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L’échange, au cœur du Lycée des possibles
Au Lycée des possibles (LDP), la constitution du groupe d’élèves est mouvante, la logique de fonctionnement du lycée reposant sur des entrées et sorties continues. Ce système constitue une spécificité du projet éducatif, mais aussi un défi pour l’équipe, davantage rompue aux pratiques pédagogiques se développant à l’intérieur d’un « groupe-classe ».
Pour résoudre positivement cette difficulté, une ligne directrice oriente l’ensemble des pratiques : un réseau serré d’entretiens, de dialogues formels et informels, de discussions et de négociations. En un mot, « l’institution de l’échange ». Ainsi que l’exprime Erik Besson, le professeur d’Histoire-Géographie : « Le plus important, c’est libérer la parole des élèves. Ils nous disent souvent qu’ils n’ont jamais parlé avec un adulte avant ! Donc : parler, parler, parler… ».
Dialogue parents-professeurs-élèves du lycée des possibles
Les élèves ou leur famille ne sollicitent pas directement une inscription au lycée. Le repérage des élèves s’opère d’abord par les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs, les Centres d’information et d’orientation (CIO), les Missions locales, le Réseau formation qualification emploi (FOQUALE), ainsi que le Pôle élèves de la DSDEN (direction des services départementaux de l’Éducation nationale) des Yvelines.
Le profil des élèves est ensuite présenté et détaillé à l’ensemble de l’équipe à l’occasion des concertations hebdomadaires de deux heures. C’est une équipe professionnellement diversifiée (enseignants de disciplines générales et professionnelles, professeur documentaliste, CPE, infirmière, assistante sociale, psychologue de l’Éducation nationale). Les situations des postulants (parcours scolaire, situations familiales, médicosociales, culturelles et langagières) sont étudiées et des réflexions sont alors menées afin d’intégrer au mieux le jeune dans la division. Si le Lycée des possibles est coordonné par deux enseignants, il revient cependant à chaque membre de l’équipe de suivre personnellement des élèves en tant que tuteur.
Entretiens successifs
Dans cet esprit, le jeune candidat au LDP est invité à suivre des entretiens avec des interlocuteurs successifs. Tout d’abord avec l’un des deux coordonnateurs, Sylvain Guéganton et Christine Muller. Cette dernière explique : « Cet entretien a plusieurs objectifs : expliquer le fonctionnement du LDP, préciser le parcours du jeune jusqu’à son décrochage mais surtout s’assurer que la demande de retour à l’école vient du jeune. Il est essentiel que le jeune exprime lui-même son “envie” de revenir à l’école : “Je veux retourner au lycée”, “J’en ai assez de rester sans rien faire à la maison”, “Ça fait six mois que je ne fais rien, ça suffit !”. La motivation est primordiale, même si le retour en classe, dans un groupe, avec des contraintes d’horaires, avec des exigences de travail peut être difficile et demander du temps. Du temps, il en aura ! »
Réunion hebdomadaire de concertation
C’est ensuite avec Sylvie Plomion, PsyEN EDO (Psychologue de l’Éducation nationale, spécialité éducation, développement et conseil en orientation) membre de l’équipe, que le jeune peut entrer en dialogue : « Les entretiens au LDP sont essentiels afin d’aider les jeunes à être assez en confiance pour envisager un projet mais aussi pour aider les familles à accepter de laisser leur enfant se projeter, sans lui rappeler tous les échecs qu’il a pu avoir avant, et à lui faire à nouveau confiance. Mon rôle de psychologue de l’Éducation nationale est d’accompagner les jeunes dans cette réflexion faite de cheminement, de renoncement, afin qu’au final le projet professionnel ait du sens pour le jeune et prenne une place dans son histoire personnelle. »
Manuela Chaves, la Conseillère principale d’éducation, prend ensuite le relai afin de préparer le futur élève de la structure à son intégration physique, mentale, affective et administrative au sein d’un établissement scolaire. Sont ainsi exposées, dans le cadre d’un échange, les règles de vie du lycée et des indications relatives aux personnes ressources, le dossier scolaire étant alors vérifié – jalon supplémentaire du rituel d’intégration.
Le professeur « tuteur-référent » clôt alors cette séquence d’entretiens préalables à l’admission. Nithya Lilin, professeur-documentaliste, explique ainsi sa démarche : « Ce temps d’échange est aussi nécessaire pour présenter au jeune la structure et ainsi estimer si celle-ci est réellement adaptée à ses besoins et demandes. Une fois inscrit au Lycée des possibles, le dialogue est maintenu entre l’équipe et l’élève grâce à des échanges informels (en début ou fin de cours par exemple) mais aussi à des rendez-vous avec différents membres de l’équipe (professeurs et autres adultes membres de l’équipe, comme l’infirmière ou l’assistante sociale) afin de l’accompagner dans la construction de son projet professionnel. Enfin, même lorsque l’élève a trouvé sa voie, le contact, bien que plus distant, n’est toutefois pas rompu. Le suivi continue, même après “raccrochage” ! Cette particularité du LDP témoigne du soutien que nous apportons aux jeunes et du rapport de confiance qui en résulte et fait sa force ».
Interactivité continue
Outre les phases de préadmission, l’implication de chacun des élèves est en permanence sollicitée, l’animation des séances s’attachant ainsi à développer une interactivité maximale.
Le parcours personnalisé de chaque jeune s’articule sur la remobilisation, la remédiation, l’émergence progressive du projet de l’élève et sa consolidation. Pour répondre aux besoins de chaque jeune, l’accompagnement s’appuie sur une évaluation innovante et mobilisatrice : pédagogie par compétences et transdisciplinaire, modalités variées d’évaluation (diagnostique, sommative, collective…).
Contrairement aux pratiques de classes actuellement dominantes, les élèves sont invités à discuter – entre pairs, mais aussi avec les intervenants adultes, commenter, apprécier, critiquer, interroger, évaluer… Autant de postures favorisant socialisation et appropriation des savoirs. Les enseignants, qui interviennent le plus souvent en binômes, doivent également s’ajuster, se compléter et agencer leurs interventions dans un cadre toujours négociable. Cette relative plasticité crée du « jeu », dans toutes les acceptions du terme, ce qui contribue à ce que chaque jeune puisse trouver des « espaces » pour s’investir, développe son autonomie.
Frédéric Vajas,
Enseignant de Français