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Débuter en maternelle : l’enjeu de l’accueil des élèves

Quel est le plus important pour une première rentrée en maternelle lorsque l’on est enseignant ? Il y a les questions matérielles, les apprentissages… Et si l’essentiel, pour les premiers jours, c’était de bien accueillir les élèves (et leurs parents) ?

À quoi pense-t-on quand on prépare une nouvelle rentrée ? La liste des élèves à récupérer, la classe à aérer et à aménager, le matériel à installer, les étiquettes à coller sur les portemanteaux, les étiquettes-prénom à plastifier, les photocopies des premiers coloriages, son cahier-journal tout neuf, les documents à destination des parents à imprimer, le tableau d’inscription à la cantine à coller sur la porte, quelques sacs plastiques pour les vêtements souillés, son carnet de notes pour la rentrée…

Son carnet de notes ? Oui, celui qu’on aura dans la poche pour écrire toutes les informations que les parents viendront nous délivrer juste avant de nous remettre leur trésor, auquel il faut veiller à tout instant, carnet dans lequel vous noterez notamment qui vient chercher l’enfant après la classe. Que de choses à penser avant de commencer la classe ! Et tous les ans ça recommence. Que l’on soit débutant ou plus ancien dans le métier, rien n’y fait. La rentrée, c’est la rentrée : on déborde d’activités.

Ces préparations matérielles sont nécessaires, indispensables, incontournables. Mais elles ont parfois tendance à nous détourner de ce qui se fait, ce qui se vit, ce qui se joue le jour J, celui où on ouvre la porte de sa classe aux élèves, aux parents.

Accueillir, écouter, rassurer

En effet, l’enjeu du premier jour, et de ceux qui suivent, c’est l’accueil, l’accueil de l’enfant dans l’univers scolaire et c’est l’accueil de son parent (ses parents). L’enfant doit se sentir accueilli pour avoir envie de venir, et se sentir sécurisé, écouté en tant que personne pour avoir envie de revenir et d’apprendre. Le parent doit se sentir écouté, entendu, rassuré pour pouvoir vous confier en toute sérénité son enfant. Un parent inquiet, tendu, méfiant va indiscutablement transmettre à son enfant son inquiétude, sa tension, sa méfiance, ce qui provoquera à son tour inquiétude, tension, méfiance chez l’enfant. Et bien souvent des pleurs, du refus.

Alors préparer sa classe pour les premiers jours, c’est mettre à disposition des enfants du matériel qu’ils connaissent déjà pour les rassurer (puzzle, coloriage, coins jeux symboliques, jeux de construction, pâte à modeler…) mais aussi quelques matériels nouveaux pour susciter leur curiosité. C’est accueillir individuellement chaque enfant : vous mettre à hauteur d’enfant, leur dire votre nom (en maternelle les prénoms sont souvent utilisés), les saluer, leur demander leur prénom, comment ils vont, ce qu’ils souhaitent faire, les laisser explorer la classe, (re)découvrir les copains…

C’est se présenter aux parents (n’oubliez pas de présenter l’Atsem, agent territorial spécialisé des écoles maternelles), leur demander à quel moment ils viennent rechercher leur enfant, leur expliquer comment remplir le tableau de cantine et garderie si besoin, leur présenter rapidement les lieux, les horaires (un affichage grand format peut faciliter les choses), où et comment se passe le retour après le repas si l’enfant mange à la maison, etc. C’est prendre note des informations qu’ils vous donnent même si celles-ci vous paraissent anodines : un parent qui vous verra noter se sentira écouté et rassuré. Si certaines informations vous semblent trop personnelles, proposez-leur un rendez-vous pour en discuter au calme.

Locaux, déco, portemanteaux

L’enfant doit se sentir attendu dans ces lieux que sont l’école et la classe. Pour ce faire, vous pouvez avec vos collègues décorer l’entrée, les couloirs. Mais surtout, avoir inscrit son prénom sur le portemanteau est un acte symbolique important (à ce propos, une astuce qui facilitera la vie de tout le monde, installez les portemanteaux par ordre alphabétique des prénoms des élèves). Lui proposer de mettre son étiquette-prénom sur le tableau des présents en est un autre, apprendre rapidement son prénom également. S’il est nouveau dans la classe, ou s’il entre pour la première fois à l’école, il est essentiel qu’il puisse se repérer, identifier où sont les toilettes, la salle de sieste, la cour de récréation, la salle de motricité par rapport à la classe. Cela nécessite une visite individualisée ou en petit groupe. Si possible faites-le avec les parents. Proposez aux parents d’accompagner leur enfant aux toilettes avant d’entrer en classe : ça rassurera l’enfant d’aller une première fois en ce lieu avec quelqu’un qu’il connaît.

