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Didactique de la conjugaison. Le verbe « autrement »

Est-il vraiment possible de  » faire  » de la conjugaison autrement ? se demande l’enseignant qui découvre ce livre. Tant d’heures passées pour rien à revoir les passés simples, tant de  » récitations  » de conjugaisons suivies d’autant d’erreurs dans les récits des élèves Pour nous redonner du cur à l’ouvrage, les auteurs nous proposent d’abord de renouveler notre description des formes du verbe pour qu’elle soit plus rigoureuse et en même temps plus proche de la réalité du français contemporain. On commence donc par interroger les savoirs habituels sur le verbe, tels qu’on les trouve dans les grammaires par exemple, en montrant combien ils sont erronés et inopérants. Quelques exemples à propos des tableaux de conjugaisons : on fait jouer abusivement à l’infinitif le rôle de classificateur unique ; les tableaux répertorient des formes mais ne permettent pas de comprendre comment elles combinent des bases lexicales et des flexions ; les interférences entre la morphologie et l’histoire de la langue ne sont pas prises en compte (c’est le cas pour le subjonctif qui en français contemporain, n’a plus que le présent et son aspectuel le passé.) Ajoutons à ces critiques que la présentation traditionnelle des temps et des modes repose sur un modèle didactique non avoué, celui qui met l’apprentissage des conjugaisons au service de la lecture des textes littéraires et non de l’usage de la langue. Aucune distinction n’est faite entre français classique, français écrit et français parlé contemporains. La relation forme-sens-usage n’est pas travaillée. Enfin, les tableaux des grammaires présentent les formes sans distinction entre l’oral et l’écrit, alors qu’on connaît maintenant l’autonomie du système graphique par rapport au système phonétique. Il y a bien deux objets distincts, la conjugaison orale et la conjugaison graphique.

Bref, disent les auteurs sans ménagement, les tableaux classiques représentent  » le degré zéro de l’analyse morphologique « , ils ne sont donc que des répertoires et surtout pas des objets d’apprentissage. Tout le travail de l’enseignant sera de mener, à partir de ces  » dictionnaires morphologiques « , des observations structurées, recherches sérielles et contrastives entre classes verbales, formes des modes et des temps et aussi, mais peu d’ouvrages en proposent le matériau nécessaire, entre formes écrites et formes orales. Ce livre nous en donne les moyens en proposant, dans une deuxième partie, temps après temps, des travaux à mener en classe pour aider les élèves à envisager les conjugaisons comme un système cohérent, en reliant chaque fois le temps à ses emplois dans des textes. Auparavant, on aura encore dédramatisé la situation en s’intéressant à la fréquence des verbes : il n’y a finalement à savoir qu’un petit nombre de verbes extrêmement fréquents et très irréguliers ; le reste des douze mille verbes du français peut fonctionner par analogie. Et faut-il vraiment apprendre le passé simple du verbe moudre ?

Un ouvrage résolument didactique, qui affirme ses choix et donne les moyens de renouveler les pratiques.

Florence Castincaud