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«Il faut que la politique d’éducation prioritaire soit réellement prioritaire»

L’OZP a rendu public en janvier dernier un manifeste pour l’éducation prioritaire, dressant des constats et faisant des propositions. Le dernier manifeste remontait à 10 ans : pourquoi en publier un nouveau aujourd’hui ?

L’OZP avait publié un Manifeste en 2006. En 10 ans, la situation de l’éducation prioritaire en France avait beaucoup évolué : impulsion puis abandon ministériel des RAR (Réseaux ambition réussite), lancement de la politique Éclair, débats sur la question dans le cadre de la concertation nationale de 2012, refondation de la politique d’éducation prioritaire par Vincent Peillon et poursuivie par Benoit Hamon et Najat Vallaud-Belkacem. Il était donc nécessaire pour l’Observatoire de faire le point, d’intégrer dans sa réflexion tous ces éléments et de tenter de mettre en évidence les enjeux actuels posés à l’éducation prioritaire.

L’actuel gouvernement a lancé une refondation de l’éducation prioritaire. Quelle analyse en faites-vous et que reste-t-il à faire ?

Tout d’abord un rappel historique : de 1981 à 2012, l’histoire de l’éducation prioritaire a été marquée par les discontinuités dans le pilotage ministériel dans le cadre de majorités politiques de gauche ou de droite. Cette succession de relances politiques suivies d’abandons a été très préjudiciable à la continuité des actions pédagogiques et structurelles de transformation. La continuité Peillon-Hamon-Vallaud Belkacem constitue donc une première dans l’histoire de l’éducation prioritaire. C’est d’autant plus important que la refondation engagée concerne des aspects majeurs de cette politique : centration sur l’action pédagogique, diffusion d’un référentiel pour aider à la construction des projets de réseaux, renforcement des réseaux école/collège, priorité des moyens au premier degré (développement de la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, « plus de maîtres que de classe »), nouvelle géographie prioritaire en articulation avec la Politique de la Ville et permettant de mettre en évidence les 350 Rep +  comme cœur de cette politique, prise en compte dans le temps de service d’autres tâches que l’heure de cours, reconnaissance et renforcement des missions confiées aux coordonnateurs de réseaux…

L’ensemble de cette politique va dans le bon sens. Pour réussir, il est nécessaire d’améliorer nettement la question du pilotage à tous les niveaux : académique, départemental et local. Des réseaux souffrent encore trop d’attitudes de caporalisation ou de désintêret de la part de leurs pilotes. Il faut d’autre part que dans les choix effectués par les recteurs et les DASEN, la politique d’éducation prioritaire soit réellement prioritaire…

Vous avez invité les principaux candidats à l’élection présidentielle à venir débattre avec vous le 22 mars prochain, autour de votre manifeste. Qu’attendez-vous d’eux ? Y a-t-il des points plus particuliers sur lesquels vous souhaitez qu’ils prennent position ?

Le temps de l’éducation est un temps long. Engager une politique pour le bénéfice des enfants et des jeunes qui sont les plus éloignés de l’implicite et des codes scolaires constitue une mesure de justice indispensable dans notre société actuelle. Il est donc nécessaire de respecter ce temps long de la construction tout en l’accompagnant, en l’évaluant pour lui apporter les correctifs nécessaires. Les choix effectués en 2013 doivent être confirmés. La politique de l’éducation prioritaire ne peut qu’être une politique labellisée (n’en déplaise à Pierre Merle ou Nathalie Mons…), ciblant les établissements scolaires situés dans des territoires marqués par un ensemble de fortes exclusions et articulée à une politique de répartition différenciée des moyens scolaires des établissements sur critères sociaux, de façon à sortir d’une logique binaire : être ou non en ZEP… Les projets des réseaux arriveront à échéance en 2019. C’est à cette date que la carte de l’éducation prioritaire doit être revue. Il faut respecter ces échéances sinon l’action publique n’a plus de sens.

Marc Douaire
Président de l’OZP

Propos recueillis par Cécile Blanchard

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