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FabUlis 3.0 : Un laboratoire de pratiques numériques en ULIS
Tout débute en septembre 2014, par la création d’une ULIS Pro (unité localisée d’inclusion scolaire professionnelle) Troubles des fonctions cognitives (TFC) et l’implantation d’un FabLab (FABrication LABoratory) au sein d’un établissement scolaire du secondaire pour permettre à tous d’apprendre autrement avec les nouvelles technologies, dans le cadre d’un espace commun et ouvert à tous.
Dès la conception des salles dédiées à cette unité, l’accent a été mis sur les espaces d’apprentissages, les nouvelles technologies et les pédagogies permettant à ces élèves différents d’avoir accès aux apprentissages dits « ordinaires » mais de manière différente, avec l’aide des neurosciences éducatives.
Espaces d’apprentissage
L’utilisation du dispositif et son aménagement, tant en termes de couleur que de mobilier, s’appuie sur les recherches en matière de neurosciences éducatives, de handicap vis à vis des apprentissages et des aménagements des espaces d’apprentissage.
- L’Ulis pro : Une salle de classe adaptée, avec des espaces modulables et des équipements numériques individualisés et avec du matériel scolaire (mobilier) élaboré par un IMPRO (Institut médico-professionnel) local par des personnes en situation de handicap.
- Le « FabLab » : comprend à la fois un espace détente, un point de rencontre, un espace de réunion et un espace spécifique à la réalisation de projets qui permettent à tout un chacun d’utiliser des outils spécifiques, numériques en les mutualisant et en concourant à un libre échange entre différents apprenants (qu’ils soient élèves, étudiants, associations, enseignants ou professionnels). Une sorte de « Learning- lab ».
FabUlis est un choix spatial et matériel conséquent, unique dans l’académie de Nancy-Metz par rapport aux autres dispositifs pour l’école Inclusive. Le budget initial, à savoir la rénovation des sols et des murs, le mobilier (réalisé par un ESAT) et les achats informatiques spécifiques (tablettes, drones, casque de réalité virtuelle) a été d’environ 40 000 € dont un tiers pour le numérique. La majeure partie du financement à été prise sur les fonds propre de l’établissement après vote au CA, mais la région a participé également avec diverses dotations spécifiques (qu’elle a ensuite aussi allouées à quatre autres Ulis Pro académique).
Par la suite, la fédération des parents d’élèves, ainsi que des fabricants informatiques, au vue des travaux réalisés par les élèves et de l’esprit de Fabulis, ont contribué soit par des dons, soit par le reversement de la taxe professionnelle à l’établissement.
Apprendre à apprendre
Ce dispositif, unique en son genre dans l’école dite ordinaire, permet d’apprendre autrement. Ainsi nous utilisons, quand il y en a besoin, des pédagogies actives, participatives, numériques, collaboratives mais aussi des pédagogies de projet, pluridisciplinaires, s’appuyant sur une utilisation accentuée des outils numériques et inscrites, dès le départ, dans une démarche inclusive au sein de la section professionnelle comme du lycée général et technologique. Sa capacité d’accueil est de dix élèves (maximum douze) en situation de handicap avec un dossier MDPH, mais nous pouvons nous retrouver à plus de quarante élèves avec plusieurs adultes lors des séances de projets.
A titre d’illustration, à l’occasion de l’inauguration de ce FabUlis, début novembre 2014, les élèves de l’ULIS Pro, ayant des troubles des fonctions cognitives, avaient déjà réussi à réaliser, en deux mois de classe, un montage vidéo présentant l’ULIS Pro à leurs camarades, mais aussi à leurs parents et aux personnes venue découvrir ce dispositif.
Nous avons régulièrement des élèves dit « ordinaires » qui viennent volontairement travailler sur des projets, en symbiose avec nos élèves en situation de « handicap scolaire », ce que nous appelons « l’inclusion inversée ». Ainsi, il nous est arrivé de voir un élève ayant des troubles envahissants du développement (TED) donner des cours d’utilisation de tablette numérique à un enseignant, mais aussi des élèves « DYS » faire des exposés ou former d’autres élèves à l’utilisation d’outils numériques (imprimante et scanner 3D, par exemple) au sein du FabUlis.
Ainsi, le regard sur le handicap a changé au sein de l’établissement. Certains enseignants ont modifié leurs pratiques pédagogiques et viennent régulièrement travailler au FabUlis, d’autres « échangent » simplement leurs élèves avec ceux du dispositif Ulis pro, pendant leurs heures de cours, afin de faire réaliser des projets à leurs élèves au sein du FabUlis et d’inclure les élèves à besoin particuliers dans leurs séances de cours.
Bien sûr, il reste des enseignants qui pensent que l’enseignement frontale reste l’idéal pour les classes élitistes et que « cette “méthode de travail” si particulière, où la classe est ouverte à tous, est certes utile pour les élèves en situation de handicap mais un “gadget” pour les autres »…
De même, du côté de l’administration, il y a ceux qui ont encouragé et aidé à développer ce laboratoire de l’école inclusive au sein d’un établissement du secondaire, mais il y a aussi ceux qui pensent que FabUlis est un « phénomène de mode » et qui ne voient pas l’intérêt de le mettre en avant. Pourtant, l’actualité autour des tiers lieux, de l’apprentissage et des outils numérique a tendance à montrer que FabUlis s’inscrit dans l’air du temps.
