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Numérique et mieux devenir des élèves

nipedu-logo-nouveau.jpgIntelligences artificielles génératives, métavers, réseaux sociaux : la lune de miel semble bel et bien finie entre l’humanité et les nouvelles technologies. À l’heure où le numérique est accusé de plomber la santé mentale de ses utilisateurs, est-il encore raisonnable de promouvoir son implantation en classe ?

« Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. » Vous connaissez certainement la dernière des trois lois de l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke. Mais de quelle magie parle-t-on ? De l’inoffensif tour de carte de l’illusionniste ou de la magie noire des prêtres vaudous ? Ici, tout porte à croire qu’il s’agit plutôt de la seconde réponse.

La fin des illusions ?

Le temps des illusions 2.0 est révolu, le techno-enthousiasme ne fait plus recette. Le réel reprend l’avantage sur le virtuel et retrouve les faveurs des acteurs politiques, économiques et médiatiques du monde de l’éducation. Les Rencontres internationales de la classe dehors font jardin comble, désormais les grandes messes du numérique éducatif s’interrogent plus qu’elles ne promeuvent, et les EdTechs françaises parcourent en minibus nos territoires connectés pour aller, pour de vrai, à la rencontre des vrais gens.

Pour autant, la bataille ne semble pas perdue pour le monde « in silico » dans la lutte entre réalité et virtualité. Pour preuve, la croissance à trois chiffres, semaine après semaine, du nombre d’utilisateurs du réseau social BeFake AI. Contrairement au réseau social BeReal, BeFake AI ne favorise pas les publications sans filtre. Il encourage ses membres à poster des images d’eux-mêmes modifiées avec l’intelligence artificielle.

Dans son livre, Je selfie donc je suis1, Elsa Godard décrit comment les sociétés digitalisées invitent l’individu à engager son énergie psychique dans la représentation de soi plutôt que dans la construction du moi. La philosophe et psychanalyste voit dans cette mécanique le symptôme mais aussi la cause d’une époque malade de sa virtualité.

Réel ou virtuel ? Chez Nipédu, on s’est employé tout au long de l’été, avec nos poditeurs, à imaginer comment mettre en synergie le meilleur des deux mondes pour un numérique qui permet de prendre soin de soi, des autres et de la planète2. On s’est demandé comment le numérique éducatif, aussi effrayantes soient les dernières innovations, peut servir une inscription réussie de l’élève dans le réel.

Peut-être en lui offrant la possibilité de bien se cogner à la réalité. Ainsi, au casque de réalité virtuelle qui annihile ou déforme le sensible, on préfère les lunettes de réalité augmentée et leur surimpression de données qui objectivent le monde. Face à la superficialité d’un réseau social, on est séduit par la communauté des auteurs de fanfictions qui réparent les ruptures biographiques. À la satisfaction que procure la réponse immédiate livrée par un moteur de recherche, on valide une pédagogie numérique qui favorise le questionnement, l’enquête et le désir d’apprendre plutôt que le désir de savoir.

Parce qu’avec ou sans numérique, rappelons que la mission de l’école, c’est d’assurer le bien devenir de ses élèves et de ses agents autant que d’en rechercher le bienêtre.

Régis Forgione, Fabien Hobart et Jean-Philippe Maitre

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Notes
  1. Paru chez Albin Michel en 2016.
  2. Épisodes S10E11 « À la recherche du métavers éducatif » et S10E12 « Bienêtre et numérique éducatif » :
    https://nipcast.com/category/nipedu/.