Il est important que les parents ne partent pas en catimini : demandez-leur de dire au revoir à leur enfant, qu’ils expliquent qu’ils vont revenir pour le repas ou en fin d’après-midi (après la sieste et les activités). Pour un jeune enfant, entendre son parent lui dire qu’il va revenir le chercher en fin de journée est essentiel, même s’il a l’habitude de l’école. Expliquez-leur rapidement le déroulé type de la journée pour qu’ils aient une vision globale de ce qui va se passer.

Demandez rapidement aux parents une autorisation de photographier leur enfant pour les activités pédagogiques de la classe. Avec leur accord, vous pourrez même photographier l’enfant dans leurs bras, photo qui figurera sur la première page de son cahier de vie. A ce propos, privilégiez l’utilisation d’une tablette ou de l’appareil photo de classe, plutôt que votre portable personnel (ce dernier n’est pas un outil professionnel et en cas de casse personne ne vous le remboursera. Sans oublier le respect du RGPD, règlement général sur la protection des données).

Un enfant qui s’agite, crie, jette du matériel, même devant ses parents, vous devez intervenir ! C’est vous le maitre, la maitresse des lieux. Calmement mais fermement, mettez-vous à sa hauteur et expliquez-lui qu’il ne peut courir, crier, jeter du matériel dans la classe, expliquez-lui pourquoi (le bruit, le danger que cela représente), demandez-lui de ramasser le matériel, de le ranger. Si besoin aidez-le, mais ne faites pas à sa place. Une attitude ferme et bienveillante rassurera tout autant les parents.

Se préparer aux pleurs

Certains enfants pleurent à l’entrée en classe, dès le premier jour ; d’autres attendent le lendemain pour décharger leur anxiété. Il faut vous y préparer. Dans la grande majorité cela ne dure pas. Une fois les parents partis, l’enfant se calme. Mais il est essentiel de ne pas le laisser pleurer seul au milieu du groupe. Les pleurs, c’est contagieux ! Après l’avoir rassuré, il est essentiel de lui proposer une activité motrice, un jeu, une chanson, une lecture, de visiter la classe avec lui en lui tenant la main et en commentant les lieux (« Regarde, ici c’est le coin bibliothèque. Veux-tu t’asseoir et lire un livre ? Regarde, Margot est en train de dessiner. Oh c’est joli ce qu’elle fait. Tu veux faire comme elle ? ». Bien souvent ces interactions suffisent à calmer les larmes. Recourir au doudou est aussi une stratégie efficace ! La sécurité affective des enfants en maternelle est tout aussi essentielle que leur sécurité physique. Et votre présence physique à leur côté est rassurante pour eux.

Une fois le dernier parent parti, la porte de la classe fermée, installez-vous au coin regroupement et commencez à chanter des comptines, des chansons connues des enfants. Très vite, ils vous rejoindront et vous pourrez commencer un premier regroupement. N’y passez pas trop de temps, mais saluez tout le monde, rappelez votre prénom, présentez l’Atsem, expliquez le déroulé de la journée (sans entrer dans les détails), proposez des jeux de doigts et de mains, apprenez-leur une première chanson, attention avec les TPS (toute petite section) et PS (petite section), il leur faudra du temps avant de comprendre votre intention pédagogique), racontez-leur ou lisez-leur une première histoire (une histoire proche de leur vécu parce qu’à leur âge les histoires trop abstraites sont déroutantes).

Puis, partez en motricité ou proposez-leur des activités libres c’est-à-dire des activités qu’ils choisiront : coins jeux symboliques, pâte à modeler, coloriage, jeux de construction, jeux de société pour les grands, enfilage de perles, etc. L’essentiel est de construire une relation avec le groupe, avec chacun dans le groupe. Observez-les en train de jouer, allez jouer avec eux. Profitez-en pour travailler le « langage dans toutes ses dimensions ». N’intervenez sur les règles de vie de classe (respect du matériel, sécurité, …) que si l’activité réalisée n’est pas adaptée. A ce propos, attention aux plus jeunes qui ne connaissent pas encore les perles, la pâte à modeler, et qui mettent tout à la bouche. Les premiers jours, évitez les activités salissantes comme la peinture, car certains enfants sont tétanisés à l’idée de se salir et ce type d’activité provoque des blocages dont il est ensuite difficile de se débarrasser.

