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Les enseignants entre engagement et épuisement

Le 26 avril dernier, la Première ministre a présenté les priorités du gouvernement, revenant sur le cadre du nouveau pacte enseignant, comme annoncé par le ministre de l’Éducation nationale. À l’aube d’une rentrée 2023 qui sera l’occasion de la mise en place de ce nouveau pacte, dans lequel figurent des « missions supplémentaires confiées aux professeurs », cet article se propose de faire un tour d’horizon du temps de travail des enseignants et enseignantes et de leurs missions actuelles.

enseignement et missions annexes

Traditionnellement, en France, le temps de travail des enseignants était défini en fonction du nombre d’heures d’enseignement, incluant celles consacrées à la préparation et à l’évaluation des cours. Depuis une vingtaine d’années, il se divise en deux obligations principales : les missions d’enseignement et celles liées aux activités administratives et pédagogiques complémentaires.

Les enseignants du second degré passent un nombre d’heures variable devant les élèves en fonction de leur statut (certifié, agrégé, documentaliste, etc.). Contrairement aux enseignants du premier degré, les autres tâches liées à l’enseignement ne sont pas définies par un horaire fixe.

Les professeurs des écoles ont également des obligations spécifiques, avec un temps d’enseignement hebdomadaire de vingt-quatre heures devant les élèves, et des tâches annexes annualisées totalisant 108 heures1. Cependant, de nombreux professeurs des écoles considèrent ce contrôle de leur temps de manière négative, car ils et elles estiment que leur temps de travail dépasse largement ces 108 heures.

Selon une enquête récente sur le bienêtre au travail2, les enseignants interrogés se disent épuisés (7,12/10 pour les professeurs des écoles et 6,6 pour les enseignants du secondaire), et 50 % d’entre eux et elles (premier et second degré confondus) déclarent travailler au moins quarante-trois heures par semaine3.

La sociologue Françoise Lantheaume a identifié quatre dimensions dans le travail des enseignants, qui permettent de comprendre l’enchâssement de leurs sphères professionnelle et personnelle4.

La première dimension est celle du travail contraint posté, qui englobe le temps de service obligatoire dans l’établissement, comme les heures de cours et les réunions. La deuxième dimension est le travail contraint périphérique, qui se déroule également dans l’établissement et comprend les temps de concertation, les rencontres avec les parents, ainsi que les tâches administratives et logistiques. La troisième dimension, appelée travail contraint libre, concerne les activités nécessaires à l’enseignement, mais qui peuvent être réalisées en dehors de l’établissement (correction des copies, préparation des cours…). Enfin, la dernière dimension est le travail libre, pendant lequel les enseignants lisent, approfondissent leurs connaissances et se forment.

Les enseignants investissent ces différentes dimensions de leur travail de manière inégale au premier et au second degré, mais ils et elles supportent tous et toutes une charge de travail qui dépasse les heures conventionnelles5.

Surcharge de travail

Cette surcharge est plus difficile pour ceux et celles travaillant dans des classes multiniveaux ou avec une affectation diverse et instable. Elle a un impact sur leur temps personnel, leur vie familiale et sociale, car ils et elles travaillent souvent pendant leur temps libre. Ce temps de travail peut être perçu comme « illimité » car toujours potentiellement à revoir ou à améliorer. Cela crée un dilemme entre être trop envahi par le travail, en risquant l’épuisement, ou réduire l’engagement, en risquant de compromettre l’idéal professionnel, ce qui est source d’autres insatisfactions (sentiment d’incompétence, marginalisation, crise identitaire, etc.).

Au cours des vingt dernières années, les politiques éducatives ont exigé des enseignants qu’ils et elles élargissent leurs activités, ce qui a engendré un sentiment généralisé de surcharge de travail et de manque de temps et de ressources pour accomplir leurs obligations. Bien que le pacte enseignant prévoie une participation volontaire et rémunérée en supplément, cela soulève des préoccupations quant à une augmentation de l’investissement excessif et de l’épuisement déjà ressenti par certains professionnels de l’éducation.

Peggy Neville
Médiatrice scientifique, équipe Veille et analyses de l’IFE (ENS Lyon)

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Notes
  1. Décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008.
  2. Émilie Radé, « Premiers résultats du Baromètre du bien-être au travail des personnels de l’Éducation nationale exerçant en établissement scolaire », Note d’information no 22.31, DEPP, 2022, https://tinyurl.com/5bhrtkjb.
  3. Élise Dion et Pascaline Feuillet, « La moitié des enseignants déclare travailler au moins 43 heures par semaine », Note d’information no 22.30, DEPP, 2022, https://tinyurl.com/23p644j6.
  4. Françoise Lantheaume, « Tensions, ajustements, crise dans le travail enseignant : un métier en redéfinition », Pensée plurielle no 18, 2008, p. 49‑56, https://doi.org/10.3917/pp.018.0049.
  5. Joséphine Mukamurera, Sawsen Lakhal et Maurice Tardif, « L’expérience difficile du travail enseignant et les besoins de soutien chez les enseignants débutants au Québec », Activités vol. 16, no 1, 2019, https://journals.openedition.org/activites/3801#quotation.