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Les chemins de l’autorité éducative

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Avez-vous le sentiment – au vu des contributions reçues – que les discours sur l’autorité changent ? 

Pas vraiment. Les discours oscillent toujours entre une nostalgie autoritariste – plus que jamais au goût du jour même si elle ne fonctionne pas – et une impuissance pouvant conduire à refuser d’exercer l’autorité. Ce que nous avons constaté cependant, c’est le nombre important de contributions expliquant comment des professionnels tentent, comme ils le peuvent, de pratiquer l’autorité dans une perspective éducative. Cela traduit très certainement une difficulté grandissante à en stabiliser l’exercice, beaucoup d’enseignants ayant le sentiment d’être davantage démunis et laissés seuls face à certains problèmes d’élèves. Derrière ce tableau sombre, quelques lueurs : tenir compte des besoins et points de vue des élèves, réfléchir aux conditions de l’instauration de relations de confiance, concevoir des situations d’enseignement/apprentissage faisant autorité en elles-mêmes, développer la pensée critique chez les élèves…

Vous insistez dans votre avant propos sur  l’autorité comme « affaire collective » , par ailleurs vous soulignez aussi l’exigence – pour chaque adulte – de tenir un cadre et d’assumer une fonction limitante ? Comment articuler ces dimensions, individuelle et collective ? 

Si l’autorité ne se partage pas, il existe bel et bien des collectifs qui font autorité, c’est-à-dire où les membres sont capables de s’accorder sur un « plus petit dénominateur commun » dans leurs pratiques disciplinaires. Ces équipes établissent un cadre éducatif défini, explicité, connu de tous et respecté des adultes. Il peut s’agir de réfléchir aux façons de sortir d’un face-à-face mortifère avec un élève et d’envisager d’autres modalités d’action possibles, de mettre en oeuvre des sanctions éducatives et de s’assurer de leurs effets, d’analyser ensemble des situations problématiques et d’en retenir des principes d’action. Ceci n’empêche pas chaque adulte d’exercer son autorité avec sa sensibilité, son style, ses choix pédagogiques et avec tact, mais dans le respect de ces quelques principes communs. Les comportements exemplaires de chaque adulte (car l’élève a besoin d’adultes fiables auxquels il puisse s’identifier pour apprendre), associés à la cohérence entre adultes dans les réponses apportées en situation (par exemple que l’un n’autorise pas ce que l’autre interdit dans les espaces communs) sont des clés d’une autorité éducative crédible. Là, les pratiques coopératives et institutionnelles sont toujours d’une grande actualité !

L’air du temps est à la valorisation de la bienveillance : un risque possible de saper les bases du « faire autorité » ?

En fait, quand on lit votre question, on comprend qu’il faudrait éviter trop de bienveillance si l’on veut faire respecter son autorité ! Bien au contraire, les élèves mettent en avant l’importance de l’autorité à travers la qualité de la relation, le respect initié par l’enseignant et la cohérence d’un cadre structuré. Cela signifie donner et faire respecter des repères aux élèves, créant chez eux un sentiment de sécurité affective, morale et physique. Ainsi, lorsque surgit un conflit, l’attitude apaisante des enseignants, leur volonté d’intervenir de manière juste aide les élèves à régler leurs problèmes assis autour de « la table des conflits » plutôt que dans les affrontements physiques de la cour de récréation. Dans le champ didactique, lors de confrontations de points de vue sur un sujet, l’établissement de règles de débat claires, « inventées, investies et tenues », empêche les insultes et les agressions, les contestations de savoir au nom de la religion ou des convictions politiques. Au travers des nombreux témoignages de ce dossier, dans la classe comme dans l’établissement, pas d’autorité qui protège et fait grandir sans bienveillance.