Dans la cour avec eux

Les premières récréations (c’est-à-dire durant une semaine ou deux), il est important que vous soyez dans la cour, même si ce n’est pas votre temps de service inscrit sur le planning. Vous êtes devenue la personne de référence pour les nouveaux élèves, et ils ne connaissent pas encore vos collègues. Il est donc important pour eux que vous soyez présente. Certains enfants voudront vous donner la main. Là encore, sachez que l’essentiel est d’assurer leur sécurité affective. Alors donnez-leur la main, puis incitez-les gentiment à aller jouer au bac à sable, au toboggan… mais ne les y forcez pas !

Les plus jeunes (TPS, PS) n’ont pas encore construit la notion de collectif : inutile de leur demander d’aller jouer avec quelqu’un s’ils ne le font pas d’emblée. Par contre vous pouvez leur proposer du matériel pour jouer seul : tricycle, pelle et seau, matériel de cour… Pour eux, il est parfois préférable d’organiser une récréation avec votre classe seule : cela peut éviter le retour des pleurs s’ils voient les grands frères ou sœurs, cela évitera les bousculades avec les plus grands qui courent dans tous les sens ou font du vélo, le temps que vos élèves se repèrent dans l’espace de la cour. Il est également possible de diviser la cour en deux : un coin calme et un coin pour ceux qui ont besoin de se défouler !

Montrer parfois son visage

Penser l’accueil avec un masque sur le nez est une gageüre. Des études récentes ont montré combien ce masque avait un impact sur le développement des tout-petits, sur leur construction de l’altérité, de leur relation au monde, sur l’acquisition du langage. Sachez que pour les plus jeunes, qui sont encore peu sortis du cocon familial ou qui viennent de passer plusieurs mois dehors, ce masque peut faire peur. À l’accueil, il semble important de pouvoir montrer votre visage ne serait-ce que quelques secondes pour que l’enfant et ses parents sachent qui se cache derrière.

Trouvez également dans la journée des moments propices (dans la cour, à distance des élèves) pour montrer votre visage, votre « vrai visage ». Si vous le pouvez, procurez-vous des masques inclusifs transparents (à vos frais puisque notre administration, malgré ses discours, ne nous les fournit pas), que les élèves puissent voir votre bouche bouger, votre sourire s’épanouir (même si l’on sourit aussi avec les yeux !).

Une journée à l’école, c’est fatigant pour les enfants (pour nous aussi d’ailleurs), même s’ils se sont couchés tôt la veille au soir. Alors n’hésitez pas à alterner les rythmes, un temps plus calme après la motricité, après la récréation, en proposant par exemple des chansons, des comptines, une histoire racontée, une écoute musicale, des jeux calmes… De même si vous sentez que la classe commence à s’agiter, c’est qu’il est temps de modifier son organisation, de changer d’activité. Le retour en classe après deux mois de vacances, les GS et les MS (grande section et moyenne section) ont perdu l’habitude de rester concentrés : il leur faudra quelques jours pour reprendre le rythme.

Et puis une journée, ça passe vite, vous verrez !

Rachel Harent
Professeure des écoles et autrice de Bien débuter en maternelle
Photos: Rachel Harent

Sur la librairie:

Rachel Harent, Bien débuter en maternelle, Canopé et Cahiers pédagogiques, 2020.

Faire une première rentrée à l’école maternelle en tant qu’enseignant, que l’on soit stagiaire, néotitulaire ou professeur des écoles plus expérimenté venant de l’élémentaire, invite à se questionner : par où commencer ? Comment accueillir ses élèves ? Comment accueillir les parents ? Comment organiser l’espace classe ? quelle relation avec l’ATSEM ? quels projets mettre en œuvre ? Quels sont les essentiels de la pédagogie en maternelle ? Comment travailler en équipe ?

Vous trouverez dans ce livre des réponses, des pistes, des outils, des propositions pour développer postures et gestes professionnels, pour optimiser vos pratiques de classe, et aussi prendre du recul.