Un FabLab dans un établissement scolaire
Pour l’équipe de Fabulis, l’école doit être un lieu où l’on est libre d’apprendre, libre d’enseigner et libre de faire de la recherche. L’enseignant ne doit pas simplement transmettre des savoirs mais être un mentor qui accompagne les projets des élèves. Ainsi, l’enseignant ne doit pas être là uniquement pour leur dire ce qu’ils doivent faire mais pour les accompagner dans l’élaboration de leur projet social et professionnel, en leur permettant de développer une autonomie de plus en plus conséquente.
On retrouve cette philosophie au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et dans d’autres grandes universités de recherche américaines, mais très peu en Europe continentale et encore moins dans nos lycées français.
Les deux espaces (ULIS pro et Fablab) au sein de Fabulis ne font plus qu’un, avec des principes communs qui sont le dialogue, le mentorat et l’accompagnement, le tout dans un certain cadre de liberté. Historiquement le premier FabLab a été créé au MIT dans les années 90 ; le MIT a créé à cet effet une fondation qui a normé, via une charte, le fonctionnement des FabLab à travers le monde.
Le FabLab de l’ULIS Pro de Sarreguemines (d’où l’appellation originale de « FabUlis ») repose sur :
- Des équipements spécifiques : avec des machines et outils numériques, ainsi que les outils habituels de tout lycée professionnel et technologique, l’ensemble étant mis à disposition de tous et non plus sous forme de travaux pratiques spécifique à telle ou telle discipline.
- Un partage du savoir : de fait le FabLab est ouvert à toute la communauté scolaire (élèves, étudiants, enseignants, parents) ainsi qu’à des personnes extérieures à l’établissement, sur rendez-vous (plan Vigipirate oblige) : milieu associatif, entreprises, particuliers.
Actuellement, il y a quatre-vingt-deux FabLab en France, répondant à la charte, dont le nôtre qui est l’unique FabLab Éducation nationale de France, hors enseignement supérieur. Il existe aujourd’hui en France des FabLab gérés par des entreprises, des collectivités, des universités : celui de Sarreguemines est le seul géré par un lycée.
A titre d’exemple, un sous-traitant de constructeur automobile de Sarreguemines a sollicité FabUlis pour expérimenter la fabrication de pièces via une imprimante 3D avant de lancer cette fabrication durablement en entreprise. De fait, ce sont les élèves de FabUlis qui ont modélisé cette pièce. En contrepartie, cette société accueille désormais en stage des élèves, tant au niveau du lycée que de l’ULIS Pro. Par ailleurs, une telle démarche de fabrication par une entreprise constitue une reconnaissance particulièrement valorisante pour des élèves à besoins particuliers.
Inclusion inversée
Il importe aussi de souligner que le FabUlis est devenu un lieu « d’inclusion inversée » pour l’ensemble de la communauté scolaire. Force est de constater que ce sont souvent les élèves de l’ULIS Pro qui expliquent à d’autres lycéens, voire à des étudiants de BTS, l’utilisation du matériel de FabUlis (notamment les imprimantes 3D). Les élèves de l’ULIS Pro sont devenus les « managers » de cet espace à la fois innovant scientifiquement et inclusif humainement.
L’expérience innovante de FabUlis a été présentée à l’occasion de différentes manifestations nationales et européennes. Il importe notamment de souligner la présentation de ce dispositif à la Conférence de comparaisons internationales sur l’école inclusive organisée par le CNESCO les 28 et 29 janvier 2016, conférence qui a notamment permis la mise en exergue du « rôle des outils numériques dans les projets inclusifs ». Cette conférence a donné lieu à un rapport du CNESCO dans lequel est présentée la démarche « FabUlis » et à des préconisations communiquées au cabinet de la ministre de l’Éducation nationale, dont certaines sont liées à l’expérience du FabUlis.
Dernièrement, l’Agence ERASMUS+ France a sollicité FabUlis pour participer à une rencontre internationale sur le thème de « La société inclusive à horizon 2020 », inscrit dans les projets de l’Union européenne pour 2020. Aussi lors de ces deux journées des 13 et 14 octobre 2016, FabUlis a présenté à différents partenaires européens, sa vision de l’école Inclusive.
De nombreuses visites de personnes « extérieures » (uniquement sur rendez-vous, du fait du plan Vigipirate), mais aussi d’invitations éducatives, tendent à démontrer le développement du modèle FabUlis que ce soit dans l’école publique ou sous contrat, au sein de structures spécialisées ou dans le secteur associatif.
Baptiste Melgarejo
Coordonnateur Ulispro
et Alexandre Benassar
FabLab Manager
Cofondateurs du FabUlis au Lycée Henri-Nominé de Sarreguemines
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Par Catherine Rossignol