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Le jour d’après, l’école d’après…

Nous venons de vivre des journées terribles. Cela a été un choc et une émotion intenses.

Aux Cahiers pédagogiques, nous pleurons la perte d’un ami avec la disparition de Charb qui dessinait pour nous depuis 17 ans. Les manifestations d’une grande dignité partout en France des 10 et 11 janvier ont été à la hauteur de l’émotion et de la nécessaire réponse à l’attaque qui est faite à la démocratie.

Il faut maintenant que l’école soit aussi à la hauteur des enjeux et des défis. La réponse n’est pas seulement dans le court terme avec une minute de silence et des moments d’échange en classe. Cela suppose aussi un travail de longue haleine pour répondre à l’interpellation qui nous est faite par cet évènement et ce qu’il révèle.

Dans la majorité des cas, les moments de commémoration et de réflexion collective ont été positifs et donnent des raisons d’espérer. Mais, même s’il ne faut pas les surévaluer, les incidents et les refus qui ont accompagné les minutes de silence et l’évocation des attentats en classe sont à prendre au sérieux. Le désarroi de certains enseignants face à ces tensions est aussi un symptôme à analyser.

Ce désarroi, l’impuissance de certains de nos collègues, peuvent être analysés comme les limites d’un fonctionnement individuel de notre métier. Un métier vécu souvent sous le seul angle de la discipline d’enseignement et qui néglige (et quelquefois méprise) la dimension éducative.

Or, nous sommes bien membres de l’Éducation nationale et non de l’Instruction publique, il s’agit bien aussi de construire des compétences sociales et civiques et de former à l’esprit critique. De nombreux dispositifs comme l’éducation aux médias et bientôt l’éducation morale et civique nous y invitent, mais plus généralement l’enseignement dans toutes les disciplines et la vie scolaire. Il faut nous en emparer. Il faut nous y former collectivement dans les établissements et les espaces de formation initiale et continue.

Et si l’évènement tragique que nous venons de vivre était l’occasion de nous réunir dans tous les établissements pour faire le point, analyser nos pratiques et nos difficultés et construire collectivement et localement les réponses les plus appropriées ?

Car les refus de certains élèves, tout comme le fait que les assassins aient fait toute leur scolarité en France doivent aussi interpeller l’école toute entière. Car au-delà des effets de la crise et du séparatisme social et de toutes les peurs qu’ils engendrent, c’est aussi d’une certaine manière le signe d’une défaite éducative. Certes, l’école ne peut être la cause de tout, mais elle a pour mission d’enseigner et de faire vivre des valeurs communes et d’être un lieu d’intégration. Elle doit prendre pleinement sa part.

Une école où on se contente pas d’énoncer des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité mais où on essaye de les faire vivre au quotidien dans nos classes, dans les établissements. Une École qui donne sa place à chacun et qui le reconnaisse dans sa diversité par une laïcité bien comprise, c’est-à-dire respectueuse de toutes les croyances. Une école, surtout, qui ne crée pas plus d’inégalités, qui lutte vraiment contre l’échec scolaire, les inégalités sociales et tous les ferments de l’exclusion.

Nous devons construire tous ensemble l’école d’après.

Philippe Watrelot
Président du CRAP-Cahiers pédagogiques