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Inégalités persistantes à l’école

L’école aggrave-t-elle les inégalités entre élèves ? Pour certains, c’est un fait acquis, pour l’Observatoire des inégalités, c’est moins sûr. Mais pour autant, le système n’est pas exempt de responsabilités, souligne l’Observatoire dans son récent rapport pour 2023.

Le 8 juin, l’Observatoire des inégalités présentait son rapport annuel sur les inégalités dans notre pays. Louis Maurin, son directeur, a insisté avec force sur la persistance de la « fracture sociale » dans plusieurs domaines, dont l’éducation bien sûr.

Nous renvoyons au rapport qu’on peut se procurer (pour un prix modique) auprès de l’Observatoire sur les autres domaines, nous citerons seulement quelques données concernant donc les inégalités depuis la petite enfance jusqu’à l’enseignement supérieur.

Précisons que, pour Louis Maurin, l’école n’aggrave pas les inégalités sociales existantes, s’opposant en cela à certains chercheurs. Pour lui, sans l’école, sans les 6 000 euros consacrés à l’éducation du petit enfant en maternelle puis la suite, où en seraient les inégalités, dans un pays où, par ailleurs, la redistribution sociale après impôts permet de contenir de trop grands écarts de revenus ?

Le système contribue à la ségrégation scolaire

C’est le fonctionnement même du système scolaire qui cependant est en cause, avec sa survalorisation du diplôme et son caractère beaucoup trop académique qui contribue largement à la ségrégation, derrière le mythe de l’élitisme dit républicain. « Chaque proposition de réforme est combattue à droite comme à gauche par les conservateurs de l’élitisme français. Les gouvernements successifs ont toujours plié devant eux. »

Dans un ouvrage récent, d’ailleurs, Louis Maurin rendait hommage à ceux qui pensaient l’école « autrement », citant les Cahiers pédagogiques

Revenons aux chiffres.

Notons par exemple que 70 % des élèves en difficulté en CP améliorent leurs résultats dans les quatre années qui suivent lorsqu’ils appartiennent à un milieu favorisé, contre 42 % des enfants de milieu défavorisé.En 6e, 98 % des enfants des milieux les plus favorisés maitrisent bien, ou très bien, les compétences demandées en français, contre 76 % des enfants de milieux défavorisés. On fait remarquer au passage que la politique de réduction de la taille des classes en CP et CE1 concerne moins de 20 % des élèves défavorisés de cet âge.

Pauvreté scolaire

Le rapport évoque la notion de « pauvreté scolaire », notion à creuser, partant du constat que « dans des sociétés où avoir un diplôme et maitriser des savoirs formels sont déterminants en matière d’insertion, en être exclu est bien une forme de pauvreté ».

Les enfants d’ouvriers représentent seulement 19 % des classes de lycée général et technologique, les enfants de cadres étant surreprésentés dans celles-ci, bien que ne constituant que 30 % de l’effectif total.
Dans l’enseignement supérieur, si des progrès ont été accomplis avec 23 % des enfants d’ouvriers en BTS, seuls 10 % accèdent à l’université, et 7 % les grandes écoles. L’enseignement supérieur s’est ouvert à un plus grand nombre d’élèves, mais cela a peu profité aux classes populaires. Et si on prend le niveau bac+5, en dix ans, la proportion des diplômés a doublé, mais les écarts entre milieux ont augmenté.
Conclusion : « Les inégalités se sont déplacées vers le haut, rien n’indique qu’elles se résorbent vraiment. »

Les enfants d’immigrés ne font pas baisser le niveau

Enfin, le rapport confirme que ce ne sont pas les « enfants d’immigrés » qui font baisser le niveau de l’enseignement, puisque, à niveau social équivalent, ceux-ci réussissent mieux que les jeunes dont les parents sont nés en France. Et toujours à niveau social égal, « les filles dont les parents sont nés en Afrique subsaharienne ont presque quatre fois plus de chances d’obtenir le baccalauréat que les garçons dont les parents sont nés en France ».

Pour autant, « les enfants d’immigrés obtiennent des diplômes de niveau inférieur, alors même que leurs attentes, et celles de leurs parents, sont grandes. Pour eux, la question concrète n’est pas de savoir si leurs difficultés proviennent de leur origine migratoire ou sociale, mais de les surmonter. »

Nous nous sommes centrés sur les inégalités dans l’éducation, mais celles-ci s’inscrivent dans un contexte global, et il est important de lire tout le rapport pour resituer les problèmes de notre système éducatif dans un ensemble. Un rapport qui repose sur des faits, même si les auteurs ne demandent pas mieux qu’on débatte de leurs conclusions, et qui sait être nuancé, au-delà de formules comme « explosion des inégalités » ou de la croyance que les super-riches sont les seuls responsables des inégalités dans une France où on opposerait les 1 % aux 99 % et où, sur le plan scolaire, on oublierait les fortes résistances aux changements nécessaires venant d’une large partie des « classes moyennes ».

Jean-Michel Zakhartchouk

À lire également sur notre site :

L’école et les inégalités : une urgence sociale, par Philippe Watrelot


Sur notre librairie :

Hors-série numérique n°59 – Combattre les inégalités scolaires.

Dossier coordonné par Florence Castincaud et Marie-Joana Chamlong

L’école française hérite des inégalités sociales et en produit en son sein. Ces inégalités pèsent lourd sur le devenir des élèves. Une fois que cela est dit, que peut-on faire, chacun depuis sa place, pour combattre ces inégalités ? Inclusion, égalité garçons/filles, orientation, différenciation pédagogique : il existe des leviers ! Voici une sélection d’articles issus de nos archives pour mieux vous armer.