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Des objectifs et des valeurs en commun

Les Cahiers pédagogiques ont depuis 2018 un partenariat avec Universcience, l’établissement public issu du rapprochement en 2009 entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie. Dans cet entretien, Philippe Handtschoewercker, responsable du département éducation-formation, revient sur les missions d’Universcience, ses liens avec le monde scolaire, et le partenariat avec les Cahiers. C’est aussi l’occasion de nous associer aux fortes inquiétudes des salariés et de la communauté scientifique devant les menaces qui pèsent sur le Palais de la découverte, suite aux diverses déclarations du côté du ministère de la Culture.
Pouvez-vous décrire quel est votre travail en direction du monde enseignant ?

La mission première de mon équipe, c’est d’accompagner les enseignants dans leurs projets de visite et d’appropriation de nos ressources, que ce soit à la Cité ou aux Étincelles [lieu éphémère ouvert pendant la fermeture du Palais de la Découverte], et aussi dans le renforcement de leurs connaissances scientifiques et leur rencontre avec les chercheurs et l’actualité scientifique et technique. On s’aperçoit que les enseignants et les médiateurs scientifiques peuvent se rejoindre et s’apporter leur propre regard du fait d’un contexte différent. Le musée n’a pas à se préoccuper d’apprentissages formels, certes, mais nous pouvons avoir une préoccupation commune avec l’école : susciter à la fois l’émerveillement et le questionnement. Même si nous avons sans doute une focalisation plus forte sur l’expérience sensible et sur la « saveur des savoirs1 » auxquelles je sais que vous êtes vous aussi attachés aux Cahiers pédagogiques. Et de l’autre côté, l’école a un savoir-faire pédagogique dont le musée peut faire son miel. En tout cas, le musée peut être une caisse de résonance et un outil pour les apprentissages.

Quelle est la part de la fréquentation scolaire dans vos établissements ?

Les scolaires, c’est 20 % du public, soit 300 000 visiteurs chaque année. La majorité, ce sont des élèves du premier degré. Sauf aux Étincelles, qui assure la continuité des offres de médiation du Palais de la Découverte, créé en 1937, qui avait pour vocation de « montrer la science en train de se faire ». Là, on est à un tiers de collégiens et un tiers de lycéens.

Médiation A table les grenouilles ! aux Etincelles du Palais de la Découverte, avril 2023.

Quel rôle ont les T’éduc ?

Les T’éduc ont pour mission de proposer aux enseignants des moments de réflexion et d’échange qui permettent de prendre un peu de recul, avec une vision plutôt transversale. Prenons l’exemple de « Mission spatiale » : comment inspirer des projets motivants sur cette thématique ? Ou, récemment à propos de l’exposition « Danser », nous avons pu aborder la question de la place du corps à l’école, avec d’ailleurs la participation de la coordonnatrice du dossier que vous avez consacré à cette question. Nous avons bâti avec vous les différentes tables rondes dès le premier T’éduc, en décembre 2018, sur la médiation dans les musées scientifiques. Avec le covid, on a dû se rabattre sur des visios, qui ont permis d’avoir un public géographiquement plus large et une audience au-delà du direct grâce au replay. Mais nous avons souhaité récemment revenir au présentiel, lequel peut être combiné avec la visite commentée d’une exposition.

Nous essayons aussi d’associer des « grands témoins » à ces événements. Ainsi, les présences de Jean Jouzel sur les questions d’urgence climatique, de Claudie Haigneré sur l’aventure spatiale, de Blanca Li sur la danse, ont été très appréciées par les enseignantes et enseignants. Ce type de moment participe à cette mission de notre lieu à laquelle nous croyons beaucoup : nourrir la motivation, la réflexion et l’inspiration des profs comme des élèves.

Pourquoi avoir sollicité les Cahiers pédagogiques pour établir ce partenariat ? Quels étaient vos objectifs ?

Je remarque à l’examen de vos titres de dossiers que vos préoccupations rejoignent les nôtres, que ce soient les questions d’écologie, d’inclusion ou d’apprentissages. Comme vous, nous cherchons à « mobiliser » et à prendre en compte la diversité des visiteurs. Nous avons aussi en commun une attention à la recherche en sciences de l’éducation et en sciences cognitives. Et le souci de l’interdisciplinarité, la réflexion sur les nouveaux outils et particulièrement l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Il nous semble que nous partageons un certain nombre de valeurs autour de la citoyenneté et de la démocratisation des savoirs. À la Cité, nous avons trois grands piliers : la durabilité, l’esprit critique et l’innovation. Ils ne sont pas éloignés, je pense, de vos préoccupations ! Nous sommes donc très heureux de cette collaboration.

Quelles sont les perspectives pour Universcience ?

Nous avons rénové la Cité des enfants, où nous mettons un accent particulier sur le développement des compétences psychosociales, après un travail avec de nombreux experts de l’enfance et l’implication de classes élémentaires dans la coconception de certains modules d’exposition. Nous allons aussi ouvrir cet automne une exposition « Jardiner », ce qui permettra sans doute d’évoquer la classe dehors et le lien au vivant. Une exposition en 2026 portera sur le thème des « frontières », où nous solliciterons particulièrement les enseignants de géographie, mais ce sera aussi l’occasion de projets interdisciplinaires. Sans oublier l’offre constamment renouvelée d’exposés et d’ateliers de nos médiateurs scientifiques, centrale à Universcience, que nous mettrons à l’honneur en septembre 2025 lors de notre visite-rencontre de présentation de saison. Nous aurons aussi une série consacrée à l’histoire d’objets techniques en remontant le temps, à commencer par la radio, puis la machine à écrire, et enfin la photo couleur (autochrome).

Visite-rencontre enseignants Mission spatiale le mercredi 13 décembre 2023 à la Cité des Sciences et de l’Industrie.

Pour l’heure a ouvert dans le nouveau Palais des enfants, en sous-sol du Grand Palais, une magnifique exposition, « Transparence », qui allie art et science pour les 2-10 ans. Un bel exemple de croisement de savoirs !

En revanche, on est un peu sans nouvelles de la réouverture du Palais de la Découverte, alors même que les travaux de rénovation se terminent. Il y a eu des retards de chantier et l’annulation du festival « Premières ondes », qui devait préfigurer pendant l’été 2025 la réouverture prévue fin 2026. Le projet est de l’inscrire à la fois dans la continuité de l’ancien Palais et dans de nouvelles propositions : une salle immersive plongée au cœur des sciences, une salle de rencontres avec des chercheurs, des salles de médiations, des ilots scientifiques, etc. Nous sommes à la fois impatients et un peu inquiets, au vu de ces contretemps et d’une certaine incertitude qui les accompagne sur l’ensemble du projet, car il nous parait important qu’un tel lieu existe au pied des Champs-Élysées, entre le Louvre et la Tour Eiffel. C’est une opportunité pour des élèves, de milieux parfois défavorisés, d’inscrire leur visite dans un ensemble prestigieux culturellement. Un lieu précurseur dans l’histoire de la muséologie contemporaine pour la place qui y est donnée à la médiation scientifique et à l’interactivité.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk
Photographies © A Robin-EPPDCSI

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Sur notre librairie

Couverture du HSN n° 58 : « Enseigner la science aujourd'hui »

HSN science

Notes
  1. Selon la formule de Jean-Pierre Astolfi : https://www.cahiers-pedagogiques.com/la-saveur-des-savoirs-disciplines/.