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Charte de la laïcité et éducation laïque à la morale

Pour Abdennour Bidar, la charte de la laïcité n’est pas un totem de plus, ni une table de la loi. Elle est destinée à nous aider à réfléchir, à nous réassurer, à l’école comme dans la société. Face à la JRE (journée du retrait de l’école), on peut jouer la carte de la victimisation, regretter les lobbyings, se lamenter. « On peut aussi en profiter pour se reposer des questions sur notre école, pour la faire progresser. Sur notre société, pour la faire progresser. »
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La charte rappelle des éléments élémentaires qui mènent à une liberté éclairée par une pédagogie incarnée. La laïcité est en effet en France un outil qui aide à concilier la liberté des croyants et des non-croyants : « Le paradoxe de la laïcité, c’est de séparer pour rassembler », rappelait Jean-Paul Delahaye, ancien DGESCO. Séparer. Il s’agit donc d’abord d’y trouver du discernement, des critères de discrimination. C’est ce qui la rapproche de la démocratie : « La démocratie et la laïcité sont identiques parce qu’elles n’ont pas besoin d’un recours surnaturel pour se fonder », disait Jean Jaurès.

A quoi engage de devenir enseignant, de devenir donc agent du service public ? A la neutralité personnelle concernant les opinions politiques ou religieuses, les faits religieux devant être transmis comme des éléments culturels et non confessionnels. «Même si nous ne sommes pas très à l’aise avec ce retour de réflexion autour du religieux dans notre société, notre responsabilité est de transmettre une laïcité avertie, pour ouvrir à une diversité des visions (dont religieuses) du monde », insiste Abdennour Bidar.

Vincent Peillon avait parlé de « faire preuve de discernement », de s’adapter donc aux situations, là où l’on aurait parfois envie d’avoir des règles claires. Discernement ? Ces longues robes qui fleurissent dans un établissement, effet de mode, obligation ? Provoquent-elles des effets de bandes qui vont exercer des pressions ? Est-ce que cela s’accompagne de refus d’enseignements ? Si c’est le cas, il est certain qu’il faut agir. Mais le discernement va jusqu’à la capacité d’anticiper, d’organiser très en amont une concertation avec les personnels qui se sentiraient impliqués. « Les problèmes surgissent n’importe où mais s’hystérisent, se durcissent, là où l’on n’a pas tenu l’établissement ouvert, en réflexion sur son contexte social, religieux. Le choc des ignorances entraine l’hostilité. Voire le conflit ouvert », rappelle Abdennour Bidar.
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Notre principal problème aujourd’hui semble tenir au désenchantement de la société vis-à-vis des institutions, dans une société de plus un plus multiple, fragmentée. « Le premier rôle de pédagogue, c’est de transmettre un monde » disait Hannah Arendt. Savons-nous le faire ? Il le faudrait. Car pour Abdelannour Bidar « si des extrémismes remettent en cause la laïcité, c’est la porte ouverte à une remise en cause également de la liberté, de l’égalité, puis de la fraternité… » Mais c’est toutefois l’espérance qui porte Abdelannour Bidar : « Rien n’est perdu, nous ne sommes qu’au début de ce siècle nouveau. Transmettons la conscience de la valeur des valeurs… »

Christine Vallin