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Compétences motrices et langagières, un enrichissement réciproque

L’auteure relate comment les compétences liées à la pratique du cirque en classe de CP et les compétences langagières s’acquièrent de façon interactive.

Quel lien entre un projet pluridisciplinaire autour de l’activité cirque et les compétences langagières et motrices, souvent fragiles, à l’entrée en cours préparatoire ?

Les compétences motrices développées

Les séances d’apprentissage doivent permettre aux élèves de construire des habiletés motrices, des connaissances, des attitudes dans les deux domaines, jonglerie et acrosport.

  • Sur le plan moteur, il s’agit d’améliorer les capacités de perception, d’anticipation (perceptions kinesthésiques, attention visuelle), de développer les capacités physiques (tonicité, équilibre), de réaliser des formes d’actions variées (jongler, porter, parer).
  • Sur le plan socioaffectif, il s’agit de communiquer et coopérer avec les autres, de s’entraider, de reconnaitre, rechercher et maitriser le risque, d’accepter de montrer aux autres, d’accepter de jouer différents rôles, de pouvoir regarder les autres, donner son avis, évaluer, de faire passer des émotions, d’élaborer des projets d’actions collectives pour produire un numéro (ou plusieurs).
  • Sur le plan cognitif, il s’agit de comprendre le fonctionnement de son corps, prendre conscience de ses capacités motrices et de ses ressources, de repérer et apprécier des indices de plus en plus nombreux, d’être conscient de la difficulté de la tâche, de mémoriser, d’établir des relations entre des manières de faire et le résultat de l’action, de créer en recherchant l’originalité, l’imaginaire…
1. Activités d’apprentissage dans les compétences « manipuler des objets, produire des formes corporelles »

1.1 En jonglerie, définir pour chacun un niveau d’exigence

Face à la représentation qu’avaient les élèves de l’action jongler (lancer et rattraper un objet sans permanence du geste), nous avons établi un contrat en jonglerie qui était de répéter le geste plusieurs fois de suite : par exemple, lancer et rattraper une balle plusieurs fois de suite sans qu’elle chute.

Des tableaux d’auto-évaluation, évoluant lors des séances afin de mieux répondre aux besoins et évolutions des élèves en jonglerie, leur permettaient de mesurer leurs progrès.

Ensuite, chaque élève a choisi un objet parmi les trois. Le tableau d’auto-évaluation a alors été spécifique en fonction de l’objet choisi.

1.2 En acrosport, construire la prise de risque et la sécurité

Lors des premières séances, certains élèves avaient une attitude inhibée, voire apeurée. D’autres, au contraire, prenaient des risques non contrôlés. Lors des bilans et des observations mutuelles, les élèves ont relevé leurs différences, ont exprimé leur peur.

Établir des règles d’or de sécurité et des fiches de pyramide de degrés de difficultés différentes a permis aux élèves de prendre confiance, d’apprendre à s’organiser et à gérer la prise de risque. En devenant tour à tour porteur, voltigeur ou pareur, chacun a pu vivre les différentes actions.

Les groupes d’élèves montraient leur réalisation aux autres, afin d’être évalués selon les critères définis ensemble (positionnement, montage et démontage de la pyramide, tenue de la pyramide pendant cinq secondes).

Parallèlement à cette auto-évaluation, j’ai construit deux grilles d’observation, en évaluation initiale et évaluation sommative, afin que je puisse évaluer l’évolution des élèves (voir annexes).

Au cours de l’unité d’apprentissage, les élèves ont pris conscience de leurs possibilités motrices à leur juste valeur. Ils ont pu alors progresser en acceptant de ne pas y arriver tout de suite et en persévérant dans l’effort, vers un apprentissage auto-régulé1.

L’évaluation s’est effectuée à la fin du cycle pour les élèves, en tant qu’acteurs, metteurs en scène et spectateurs selon des critères d’observation pour le spectateur. Chaque élève a observé et a été observé par un de ses pairs, lors des deux numéros qu’il effectuait. Chacun a pris son rôle d’observateur très au sérieux et les élèves ont pu échanger leur avis ensuite.

2. Les compétences langagières développées

2.1 Le langage oral, la verbalisation

Il est nécessaire de prévoir des activités de verbalisation pendant les séances d’activité cirque, mais aussi en amont et en aval des séances d’EPS.

  • en amont : pour l’énonciation du but de la tâche, la présentation et la prise de connaissance du dispositif ;
  • en aval : pour un retour sur les résultats, une codification, une verbalisation de l’activité.

