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Face à la guerre en Ukraine, la coéducation sur le devant de la scène

Nous avons écrit dans un communiqué de presse en soutien aux Ukrainiens que les enseignants et éducateurs français doivent ouvrir le dialogue avec les élèves, pour rassurer, expliquer, débattre. Peut-on le faire avec ds petits de maternelle ? Témoignage d’une enseignante, qui privilégie le dialogue avec les parents pour mieux protéger les enfants.

Ça y est, ce lundi soir de reprise à 16 h 30, l’actualité frappe à la porte de notre école maternelle parisienne. Je regarde la directrice et une collègue parler avec une maman marquée par une vive émotion. Les collègues écoutent, soutiennent et rassurent. La maman repart avec un bébé dans la poussette et sa petite fille dans les bras. L’image me bouleverse le soir encore avant de dormir.

Avec ce premier jour d’école, la course de la reprise et la gestion matérielle restaient ma préoccupation du jour. Heureusement, nous avons un conseil des maitresses le mardi midi et nous aurons l’occasion de nous poser sur l’actualité de la guerre russe en Ukraine. Après avoir expédié les points administratifs et pédagogiques, nous réservons le dernier point du conseil sur cette question. Cela nous permet de bénéficier d’un quart d’heure qui reste pour prendre un café, créer une convivialité et poser un peu notre réalité de classe.

Sur sept classes, il y a deux classes qui sont concernées directement par le conflit. Il s’agit de deux familles russo-ukrainiennes qui sont dans l’attente de recevoir leurs proches. Elles sont disponibles auprès de la directrice pour toute aide à apporter, dont la traduction. J’apprends que la maman vue la veille venait d’accueillir sa mère âgée ukrainienne, qui doit bénéficier de soins médicaux. Quant à son père, il a dû rester en Ukraine, son déplacement étant impossible en raison d’une maladie grave.

Préserver les petits

Nous entendons nos collègues de grande section relater leurs difficultés à savoir ce qui peut être dit et comment. Les classes de petites et moyennes sections ne sont pas encore concernées par ces questions. À cet âge, le moment du présent et de la proximité est bien là. Le tour de parole du lundi matin concernait des anecdotes joyeuses avec le voyage en Angleterre de S, le nouveau pantalon de la reine de neige de J… Une autre collègue dit que l’histoire qu’elle termine avec ses élèves parlent de la Russie. Elle imagine peut-être qu’à cette occasion il y aura une parole dite. Nous convenons de ne parler qu’en réponse à des propos spontanés des enfants et de chercher des mots simples, de parler d’entraide.
La directrice s’engage à contacter la mairie pour connaître les formalités administratives pour les familles. Elle sait déjà que deux familles vont être prochainement inscrites dans notre école. Comme le conseil d’école est la semaine prochaine, nous décidons aussi de rappeler aux parents leurs responsabilités de tenir les enfants éloignés de cette actualité, de ne pas les soumettre à des images choquantes. La réalité d’un si jeune enfant doit rester dans son cadre quotidien. Et puis, tout naturellement, nous échangeons sur nos propres inquiétudes d’adulte.
Il est 16h30 le même jour, je reçois une famille pour la remise des cahiers de réussite. Pendant l’entretien, j’apprends que cet enfant regarde beaucoup les écrans. Je me permets donc de rappeler que les adultes doivent être vigilants à ce que les enfants peuvent voir ou entendre. Comme l’actualité martèle régulièrement les violences de la guerre, les enfants ont besoin d’un sentiment de sécurité encore plus grand. J’espère que les familles feront le nécessaire. Avec la fin du port du masque dans les établissements scolaires, nous ouvrons à nouveau les portes de l’école aux parents. Ils pourront rencontrer plus régulièrement les enseignants. Dans ce contexte de guerre, la coéducation occupe une grande place.

Christelle Wermelinger
Professeure des écoles à Paris

Illustration d’Eglė Plytnikaitė issue de la galerie de dessins « Creatives for Ukraine », une galerie participative en ligne où chacun est invité à poster des illustrations à la libre disposition de tous.


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