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L’arbre généalogique des mots

En ce début du premier trimestre, tous les élèves des trois classes de cinquième du collège Paul-Gauthier de Cavaillon viennent de commencer un EPI Langues et culture de l’antiquité : un travail en commun mené par Delphine Amice, jeune enseignante de Lettres classiques, dynamique et convaincue, dans deux classes, avec Laetitia Massiani, professeure de lettres modernes de la troisième classe, et en partenariat avec Marie-José Puertas, professeure d’espagnol, qui a les trois classes. L’objectif : faire découvrir aux élèves que le français, les autres langues qu’ils apprennent ont, avec le latin et le grec, des parentés, des liens, qu’elles s’éclairent les unes les autres, et donc que les langues anciennes ne sont pas « mortes » !

L’EPI, cette année, a pour thème le bestiaire : depuis les monstres des mythologies latine et grecque jusqu’aux animaux des romans d’anticipation. A travers eux, le but est de travailler les mots, en construire des « arbres généalogiques », voilà ce qui va être le centre des apprentissages des élèves et des productions qu’ils réaliseront en fin de trimestre, avec des variantes selon les classes. Bien entendu, on ne se limitera pas au latin, au grec et à l’espagnol : les vocabulaires allemand, anglais, italien, seront aussi utilisés dans le travail.

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Une option bilingue

En parallèle, l’enseignement de complément LCA s’est mis en place, à raison de deux heures par semaine. Tout au long du premier trimestre, les élèves peuvent encore choisir de rejoindre cette option, à partir de janvier, quand l’EPI sera terminé. Le collège a choisi de faire partie de l’expérimentation mise en place dans vingt-deux collèges de l’académie qui enseigneront conjointement le latin et le grec. Le travail parallèle des deux langues est naturel, en particulier par les parentés culturelles : mythologies, modes de vie, etc. Et le grec suscite particulièrement l’intérêt des élèves : découvrir un alphabet mystérieux, et pouvoir échanger des messages que personne ne comprend, à 12 ans, ça motive !

Delphine Amice est arrivée il y a quatre ans dans ce collège, un collège REP +, à forte population défavorisée, parce que son poste précédent était supprimé. Elle a constaté la déshérence de l’option latin, que très peu d’élèves demandaient. Elle a réussi à la faire redémarrer un peu, multiplié des actions, en s’insérant dans le développement d’actions d’ouverture culturelle pour valoriser le collège, impulsé en particulier depuis l’arrivée du nouveau principal, M. Nègre. En ce qui concerne les langues anciennes, le but n’est pas de faire rester au collège des élèves qui pourraient avoir envie d’aller dans un établissement mieux « coté ». Il s’agit surtout de contribuer, par l’ouverture culturelle, à une meilleure compréhension du sens de la langue, des langues, et donc à un apprentissage plus efficace du français et des langues étudiées par les élèves.

Pour l’EPI, d’autres thèmes de travail auraient été tentants : autour de la civilisation (Espagne romaine / Espagne moderne) ou autour des mythologies dans l’opéra par exemple. Le choix de ne pas s’éloigner de la langue, des langues, est aussi lié au fait que l’EPI est fait en « prenant » des heures sur les disciplines : il était essentiel de conserver un objectif qui permette de travailler en même temps les programmes de français ou de langues.

Qu’apporte la réforme ?

Bien sûr, Delphine n’avait pas attendu la réforme pour mettre en place des actions : un voyage à Barcelone et Tarragone, en passant par Ampurias, sur le thème « Espagne romaine/Espagne moderne », coorganisé avec Marie-José Puertas, une des professeures d’espagnol du collège, mais aussi un projet autour d’un tutorat réciproque entre les « latinistes » et les élèves de Segpa : préparation d’un repas romain et sortie commune sur un site antique. Dans ses classes de français, elle fait « naturellement » à certains moments le lien entre français et les langues anciennes qui sont la base de sa formation personnelle. Mais ce n’est pas forcément facile ni fréquent dans d’autres classes. Le cadre des EPI permet de consacrer vraiment un temps à ce tissage de liens entre langues anciennes et modernes, pour tous les élèves. L’expérimentation du bilinguisme dans l’enseignement LCA a été aussi un moyen pour le collège de conserver des moyens.

L’établissement a du faire des choix d’emploi des heures dont il disposait, dans le cadre d’une DGH plutôt moins contrainte que ce que craignaient des enseignants. Dans les EPI, il n’y a cependant pas de possibilité de présence commune des deux enseignantes, le choix ayant été fait de consacrer des moyens à l’Accompagnement personnalisé en binômes.

Pour l’enseignement bilingue latin-grec, l’enseignante manque de documents d’appui pour le grec (dont des manuels). Un échange de pratiques est prévu lors d’un stage académique pour les vingt-deux collèges concernés, et Delphine Amice travaille aussi avec une collègue d’Avignon.

La mise en place simultanée des nouveaux programmes à tous les niveaux, des EPI, de l’AP demande à tous les enseignants un fort investissement, dont ils ressentent l’intérêt. Ils espèrent surtout que ces changements ne seront pas remis en cause par un retour en arrière ou une suppression des moyens, et que leur investissement intense pourra être réutilisé pendant de longues années…

Françoise Colsaet
Directrice des publications du CRAP-Cahiers pédagogiques


À consulter et télécharger (pdf) :

– Les mots du bestiaire en français, latin ou grec, espagnol, anglais, allemand, italien
les_mots_du_bestiaire.pdf
– Exemple d’activité d’écriture sur quatre séances
activite_d_ecriture_par_e_tapes.pdf
– Support utilisé lors de la séance 1 de l’activité d’écriture
se_ance_1_support.pdf

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