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Écoliers en résidence au collège

Pour faciliter la transition de l’école élémentaire au collège, un principal et une inspectrice ont imaginé des résidences au collège pour les élèves des classes de CM1 ou CM2 du secteur. Récit de la naissance de l’idée et de sa mise en œuvre.

La liaison CM2-6e, la liaison école-collège, le CEC (conseil école-collège), la liaison cycle 3… l’appellation change souvent d’un établissement à l’autre. Se rajoutent parfois des acronymes, des instances, sans qu’on ne soit toujours totalement satisfait ni du résultat ni de la temporalité. Et sans, finalement, que les personnels ne comprennent parfaitement ce qu’on en attend.

Pourtant, nous cherchons toutes et tous comment faciliter la liaison entre école et collège, le passage de nos élèves d’une structure rassurante (un seul enseignant ou enseignante, une seule salle, tout le matériel à disposition, une autonomie facilitée, etc.) à une structure plus complexe, avec plus de déplacements et plus d’interlocuteurs, à redevenir les petits alors qu’on était les grands…

Depuis plusieurs années, au sein de mon collège et avec ma collègue IEN (inspectrice de l’Éducation nationale) et son CPC (conseiller pédagogique de circonscription), nous cherchons un format assez souple et attractif pour être collectivement fiers de cette fameuse liaison cycle 3 dont nous rêvons. Une liaison qui aura, in fine, du sens pour nos petits usagers, les premiers concernés.

Et au cœur de cet enjeu, nous nous posions deux questions :

  • Comment faciliter le travail du personnel enseignant des premier et second degrés, et conjuguer des temporalités à ce point différentes que toute velléité de réunion devient un casse-tête et finit par plus ou moins tomber aux oubliettes ?
  • Comment faire en sorte qu’un élève de CM2 qui devient élève de 6e appréhende avec confiance (et le sourire !) son arrivée au collège ?

Nous nous disions depuis un moment que si nous parvenions à répondre à ces deux questions, nous aurions fait un grand pas.

Créer du lien

Il y avait bien les deux réunions annuelles du CEC, mais leur format ne nous permettait que peu de marge de manœuvre pour entretenir une interaction. Pour amorcer le lien, nous profitions jusqu’ici de la séquence de découverte en milieu professionnel des élèves de 3e pour accueillir en résidence les élèves de CM2, mais cela arrivait de mon point de vue trop tard (fin février), et surtout cela manquait de souplesse.

Soyons clairs (aparté) : le département du Finistère, comme tous ceux de Bretagne, connait une concurrence forte, voire acharnée, entre l’enseignement privé et public. Au-delà de l’aspect pédagogique de nos missions, nous avons dans notre ADN la réflexion sur la concurrence et le moyen d’attirer à nous le plus d’élèves possible.

D’autant que les prévisions démographiques à moyen et long terme ne nous laissent guère envisager de nombreuses créations de classe. Mais cette baisse démographique du département a, paradoxalement, un effet positif sur l’espace disponible au sein de notre établissement.

Une salle spéciale

Alors, lors d’un énième CEC de préparation de la rentrée, en écoutant les enseignants regretter (encore et toujours, mais à raison) que travailler ensemble était certes souhaitable mais hautement compliqué, j’ai réalisé que l’espace disponible au sein de mon collège était peut-être une aubaine. Aussi, j’ai lancé l’idée qu’une salle du collège soit dédiée au cycle 3 pour recevoir quand ils le souhaitent les enseignants de CM1/CM2 avec leurs classes. Une salle spéciale, fléchée, à disposition.

Notre volonté était de faciliter les échanges, et surtout d’apporter une réelle souplesse de fonctionnement pour les collègues PE (professeurs des écoles).

L’idée elle-même a plu, et j’ai observé des projections se faire, ce qui était de ma focale un bon indicateur de la faisabilité du projet. Mais une fois l’idée posée, une fois la salle libérée et fléchée, comment donner vraiment envie et déclencher le dispositif ? Il me semble que sans une coordination, sans une personne qui anime, facilite et impulse, ce genre d’action finit sur une ligne du projet d’établissement, sans vraiment vivre.

Un PE a le confort de sa salle, dans son école, son matériel pédagogique à disposition. Alors, pourquoi se déplacer dans le collège voisin pour faire classe ? Il faut enclencher, il faut donner l’envie, il faut changer des habitudes. Si je suis convaincu que ce genre d’action bénéficie d’abord aux élèves, il nous faut le montrer en pratique pour convaincre.

Une enseignante référente

J’ai pu dégager l’équivalent d’une heure de ma dotation horaire pour qu’une enseignante du collège, motivée et convaincue, assure la coordination de l’ensemble et anime la liaison. Forts de cette heure, et surtout du dynamisme de l’enseignante référente, nous avons commencé à organiser les premières journées de résidence.

Pour certaines écoles, la proximité géographique facilite grandement la venue à pied, et une école s’est très rapidement emparée du projet. Et, petit à petit, le bouche à oreille fait son œuvre.

Concernant notre école de rattachement la plus éloignée, grâce à l’aide de la municipalité et avec l’association de parents d’élèves de l’école, nous avons pu cofinancer le transport des élèves et accueillir ainsi leur double niveau CM1-CM2.

Nous insistons maintenant sur l’accueil des élèves de tout le cycle et plus seulement des seuls CM2, comme cela a été trop souvent le cas par le passé. Cette souplesse de fonctionnement me parait permettre d’accueillir ainsi les deux niveaux.

Ensuite, il faut amorcer les choses, en créant des conditions idéales pour chacune et chacun, et cela demande un peu d’investissement.

Développer les co-interventions

Lors d’une première venue, l’organisation de la matinée a été pensée autour d’une co-intervention entre le PE et plusieurs enseignants. Par exemple : éducation musicale, mathématiques et anglais. Des activités à chaque fois accessibles à chacun, et, surtout, un travail avec les futurs collégiens sur l’idée de continuité malgré le changement de lieu.

L’objectif d’une telle action est donc multiple : donner envie aux enseignants des deux établissements de multiplier des moments de co-intervention (pour cela je facilite de mon côté au maximum les souhaits des enseignants du collège à aller co-intervenir dans les écoles – configuration plus simple que l’inverse), faire des élèves de CM1-CM2 des ambassadeurs de leur collège public de secteur, dans un territoire où presque un élève sur deux est scolarisé dans l’enseignement privé, faciliter enfin la transition à venir et l’intégration des futurs élèves de 6e.

Après presque un trimestre, je constate que des collègues PE, qui étaient réticents, commencent à revoir leur point de vue, peut-être à la faveur des retours des élèves qui reviennent unanimes quant à l’utilité d’aller dès à présent voir ce qui se cache derrière ces murs.

Et ce qui me rassure, moi, en tant que principal, c’est de voir que la suite se fait sans que j’aie à m’en mêler. J’ai appris par hasard la deuxième venue d’une classe, cette fois-ci en totale autonomie. Une collègue PE, qui a réalisé la portée bénéfique sur la confiance que cela allait apporter à ses élèves dans le passage de l’école au collège, a décidé de revenir et a programmé sa venue avec la coordonnatrice du collège.

Nous pensons avec ma collègue IEN que la liaison interdegrés ne se fera que par des projets portés par les enseignants, et pas par nos envies à nous, et qu’il nous appartient de leur faciliter la tâche. Ce genre d’action favorise clairement cette envie !

Jean-Luc Simon
Principal du collège Victoire-Daubié de Plouzané (Finistère)