Janvier 1973. Il n’y a plus rien. Finie la guerre au Vietnam. Déjà se profilent le ralentissement de la croissance et l’inversion de la conjoncture économique. Il n’y a plus rien. Plus d’argent dans les tiroirs-caisses, sauf peut-être celui des Pink Floyd de l’autre côté de la lune. « Il n’y a plus rien, plus plus rien ! », hurle Léo Ferré qui ajoute : « Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos ainés. » Tout un programme ! Tiens, parlons-en des programmes : « Il n’y a plus rien dans les cours de maths, nos enfants ne sauront bientôt plus compter avec leurs maths modernes ! »
Ah les maths modernes ! Elles sont entrées en 6e à la rentrée 71. Moi aussi. Je m’en souviens parfaitement. Enfin, je me souviens de notre professeur. Au début de chaque cours, il faisait venir au tableau l’un d’entre nous pour corriger les exercices et, si l’impétrant se trompait, il ricanait en lui disant « Mais enfin, n’importe quel imbécile moyen saurait faire cela ! » Nous étions terrorisés. Au conseil de classe, mon père, ce héros, représentant les parents d’élèves, lança : « En 6e A, les maths sont peut-être modernes, mais le professeur est un vieux c… » Le lendemain, l’imbécile moyen Mével passait au tableau. Je m’en souviens parfaitement des maths modernes.
Mes souvenirs n’ont cependant pas grand-chose à voir avec la façon dont le dossier des Cahiers pédagogiques n° 110, « L’école en proie à la mathématique » aborde la question. En voici deux extraits. Le premier questionne l’introduction de programmes innovants à l’école primaire et évoque des réactions d’enseignants qui diront sans doute quelque chose aux lecteurs d’aujourd’hui. Le second texte est un extrait d’un savoureux Billet du mois où Gilbert Walusinski proclame le caractère subversif des nouvelles mathématiques. Hélas, ce n’était pas mon professeur !
Yannick Mével