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Apprendre et Comprendre : Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée

La Fédération nationale des maîtres E, qui travaille à faire reconnaître la spécificité du travail des enseignants spécialisés, mène de nombreuses actions de recherche, de formation et d’innovation pédagogiques. Elle publie ici un ouvrage rassemblant dix contributions sous deux grands thèmes qui sont au centre des préoccupations des maîtres E (et des autres !) : apprendre, comprendre (conceptualisation, aides…) ; métacognition et remédiation (construction du sens, réflexion sur l’action).
L’ouvrage est donc structuré par la préoccupation majeure d’amener les élèves à un meilleur fonctionnement cognitif.
Rémi Brissiaud, qui entre dans le vif du sujet en s’interrogeant sur les démarches qui favorisent la conceptualisation, met en garde contre la tentation de chercher une méthode universelle : c’est domaine par domaine, discipline par discipline qu’il faut construire les concepts et particulièrement les relations causales entre leurs éléments : un concept, ce n’est pas seulement un ensemble de propriétés, c’est un réseau de sens.
Gérard Chauveau lui emboîte le pas à propos de la lecture : apprendre à lire, c’est comprendre à quoi ça sert de lire et les « intentions » de l’école, penser l’écrit, se poser des questions à son sujet. Donc pas seulement une affaire de mécanismes, mais de compréhension par l’enfant de ce qu’il fait lui-même, de ce que fait le maître.
Quelles aides alors pour la compréhension des textes ? Frank Jamet, Denis Legros et Emmanuelle Maître de Pembroke insistent sur la nécessité, face à un texte, d’activer des connaissances générales, mais aussi des connaissances sur des contextes spécifiques. Sans doute en effet a-t-on sous-estimé l’importance de connaître les représentations culturelles et linguistiques de l’enfant si on veut comprendre certaines de ses difficultés.
La seconde partie de l’ouvrage explore les voies possibles de remédiation et en particulier les aides à la métacognition. Un mot bien lourd qui peut, dit Marie-Thérèse Zebato-Poudou en fin d’ouvrage, fonctionner comme un leurre : elle rappelle que si une tâche est prescriptible, une activité intellectuelle ne l’est pas ! Et qu’il faut rester modeste en « appliquant » les acquis de la recherche, particulièrement s’il s’agit d’enfants de maternelle. Faire verbaliser des critères, dit-elle, c’est faire répondre les élèves à des questions qu’ils ne se posent pas et espérer qu’elles seront intériorisées. On peut préférer à cette démarche certaines activités comme la dictée à l’adulte qui permettent aux enfants de faire l’expérience sur autrui de processus de contrôle qu’ils pourront ensuite s’appliquer à eux-mêmes. Un article qui questionne, donc, après six éclairages différents sur l’aide et la métacognition.
Britt-Mari Barth propose un modèle socio-cognitif de médiation pour mettre à plat les facteurs qui conditionnent un apprentissage réussi, un modèle où la question du transfert est présente dès le début dans le scénario de l’enseignant.
Anne-Marie Doly revient sur la clarification de ce qu’est la « métacognition » en psychologie et donne des exemples de mise en œuvre à l’école, élargissant et enrichissant son propos aux apports de la sociologie.
Armelle Balas-Chanel explore l’« apprendre à apprendre » et les freins à la métacognition et expose les apports de l’entretien d’explicitation pour favoriser le retour réflexif par une écoute bienveillante et un questionnement pertinent – deux conditions vraiment indispensables.
Jean-Michel Zakhartchouk s’intéresse à la compréhension des consignes : ici la métacognition doit jouer aussi du côté de l’enseignant, qui parfois ne « travaille » pas assez le sens, les objectifs, les conditions de compréhension des consignes… Il propose de nombreux travaux à mener en classe, en signalant les obstacles auxquels se heurte cette démarche.
Philippe Cormier et Sylvie Cèbe recentrent le propos sur le travail des maîtres E. Le premier insiste avec une certaine sévérité sur les limites de la métacognition pour l’aide spécialisée parce que, dit-il, elle ignore l’histoire du sujet, son histoire personnelle et cognitive. C’est sur cette prise en compte que l’on peut bâtir l’aide spécialisée plutôt que de se fixer sur ses difficultés.
De son côté, Sylvie Cèbe se demande comment les maîtres E peuvent permettre aux élèves dits « en difficulté » d’acquérir ces compétences et procédures largement non enseignées et implicites qu’ils n’ont pas acquises. Le maître E a alors à offrir à certains plus d’explications, plus de temps, plus de guidage. Elle présente ainsi des outils de remédiation sur plusieurs semaines : l’enfant traite des relations, mais surtout est amené aussi à déplacer son attention de la performance à la procédure elle-même : évaluation, prise de conscience, transposition.
Un ouvrage qui questionne et aide à avancer sur la question ardue, mais centrale dans l’apprentissage.

Florence Castincaud