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Une journée de rencontre entre enseignants et chercheurs autour de la « neuroéducation »

Dans un climat convivial et stimulant, la Journée Neuroéducation Lyon 2019, première manifestation de ce genre[[Organisée à l’initiative du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRL), en collaboration avec différents laboratoires de recherche lyonnais, et en partenariat et avec le soutien de nombreuses institutions dont l’INSPE et le Réseau Canopé.]], visait en particulier à faciliter les échanges entre le monde de l’éducation et celui de la recherche, en impulsant une dynamique de territoire. Tout le long de la journée, on a senti une volonté forte d’intégrer la transdisciplinarité scientifique au service des apprentissages, mais aussi une humilité face à l’expertise de la communauté éducative, la recherche scientifique locale se voulant au service des besoins des enseignants, dans le respect de leur expertise pédagogique et non prescriptrice de pratiques professionnelles.
Double conférence pour démarrer la journée. Jérôme Prado, chargé de recherche au CNRL, avait pour objectif de poser avec beaucoup de clarté, le mode d’emploi de la recherche appliquée, étayé par quelques exemples.
Puis, Alice Gomez, enseignante-chercheuse au CNRS et à l’Inspé, spécialiste de l’éducation inclusive, a mis en avant des points d’alerte concernant les neurosciences cognitives au service de l’éducation. Parmi ceux-ci, les représentations sur l’apprentissage des enseignants basées sur les neuromythes, et le « neuro-enchantement » lié à des représentations d’imagerie cérébrale diffusées par bon nombre de médias. Elle a pointé le danger de fonder des pratiques enseignantes sur ces bases-là, et a rappelé huit principes éthiques en recherche, dont le risque de médicalisation de l’éducation.

Six conférences

La matinée s’est ensuite déroulée par la présentation de six conférences-flash présentant des projets de recherche «aboutis», issus d’une collaboration éducation/recherche de la maternelle à l’enseignement supérieur.

«Des ressources pour l’enseignement en physique» : Andrée Tiberghien, directrice de recherche émérite CNRS, a présenté le site Pégase destiné aux enseignants et aux formateurs impliqués dans l’enseignement secondaire de physique-chimie. Il est le fruit d’une collaboration de plus de quinze ans entre des chercheurs en didactique et des enseignants en lien avec l’IFE.

«Les dys à l’université», présentée par Audrey Mazur-Palandre, ingénieure de recherche. Après une définition de la dyslexie, elle a présenté le projet Étudys, visant à mieux accompagner les étudiants souffrant de dyslexie durant leur cursus universitaire. Cela commence par une sensibilisation sur ce trouble par un MOOC : «Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider, visant à familiariser les différents acteurs de l’université avec la dyslexie, sa prise en charge médico-sociale et les effets que ce trouble peut avoir sur la vie universitaire».

«Digitrack : accompagner l’apprentissage de la lecture avec un outil numérique». Linh Nguyen, doctorante, CNRS-INSPÉ-Lyon 1, se consacre à l’étude du comportement visuel associé à la lecture. L’outil Digitrack, qui offre une mesure indirecte de l’attention visuelle par le suivi du mouvement du doigt sur une tablette, permettra de déceler des anomalies du comportement visuel liées à des troubles ou un handicap (autisme par exemple), mais aussi à améliorer l’apprentissage de la lecture pour tous.

«L’attention à l’école, ça s’enseigne». Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche au CNRL/Inserm, consacre ses recherches à l’attention/concentration. Le projet collaboratif ATOLE, ATtentif à l’écOLE, se développe dans de nombreuses écoles depuis quelques années. Le programme, qui se compose de dix séquences « clef en main » utilisables de la maternelle à la 6ème, enseigne aux élèves comment fonctionne leur attention pour mieux la maîtriser. Face à la forte médiatisation de ce programme et aux demandes exponentielles de formation sur ce sujet, la solution d’une formation de « passeurs ATOLE » commence à prendre forme…

«Apprendre le sommeil à l’école grâce à « Mémétonpyj »». Amandine Rey, enseignante-chercheuse CNRL/Inspé a présenté le programme d’éducation au sommeil pour les enfants de l’école primaire qui s’intitule «Mémé Tonpyj». La mallette contient des enquêtes à faire à la maison pour impliquer les parents dans ce projet, des documents pédagogiques, des exercices, des dessins animés, et des bandes dessinées à utiliser en classe. Le programme traite quatre grandes thématiques : les rythmes, les rôles, les besoins et les amis et ennemis du sommeil.

«Apprendre les fractions mathématiques sur tablette, est-ce pertinent ?» Marie-Line Gardes, enseignante-chercheuse au CNRL/INSPÉ, s’intéresse à l’articulation de recherches en sciences cognitives et en didactique des mathématiques autour du raisonnement et de l’arithmétique. Math Mathews Fractions, jeu vidéo (créé par Kiupe) destiné aux enfants de 9 à 12 ans, répond à la question : comment réaliser un vrai jeu vidéo avec des contenus mathématiques en s’appuyant sur les résultats des mécanismes de l’apprentissage ?

Des ateliers

L’après-midi, les participants pouvaient choisir deux ateliers parmi quatre thématiques proposées : développer les compétences transverses / éduquer aux besoins physiologiques/ faciliter les apprentissages fondamentaux / favoriser les pratiques inclusives et la prise en compte des besoins éducatifs particuliers.

Dans un premier temps, au cours de chaque atelier, un chercheur présentait son projet de recherche en cours, collaborative « éducation / recherche scientifique », en lien avec la thématique choisie. Dans un second temps, il s’agissait d’ouvrir le débat sur la question : quels sont les besoins de la communauté éducative vis-à-vis de la recherche scientifique ?

Au retour de ces ateliers, l’enseignant-chercheur Eddy Cavalli, membre du Laboratoire des mécanismes cognitifs de Lyon 2, a apporté son éclairage sur la bibliographie, avec des propositions d’outils et de questions à se poser, en vue de vérifier la fiabilité de ses ressources.

Mots-clé

La journée s’est terminée par le retour en plénière pour la restitution des débats ayant eu lieu au cours des deux ateliers. Voici quelques mots clés significatifs de ces échanges :

  • La communication, par le biais d’une plateforme collaborative par exemple, de projets de recherche effectués dans certains établissements de la région. Cela permettrait l’accès à des ressources documentaires fiables, de mieux comprendre comment fonctionne la recherche, quelles sont ses étapes, et ce qu’elle apporte d’un point de vue pragmatique.
  • Une diversification des projets de recherche, de la maternelle à l’université
  • La co-construction de pistes et de supports pédagogiques entre chercheurs et équipes d’enseignants, dans une perspective d’innovation.
  • Le renforcement de dispositifs de formation en sciences cognitives, afin de développer les compétences des enseignants sur le « comment apprendre », socle incontournable du métier.
  • L’émergence de « formateurs/passeurs », qu’il faudrait former pour construire des ponts entre les résultats des recherches et les attentes des enseignants.

Preuve est faite qu’une prise de hauteur sur la colline de la Croix-Rousse et le signe de la convivialité, de la coopération et de la simplicité dans les relations, est tout à fait possible !

Bénédicte Dubois
Responsable de formation éducation inclusive, IFP Nord-Pas-de-Calais


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École : les vrais défis – Vérité et neurosciences, par Michel Develay

Bibliographie Sitographie Filmographie de notre n° 527, « Neurosciences et pédagogie »