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Apprendre et vivre la démocratie à l’école
Fidèle à l’esprit de cette collection dirigée par Jean-Michel Zakhartchouk, ce livre de 150 pages a l’ambition de proposer des analyses et des outils qui s’appuient sur des expériences concrètes dans lesquelles chacun pourra se reconnaître. Le parti pris est en effet d’entrecroiser les éclairages théoriques et les paroles d’acteurs – enseignants et quelques élèves – qui rendent compte des questions que soulèvent leurs pratiques de la démocratie à l’école.
Plutôt qu’une série de contributions d’experts, il s’agit de la mise en perspective d’une réflexion partagée puisque tous les auteurs appartiennent à un collectif d’observateurs et de praticiens qui se sont réunis régulièrement sous l’égide du CRAP-Cahiers pédagogiques pour confronter leurs expériences, et réfléchir aux moyens de faire vivre les valeurs démocratiques dans l’école. La démarche qui a présidé à l’élaboration et à la rédaction de l’ouvrage a donc consisté à mettre en œuvre les principes mêmes de ce pourquoi chacun milite et s’interroge dans ce livre. Et c’est déjà la preuve, comme le souligne François Dubet dans la préface,que « l’école est bien plus vivante qu’on ne le croit souvent ».
On peut voir en effet au fil des brefs chapitres qui se succèdent, comment des écoles primaires et secondaires, des collèges, des lycées généraux et des lycées professionnels, suscitent la parole des élèves et avec quelles difficultés, quel temps consenti, quelle humilité, quelle nécessaire fermeté, cette parole doit rencontrer celle des adultes de l’institution scolaire. Comment animer l’heure de vie de classe ? Comment permettre à des élèves de CM2 de gérer un espace-jeu ? Comment traiter la violence ? Comment, pour cela, utiliser entre autres la photo, la vidéo, le théâtre ? Partout, la parole est au centre. À chaque fois, il faut construire un dispositif qui la libère, la canalise et la prenne en compte.
Les choses se compliquent, comme le note François Dubet et comme le relève Michel Tozzi, quand on essaie de comprendre « comment cette parole de l’élève peut être démocratisée au cœur même de l’acte d’apprendre dans la classe, c’est-à-dire dans son rapport au savoir ». Il faut bien dire que c’est une question qui reste en suspens : elle ne trouve guère de réponse que dans quelques réflexions sur des dispositifs d’aide en primaire. On en reste par ailleurs aux idées connues sur la nécessité d’un savoir non dogmatique et sur l’obligation de prendre en compte les représentations des élèves. Mais peu de concret sur ce point fondamental.
À défaut de montrer ce que les dispositifs de prise de parole changent dans le rapport au savoir, le livre montre par contre combien il est indispensable d’instituer les instances de délibération qui, comme à l’école Vitruve ou au lycée expérimental de Saint-Nazaire par exemple sont amenées à prendre les décisions « politiques » (le fonctionnement de la vie scolaire, les règles) aussi bien que pédagogiques (le choix des sujets d’étude dans le cadre du programme). Et c’est du côté du collège de Sisteron qu’on voit qu’une simple action de formation des délégués élèves débouche sur l’instauration d’une fiche navette dans chaque classe où il est question de tout autre chose que de doléances anodines.
Faire vivre la démocratie dans l’école c’est donner accès à la parole, au savoir et au pouvoir… telle étaitl’hypothèse de départ. Il apparaît que les avancées dans le domaine de la parole et du pouvoir des élèves, à condition de bénéficier de dispositifs repérés et institutionnalisés, sont évidentes même si les instances officielles : conseil d’administration, conseil de vie lycéenne, demeurent assez formelles. Mais elles ne suffisent pas à donner du sens à une école dont la fonction est de sélectionner à l’aide de savoirs figés plutôt que de former des citoyens doués d’une conscience critique et de compétences effectives.
Ce livre – qui n’est « qu’une étape ! » – est une invitation à continuer à travailler pour aller « vers un système réellement éducatif », preuve et garant d’une société réellement démocratique.
Pierre Madiot