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Enseigner le français langue étrangère : pas de quoi en faire un drame
Après trois années passées à Mantes-la-Jolie en tant que professeur des écoles, j’ai posé mes valises à Séville en juin 2011. J’ai alors envoyé mon curriculum un peu partout, sans grand espoir. Cependant, une proposition singulière m’est parvenue que je n’ai pas tardé à accepter. Le Collège San Francisco De Paula, une école prestigieuse du centre de Séville, recherchait un professeur de français afin d’enseigner l’expression corporelle et l’art dramatique à des élèves de primaire.
Passée la satisfaction d’avoir trouvé un poste, de nombreux doutes n’ont pas tardé à m’étreindre. En effet, que savais-je de l’expression dramatique et de l’enseignement du français langue étrangère ? Les choses se sont avérées plus simples que je ne le pensais. Tout d’abord, j’ai découvert de nombreux livres, faciles d’accès, présentant des activités riches, drôles, faites pour mener un enseignement dynamique. Rien n’est à inventer, il suffit d’adapter ces activités, ces séances, aux exigences qui sont les nôtres. Et pour peu que l’on dispose d’une salle assez vaste et d’un poste de musique, alors tout est possible.
Je me suis donc attelé à la tâche, sérieux comme un PE2 partant en stage dans une école, j’ai préparé des séances millimétrées, curieux, anxieux de savoir ce que cela allait donner avec des enfants de primaire dont le français n’est pas la langue maternelle. Là encore, la réponse fut simple. Les enfants sont naturellement doués pour les langues, bien plus que leurs aînés. Et pour peu que les situations d’apprentissage soient ludiques, qu’elles fassent appel au corps, à l’écoute musicale, alors les élèves comprendront parfaitement les consignes qui leur sont soumises et entreront dans l’activité avec enthousiasme.
J’ai respecté deux règles très simples. Tout d’abord, je ne me suis exprimé qu’en français, sans exception. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les enfants étaient stimulés par cette pratique. Leur raisonnement semblaient être : « On me parle en français et je comprends. En fait, le français, c’est facile ! ». Ensuite, j’ai mis ma parole en scène, théâtralisée. Pas besoin d’avoir suivi le cours Florent pour cela, heureusement. Des gestes, des mimiques, suffisent à renforcer les émotions d’un discours. Être acteur moi-même, cela a engagé mes élèves à faire de même. S’engager dans cette voie, c’est faire de la classe un moment de partage où l’on se découvre, où l’on découvre l’autre. À travers des activités théâtre, masques et marionnettes.
Nous avons ainsi réécrit le conte du petit chaperon rouge en le modifiant. Ainsi, les élèves ont découvert le conte en français (le professeur disant le texte) puis l’ont réécrit. Ensuite, en classe d’art, les élèves ont réalisé des masques. Les élèves ont donc travaillé l’écriture du conte puis la prononciation de leur texte. Enfin, je les ai guidé dans la mise en scène, pour exprimer des émotions avec leur corps et leur voix.
Un autre travail a eu lieu à partir de marionnettes. Une petite pièce de théâtre mettait en scène une jeune fille, un prince et un dragon. Il s’agissait pour les élèves de comprendre et mémoriser le texte. En classe d’art, les élèves ont élaboré les marionnettes. Nous avons travaillé la prononciation du texte et la manière de faire passer des émotions dans sa voix.
L’étude d’une langue nécessite des moments de structuration qui ne peuvent avoir lieu qu’en classe. Mon point de vue est simplement le suivant : sur une heure et demi d’étude d’une langue étrangère, quarante-cinq minutes peuvent être consacrées à l’expression corporelle et dramatique dans cette langue. Les apprentissages découlent ensuite de ces séances et non l’inverse. Le plaisir et la joie sont bien au cœur de l’enseignement.
Wilfried Roussel