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Discriminations à l’école : tout peut basculer

Samedi 17 mai, a eu lieu la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Nous sommes également dans l’année du 10e anniversaire de la création du Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire, qui réunit neuf organisations représentant l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, regroupant une fédération de parents d’élèves, cinq syndicats de personnels (enseignement public et privé), ainsi que des syndicats d’étudiants et de lycéens. A cette occasion, nous avons entendu Natacha Taurisson, coordinatrice du Collectif.

natacha-taurisson-200.jpgNatacha Taurisson, quelle impression générale gardez-vous de l’année écoulée ?
Une année, lourde, tellement lourde, avec les discussions interminables autour des lois du mariage pour tous, avec 78 % d’actes homophobes relevés en plus. On nous signale tant de jeunes mis à la porte de chez eux, lorsqu’ils ont fait leur coming out… Plus largement, il est apparu possible de proférer des insultes homophobes ou des propos racistes ouvertement. Quel gâchis. Non, ce n’est pas une année réussie sur le plan de la lutte contre les discriminations…

Les conservatismes chez nous sont très forts. Ailleurs, la loi sur le mariage pour tous est passée en une journée, voire une semaine. En France, il a fallu des mois, des débats sans fin, en mettant le feu à un pays, en faisant des gens profondément blessés. Par rapport à nombre de pays européens et d’Amérique du nord, nous sommes à la traine. Il y a plusieurs années qu’au Canada et au Québec, en Irlande, parler d’homosexualité est courant. Les enquêtes sur le vécu des jeunes en milieu scolaire sur l’homosexualité, puis sur le genre, y existent depuis longtemps, de même que des groupes de travail autour de l’école constitués d’élèves, de parents, d’enseignants, de personnalités politiques, d’associations. Sans aller très loin, en Belgique, beaucoup de publications sortent en direction des jeunes. En France, il n’existe qu’un petit groupe de travail piloté par les services de la Direction générale de l’enseignement scolaire, sur le seul projet des affiches de la campagne de promotion de la Ligne Azur de Sida Info Service. Et même dans le slogan de l’affiche on n’ose plus utiliser certains termes. Ainsi, le mot genre est banni.

Voici dix ans que le Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire existe. Quel bilan faites-vous ?
Nous sommes en colère et déçus, surtout pour ce qui concerne ces dernières années. En dix ans de combat, on avait peu avancé, mais là on a même reculé. On avait réussi avec Xavier Darcos et Luc Chatel à mettre au moins en place des campagnes d’affichage et la ligne Azur. Devant les mouvements radicaux, le lien direct avec la Ligne azur a été retirée. Les mots que l’on avait gagnés dans les documents ont été retirés. Nous attendions enfin vraiment des avancées avec le rapport Teychenné, dans lequel nous nous étions beaucoup investis, et qui ouvrait beaucoup de pistes de lutte contre les discriminations. Mais le rapport Teychenné est aujourd’hui lettre morte.

Voyez-vous tout de même des points positifs?
Le fait même d’exister encore est une victoire. Peu de collectifs de l’éducation tiennent ensemble pendant très longtemps. Sur un sujet de société aussi important pour les jeunes et les adultes de notre champ professionnel, nous voyons bien quelle peut être la détermination de nos organisations respectives à construire ensemble cette société du « vivre ensemble dans nos singularités et spécificités ». Nous avons fait de nombreuses formations, élaboré des pistes d’action à travers une « plateforme revendicative d’une soixantaine de propositions », informé tout court aussi, largement. Et puis, il y a dix ans, lorsque nous avions demandé une audience au ministre, nous avions été reçus par une personne rattachée à l’infirmerie et une autre au handicap ! Alors, oui on revient de loin… Mais avons-nous été au-delà de la simple sensibilisation de nos milieux et des politiques ?

Remise du rapport Teychenné, en présence de Vincent Peillon

Remise du rapport Teychenné, en présence de Vincent Peillon

Quel cadeau d’anniversaire ferait plaisir au Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire ?
Nous n’avons pas encore été reçus par Benoit Hamon. Quel cadeau ? Que le nouveau ministre dise « Banco, on met le rapport Teychenné en place ! ». Ce serait un vrai positionnement, une vraie politique de lutte contre les discriminations LGBTphobes en milieu scolaire. Un cadeau pour une réflexion fournie, détaillée, validée en juillet de l’année dernière par Vincent Peillon. En ce moment, des adultes, des élèves, sont victimes de LGBTphobies à l’école. Alors, travaillons très vite à mettre en place des propositions de ce rapport, pour que chacun puisse se construire tranquillement dans notre société.