois semaines quoiqu’il allait arriver, et que nous verrions ensemble comment nous poursuivrions. Au bout des trois semaines, ni eux, ni moi, n’avons voulu revenir au mode « traditionnel ». L’essayer, c’est l’adopter ! Pour le professeur comme pour les élèves.

Le passage en classe inversée leur a permis de travailler en respectant le rythme de chacun, de développer leur coopération et leur autonomie. Ils ont retrouvé du sens dans la matière, l’ont davantage appréciée, ont pris plaisir à venir en cours et ils se sont bien davantage impliqués en classe.

Pour ma part, j’en retire aussi plein de bénéfices. Déjà, une bouffée d’oxygène professionnelle. Ce changement m’a permis de me poser des questions sur mes pratiques et ma posture d’enseignante. Ensuite, j’ai trouvé une des clés pour remettre des élèves au travail, en remotiver, les redécouvrir autrement. C’est un plaisir d’en voir certains se libérer : avant, je n’avais jamais entendu la voix de certains élèves en difficulté, maintenant ils osent davantage poser des questions (à leurs camarades ou à moi) car le contexte de classe est différent. De fil en aiguille, ils reprennent confiance en eux, rentrent davantage dans les activités proposées et sourient ! En classe, j’ajuste aussi mes explications ou répétitions en fonction des besoins des élèves. Régulièrement, je les sonde pour avoir leur retour-http://aufildesmaths.fr/dans-les-coulisses-dune-classe-inverseeepisode-9-sondage-de-fin-dannee-scolaire.html, prendre en compte leur ressenti et les façons de s’approprier les notions, ça me permet de réadapter ma posture si besoin.

J’ai créé mon propre site internet : aufildesmaths.fr, à destination principalement des élèves, mais avec une rubrique ressemblant à un journal de bord, où je retrace pas à pas toutes les étapes par lesquelles je passe.

Qu’est-ce que vous a amenée à choisir d’inviter d’autres enseignants dans votre classe?

J’ai pu me lancer en classes inversées grâce aux discussions, aux rencontres (Congrès de la classe inversée, goûter pédagogique, séminaire académique…), à la formation, à la co-formation entre pairs (notamment avec de nombreux professeurs inverseurs qui partagent). J’ai beaucoup appris et fait évoluer mes pratiques et mes postures grâce à eux, qu’ils soient expérimentés (voire experts) ou débutants. À mon tour d’essayer d’apporter ma petite pierre à des enseignants qui seraient simplement curieux ou qui auraient envie de se lancer et n’osent pas. Je n’avais pas plus de dispositions que cela au départ, si j’ai pu me lancer malgré toutes mes peurs et mes a priori, tout le monde peut le faire, quelle que soit la matière et quel que soit l’âge des élèves.

La deuxième raison, c’est que les rencontres et le regard extérieur nous enrichissent en nous permettant de nous remettre en question et de nous faire progresser. Et pouvoir le faire sans que ce soit dans un cadre institutionnel a un côté rassurant. Même si une petite part de moi pourrait craindre ce regard extérieur, la curiosité quant aux retours et à ce que cela m’apportera prend le dessus.

L’un des formateurs de la formation sur les classes inversées que j’ai suivie en 2017 est venu observer une séance avec les quatrièmes en décembre dernier. C’est un peu déstabilisant au départ, car on est finalement très peu habitué à ce genre de situation, c’est-à-dire à se soumettre à un regard extérieur. Et c’est bien dommage, car ça a été très riche ! La discussion dans la foulée permet d’orienter nos réflexions dans d’autres directions, d’envisager d’autres pistes, de trouver d’autres idées, d’avoir des cas concrets et vécus à analyser, d’améliorer ses postures vis-à-vis des élèves. Ce jour-là, j’ai eu l’impression que la séance d’observation et la discussion qui a suivi ont autant apporté à l’un qu’à l’autre. Il m’a semblé que nous étions repartis tous les deux avec de nouvelles idées, des réponses mais aussi de nouvelles questions, qui nous feront progresser pour mieux faire réussir nos élèves.

Propos recueillis par Cécile Blanchard


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