 

 

Dans le cadre de la compétence 4, « concevoir et réaliser des activités à visées expressive, artistique, esthétique », il est primordial que chaque groupe présente ses « actions » aux autres, pour que l’activité cirque garde du sens auprès des élèves. Chacun a donc pu se mettre en représentation, individuellement ou collectivement : en fin de séance, quelques groupes présentaient leur pyramide aux autres élèves, afin de se mettre en représentation et avoir un retour oral immédiat (en tenant compte des critères de réussite établis).

J’ai alors guidé les élèves afin qu’ils s’attachent à l’observation des actions : par exemple, par des questions telles que « Comment se placent-ils ? Sont-ils bien placés en respectant les points d’appui ? »

Les échanges ont permis de confronter les informations afin de modifier les représentations des élèves, ce, pour améliorer l’efficacité de leurs actions : les élèves ont tenu compte des observations de leurs pairs, ont modifié leur comportement de groupe, ont mieux collaboré également, par la suite, en étant plus à l’écoute des autres.

2.2 Le langage écrit, les traces écrites 

Nous avons mis en place des séances, en classe, de verbalisation orale et écrite, à partir de photographies de formes produites en acrosport, de schématisation de l’action motrice en jonglerie et de production d’écrits.

La trace écrite permet à chacun de mettre en mots, de mémoriser son action ou ses actions.

Mais elle a aussi donné la possibilité à certains élèves en difficulté scolaire de trouver une motivation.

Au cours de l’apprentissage, la notion de numéro a été difficile à cerner pour les élèves de cet âge. Le montage d’un numéro est une situation complexe qui doit être aidée par un travail de narration.

Ainsi, visionner des vidéos de numéros de cirque renvoie à un imaginaire corporel, porteur de mise en mots.

Cette séance a permis aux élèves d’expliquer la notion de « numéro », de la définir et de construire un tableau récapitulatif d’aide et de mémorisation pour « monter un numéro » : le rythme de la musique selon le numéro, le thème choisi par les artistes, en lien avec leur matériel de jonglerie…

Nous avons pu faire ressortir l’importance d’une mise en scène (costumes, place de chacun, musique adéquate). Ils étaient alors metteurs en scène de leur numéro : choix de musiques, de costumes, d’un nom pour leur groupe.

Ces temps de langage oral et écrit donnent du vocabulaire, mais aussi de la méthode aux élèves : on écrit un numéro avec des matériaux travaillés, collés, transformés.

Écrire son numéro sur le papier aide à la mémorisation de celui-ci.

Construire son projet d’action est nécessaire pour les élèves, afin de maintenir leur motivation exécutive.

Pour conclure, j’ajouterai que le comportement personnel des élèves a évolué au cours des séances par la prise de parole, la prise d’initiative, l’écoute des autres, la coopération, la demande d’explication, la persévérance dans la tâche.

ANNEXES
Nathalie Garnier
Conseiller pédagogique de circonscription à Méru (Oise)
 PAROLES D’ÉLÈVES
Quelques remarques entendues

Observation d’un numéro de contorsion

Élève : — C’est bizarre.

Enseignante : — Qu’est-ce qui est bizarre ?

Élève : — La lumière est bleue mais c’est beau aussi.

Enseignante : — Pourquoi trouves-tu que c’est beau ? Qu’est-ce qui est beau ?

Élève : — Ils font des gestes qui sont beaux. On dirait qu’ils sont légers.

Enseignante : — Oui, ils sont gracieux dans leurs gestes.

Élève : — La musique est toute douce.

Enseignante : — Exact, la musique s’accorde avec les gestes lents des artistes.

Observation d’un numéro de trapèze volant

Élève : — Ils ont des costumes brillants, on les voit bien.

Enseignante : — Regardez bien les artistes. Que font-ils entre chaque envolée ?

Élève : — Ils saluent le public. Ils regardent le public. Ils sont toujours ensemble ; ils font la même chose en même temps.

Enseignante : Ils font attention les uns aux autres, oui. Ils font les actions en même temps. Il va donc falloir que nous fassions aussi attention à tout cela pour nos numéros : la présentation, les costumes, les saluts, les choix de musique.

Notes
  1. Jean-Pierre Famose, « Réflexion sur les programmes ; à propos de l’apprentissage régulé », revue EPS n° 300, mars/avril 2003.