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La face cachée du métier

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Les professeurs des écoles s’appuient sur de nombreuses ressources documentaires pour la préparation et la conduite de leurs enseignements. Cette étude s’intéresse aux types de ressources effectivement utilisées ainsi qu’à ce qui se passe en formation initiale pour les initier à ces usages.

Le travail documentaire de l’enseignant est la face cachée du métier. Il consiste à créer et à modifier des ressources après la mise en œuvre de séances en classe, dans le but de les améliorer pour une utilisation ultérieure1. L’essor de l’usage des outils numériques au XXIe siècle nous amène à nous intéresser à leur place au sein du travail de l’enseignant débutant, plus précisément lors de la recherche des ressources. Avant d’aller plus loin, une question se pose : qu’est-ce qu’une ressource ?

En nous basant sur les travaux classification des ressources de Catherine Reverdy, nous les regroupons en trois catégories : les ressources non numériques (manuel scolaire, etc.), les ressources issues de communautés de pratiques (collègues, groupe de travail, etc.) et les ressources numériques. Dans cette catégorie, nous trouvons les documents institutionnels (les sites académiques), les outils partagés (créés et mis à disposition sur l’internet) et les technologies (ordinateurs, etc.).

Nous avons entamé nos recherches sur les enseignants débutants et plus spécifiquement les professeurs des écoles stagiaires jusqu’à leur septième année d’expérience professionnelle afin de répondre à la question suivante : quelle est la pratique déclarée des débutants dans l’usage des ressources numériques au sein de leur travail de préparation de classe ?

Un questionnaire et une observation

Les données utilisées sont un questionnaire à destination des enseignants débutants du primaire, ainsi qu’une observation en formation initiale de didactique des langues. À ce jour, nous comptabilisons 233 réponses au questionnaire. L’objectif est de prendre connaissance de leurs habitudes et pratiques déclarées, tels que l’on fait Ghislaine Gueudet et Luc Trouche2. L’observation en formation initiale de didactique des langues, elle, s’appuie sur la méthodologie mise en place par Marie-Pilar Ric, Éliane Sanz-Lécina et Claudine Garcia-Debanc3. Durant un module de formation initiale, nous filmons un groupe d’enseignants stagiaires qui élaborent une séquence didactique, dans l’objectif d’observer et d’analyser leurs pratiques. Cette observation s’est déroulée en distanciel avec un groupe de trois stagiaires qui élaboraient une séquence en anglais pour une classe de cycle 3.

Une variété de ressources

Au sujet de l’usage des différentes ressources, voici la répartition d’usage des ressources (toutes disciplines confondues) par les enseignants débutants qui se sont exprimés :

  • Les ressources numériques : 54 % ;
  • Ressources numériques à large diffusion : 37 %
  • Ressources numériques issues de communautés de pratiques (CoP) en réseaux : 10 %
  • Ressources numériques issues de blogs d’enseignants : 53 %
  • Les ressources non numériques : 46 %.

Nous nous apercevons que la majorité des débutants favorise l’usage des ressources numériques (54 %). De plus, d’après notre enquête 73 % des enseignants débutants privilégient l’usage de l’ordinateur pour élaborer leurs documents de préparation.

Regardons-les en détail, dans chacune de ces disciplines. Les réponses au questionnaire mettent en évidence que les débutants privilégient les blogs d’enseignants pour trouver des ressources (53 %). Il semble que les blogs les plus utilisés sont La classe de Mallory (29 %) ainsi que Bout de Gomme (21 %). La seconde catégorie de ressources numériques utilisées sont les ressources à large diffusion, elles représentent 37 % : nous retrouvons dans le classement Eduscol (55 %) ainsi que Les fondamentaux de Canopé (45 %). Enfin, la troisième catégorie correspond aux CoP en réseaux (10 %) qui correspondent aux groupes d’enseignants sur Twitter (63 %) et Facebook (38 %).

Que se passe-t-il à l’Inspé ?

Les enseignants débutants privilégient donc le recours à des ressources numériques (54 %) quelle que soit la discipline enseignée. Il en reste toutefois 46 % qui utilisent d’autres ressources. L’enjeu de ce dernier volet de notre recherche était de savoir si la formation initiale accompagne les enseignants débutants dans les usages numériques.

En analysant une observation réalisée, nous nous apercevons que le temps de cette séance se scinde en deux phases :

  • Interactions avec le maitre formateur : conseille et guide les enseignants stagiaires sur l’élaboration de leur séquence.
  • Travail documentaire : planification de la séquence, recherche documentaire, etc.

Les interventions du maitre formateur portent majoritairement sur la planification de la séquence. Dans ses explications, il conseille en premier l’album Eat Your Peas (ressource matérielle) en développant son intérêt, puis mentionne la baladodiffusion (ressource numérique technologique) sans donner d’indication sur son utilisation. Nous retenons que l’usage des ressources numériques est conseillé aux débutants par le maitre formateur comme un outil au service de la ressource matérielle.

Après cette phase de conseil, les enseignants débutants ont commencé l’élaboration de la séquence. Elle a débuté par une planification des enseignements, en définissant la tâche finale, puis en la divisant en sous-objectifs afin de créer leurs séances. Toute cette première étape de planification s’effectue en collaboration sur un document collaboratif en ligne.

Une fois que les objectifs et compétences visées sont établis, ils ont réalisé leur recherche documentaire en se dirigeant vers les ressources numériques disponibles sur l’internet : un blog (Craie Hâtive) et un site internet qui propose l’exploitation de l’album Ketchup on your cornflakes ? Il s’agit des deux ressources sur lesquelles ils vont s’appuyer pour élaborer leur séquence.

Dans le blog, les débutants ont recherché les connaissances grammaticales et phonologiques nécessaires à l’utilisation en classe des ressources proposées en formation. Quant au site internet, ils y ont puisé des idées permettant l’intégration de l’album Ketchup on your cornflakes ? Enfin, ils ont tenté d’intégrer l’album présenté par le maitre formateur, mais ils ont abandonné le projet, lui préférant l’album numérique dont le site internet proposait des exemples d’utilisation.

Il semble donc que l’usage du numérique soit une habitude bien ancrée dans les pratiques documentaires des enseignants débutants, puisqu’ils élaborent leur séquence via un support numérique. Afin de connaitre si la variable d’expertise professionnelle intervient dans l’usage des ressources, nous avons poursuivi nos recherches en élargissant cette enquête aux professeurs des écoles plus expérimentés, afin de savoir si ce paramètre fait varier les résultats obtenus. Les premiers résultats tendent à montrer que 56 % des 529 professeurs des écoles ayant répondu à notre enquête privilégient les ressources numériques, toutes disciplines confondues.

Morgane Noyes Rocache
Doctorante en sciences du langage au laboratoire CLLE, académie de Toulouse

Sur notre librairie

Notes
  1. Catherine Reverdy, « Du programme vers la classe : des ressources pour enseigner », Dossier de veille de l’IFÉ n°96, 2014.
  2. Ghislaine Gueudet et Luc Trouche, « Du travail documentaire des enseignants : genèses, collectifs, communautés », Éducation et didactique vol 2, n°3, 2008, p. 7-34.
  3. Marie-Pilar Ric, Éliane Sanz-Lécina et Claudine Garcia-Debanc, « Les effets d’un module de formation à la comparaison des langues sur l’enseignement de la grammaire par des enseignants débutants », Repères n°49, 2014, p. 209-238.