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Jeunes téléspectateurs en maternelle

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C’est un petit livre très bien construit, agréable à lire. Chaque chapitre s’ouvre par une brève réflexion théorique puis propose nombre d’idées d’activités à mener avec de jeunes élèves. Ces pistes me semblent d’autant plus intéressantes que, lors de mon travail de remplaçante, j’ai pu constater que si beaucoup d’écoles possèdent le matériel nécessaire, celui-ci est souvent utilisé d’une manière fort peu éducative.

Les enseignants qui critiquent toujours beaucoup la trop grande fréquentation de la télévision et les mauvais choix des enfants comme de leurs familles offrent, dans le cadre scolaire, bien pire encore.

Ce que Maguy Chailley dit plus gentiment que moi : Certaines écoles maternelles ont été dotées de téléviseur et magnétoscope avant même qu’un projet réellement pédagogique n’ait été élaboré par l’équipe enseignante. Les utilisations qui sont faites de ce matériel sont donc limitées à des visionnages lors des jours de pluie ou à l’approche des petites vacances. Ces usages en eux-mêmes n’ont rien de répréhensibles (encore que certains visionnages collectifs mettent les enfants dans d’assez mauvaises conditions pour prendre plaisir à ces séances et mobiliser correctement leur attention) mais ils peuvent induire les familles en erreur sur les objectifs de l’introduction de la télévision à l’école (p. 115).

Pour elle, un réel travail sur la télévision participe de la lutte contre les inégalités sociales et culturelles, C’est pour cela qu’elle propose des activités liées à des projets pédagogiques :
Ces projets se justifient particulièrement lorsque l’école accueille des élèves dont la consommation télévisée est importante et où l’on constate un désinvestissement éducatif de la famille dans ce domaine.
Le projet d’école visera à aider les élèves et les familles à construire des repères, à adopter une attitude active, à maîtriser l’émotionnel engendré par les spectacles télévisés, à distinguer la réalité de la fiction, etc. (p. 131).

Car, selon elle, si tous les enfants ont l’expérience de la télévision […] des clivages existent selon que cette expérience de la télévision est intégrée dans des perspectives éducatives et échanges intergénérations, ou qu’elle est simplement un décor de la vie domestique, plus ou moins envahissant (p. 5).

Ses propositions de travail s’ancrent dans un réel projet éducatif, pour elle il s’agit d’aborder très tôt l’éducation du jeune téléspectateur pour favoriser une meilleure maîtrise de ce moyen de culture. Cela permet d’éviter que beaucoup d’enfants ne s’enferment dans des attitudes purement récréatives vis-à-vis du petit écran et ne deviennent des consommateurs passifs et leurrés par les images. Cela les aidera à établir des liens entre leur culture, dominée par l’image, et celle de l’école, dominée par l’écrit (p. 6).

Ainsi, tout au long de l’ouvrage Maguy Chailley développe l’idée que la grande machine à images qu’est la télévision n’est donc pas une simple pourvoyeuse de choses à  » voir « . Elle est proposition de sens à découvrir à travers et parce qu’elle donne à voir (p. 13) ; la télévision est ainsi une somme d’occasions pour travailler la lecture et l’analyse de l’image, les processus d’identification, de projection, le langage, les connaissances, la lecture, elle peut même être au cœur des projets d’école.

Or, cette utilisation de la télévision par l’école conduit à ce que j’appelle la  » scolarisation  » d’un objet social et de ses usages et, par là, nous entraîne vers d’importantes interrogations qui ne sont même pas entrevues dans ce livre. La télévision, objet scolaire, a-t-elle encore quelque chose à voir avec la télévision présente dans l’espace privé des familles ? (Tout comme le foot des cours de gym, ou la littérature des manuels ou le cinéma des projets scolaires, etc. ?) Je regrette qu’il n’y ait pas l’amorce d’une réflexion sur ces questions.

Il me semble que la télévision à l’école n’est, dans cet ouvrage, que l’occasion de développer une idée- force : faire passer l’enfant d’une perception liée uniquement à la sensibilité à une perception dominée par l’intelligence (p. 6).

Le travail de l’école serait bien d’éradiquer ou pour le moins de domestiquer ce que la télévision propose d’effrayant : la sensibilité, l’imaginaire, le plaisir, la passivité, le ludique, le gratuit, etc.
Face à la télévision l’école doit incarner les valeurs de la rationalité, les rappeler sans cesse. Le plaisir des sens, des images et des sons, de l’imaginaire ou des rêves que peut suggérer l’écran, n’a pas sa place dans le monde scolaire. Cet ensemble de plaisir doit s’ordonner au rationnel, à l’intellect.

Sans nier la nécessité de ce travail, n’y aurait-il pas un autre équilibre à trouver, à penser, à chercher ?

Françoise Carraud


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