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Loup Espargilière : « On sort de l’école comme de purs esprits »

Loup Espargilière. Photo Thibault Montamat-Vert
J’ai été scolarisé jusqu’au bac dans des écoles publiques de quartier, très mixtes socialement, c’est une grande richesse. J’étais ce qu’on appelait un « enfant précoce », assez turbulent. Il y avait des enseignants qui me comprenaient et avec qui je m’entendais très bien, et d’autres avec qui c’était un peu la guerre. Certaines heures étaient un supplice et d’autres un grand plaisir. J’ai eu de grosses difficultés en maths, je ne trouvais aucun sens aux apprentissages, tout était trop abstrait. Comme j’avais de très bonnes notes par ailleurs, dans toutes les humanités et en langues, je ne voyais pas de raisons de travailler dans cette matière. J’ai eu 0,75/20 en terminale. La fin du lycée a été un peu compliquée pour moi…
J’ai retrouvé de l’intérêt dans mes études supérieures. J’ai étudié à Sciences po Lyon puis au CUEJ (Centre universitaire d’enseignement du journalisme) de Strasbourg. C’est très riche, cette diversité dans les cursus universitaires en France ! Ça permet de forger des citoyens qui ont des connaissances variées. Je trouve le modèle anglosaxon trop spécialisé, mais j’apprécie le fait que les élèves y ont beaucoup plus la parole, sont considérés comme de futurs adultes et responsabilisés. C’est aussi plus « fun » : en France, on fait apprendre aux élèves des choses par cœur, dont beaucoup ne vont jamais leur servir – ou, en tout cas, on ne le leur explique jamais.
Et puis, l’école ne nous outille pas pour nous débrouiller dans notre vie d’adulte : on n’apprend pas à faire la cuisine, à réparer des objets, à être des citoyens plus armés sur les questions environnementales. On sort de l’école comme de purs esprits, sans savoir rien faire de nos dix doigts.
Après être sorti de l’école de journalisme en 2016, j’ai notamment travaillé aux Dernières nouvelles d’Alsace, sur les rubriques social et environnement pendant la crise des gilets jaunes. J’ai pris conscience du fait que c’était la même question, mais posée de deux manières différentes. Puis, j’ai continué comme pigiste spécialisé sur l’environnement.
À l’été 2019, j’arrivais en fin de droits au chômage. Il faisait extrêmement chaud cet été-là, j’étais dans une problématique de fin du mois et de fin du monde. J’étais sur le point d’abandonner le métier de journaliste quand m’est venue l’idée de créer Vert. Je trouvais qu’il manquait un média qui fasse une veille ou une revue de presse très large sur tous les sujets liés à l’écologie, pour les journalistes, les militants, les enseignants et tous les autres.
Au départ, Vert, c’est donc une lettre d’information quotidienne gratuite. La lecture prend sept minutes par jour, avec une dizaine de sujets et des liens pour aller plus loin.
Depuis, on a développé d’autres formats, notamment un site web avec quatre à cinq articles par jour, plus fouillés que ceux de la newsletter, et Chaleurs actuelles, une newsletter – gratuite aussi – qui fait le lien entre extrême droite, désinformation et écologie, pour montrer comment l’extrême droite mène une bataille culturelle contre tout ce qui lui donne tort, c’est-à-dire le réel.
Nous avons 250 000 abonnés sur Instagram, plus de 100 000 sur LinkedIn. Sur Instagram, notre public a très majoritairement entre 20 et 35 ans, et il y a beaucoup plus de filles (72 %). Nous savons aussi que la newsletter est très lue par les profs et les journalistes.
On essaye de faire des formats pour tous les types de consommation d’information, de développer des formats hybrides, entre les formats des influenceurs sur les réseaux sociaux et des formats plus sérieux, en combinant le visuel avec quelques informations en dessous et un lien pour aller vers quelque chose de plus consistant. Nous touchons plusieurs types de publics, avec des formats très variés selon les supports (vidéo, infographie, articles, etc.).
Notre ADN, c’est beaucoup de pédagogie et un ton léger, pas moralisateur ni anxiogène. Nous cherchons toujours à faire quelque chose de très humain, incarné, en partant de l’individu puis en dézoomant, et aussi à montrer de véritables solutions, éprouvées.
Nous travaillons beaucoup avec les scientifiques. Quand le GIEC sort un rapport, par exemple, on le lit à plusieurs au sein de la rédaction, on note les points qui nous paraissent les plus importants, puis on appelle les scientifiques francophones qui ont travaillé dessus. Les informations sur l’écologie peuvent être compliquées, on essaye de les expliquer de manière simple et concise, et de produire des formats les plus clairs et les plus faciles à retenir possibles. Par exemple, on publie un article avec les dix points les plus importants un peu développés, décliné en dix diapositives sur Instagram ; on utilise des visuels, qui favorisent la mémorisation, on ajoute en fin d’article les « trois points à retenir ». Quant à nos posters, qui contiennent beaucoup d’informations, on postule que nos lecteurs vont mettre ça dans leurs bureaux, leurs toilettes, et qu’ils vont y revenir plusieurs fois.
Ce n’est pas un domaine que nous suivons particulièrement, mais on s’y intéresse. On a publié des articles sur des initiatives existant à l’école, sur la classe dehors. Et je suis intervenu devant des écodélégués il y a quelques semaines.
Ce qui est certain, c’est que l’éducation aux médias est complètement insuffisante, et c’est aussi le cas de l’éducation à l’écologie, surtout à l’heure des réseaux sociaux, des fake news et des deep fakes, et du retour du climatoscepticisme. Ce sont des savoirs fondamentaux pour que les jeunes soient des citoyens plus avisés. Or, c’est compliqué d’espérer que tous les enseignants et enseignantes vont se former seuls sur les questions environnementales.
En fait, on a pensé Vert pour ce type de public, comme un outil d’autoformation, avec une newsletter gratuite, pour se forger sa culture par petites touches. Et nos différents formats, articles, posters, vidéos et diaporamas sur Instagram, tout cela peut servir en classe. Nos posters, par exemple, sont relus par des scientifiques, donc leur contenu est solide, et les graphiques sont un moyen très efficace de faire passer des données complexes.
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