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Au-delà du divertissement bon enfant dans lequel elles sont souvent cantonnées, les pratiques théâtrales peuvent allier plaisir et contraintes pour libérer l’imaginaire et entrer dans de nouveaux univers culturels.

L’initiation pratique du théâtre commence par des dispositifs de jeux collectifs et d’exploration dont certains convoquent la langue, d’autres non, et durant lesquels les élèves vont être conduits à expérimenter des situations très variées : jouer avec sa voix, nommer des émotions, reconnaitre les effets produits sur un plateau, « lire » le corps dans l’espace, créer des lieux imaginaires, des personnages, dire dans un chœur… Dans cette recherche, chacun a le droit à l’erreur, peut recommencer, faire de nouvelles propositions, rien n’est définitivement installé. Le plaisir du jeu est évident mais en même temps, les premières contraintes s’affirment : l’écoute et la mise en œuvre des consignes, le respect des propositions d’autrui en petits groupes ou en grand groupe, l’observation critique et néanmoins bienveillante des enfants spectateurs.

C’est dans le respect de ces contraintes que l’accès à l’imaginaire est possible et que le projet collectif est envisageable.

La mise en voix et en espace de textes courts est également importante dans cette période où l’on travaille la musicalité de la langue dans l’exploration des sonorités d’un mot ou d’un texte, dit à plusieurs voix, avec des variations sonores. Jean Tardieu, Jean Claude Touzeil sont des auteurs qui trouvent tout naturellement leur place dans ce travail. Les critères d’audibilité et d’expressivité sont élaborés collectivement au cours de situations de courtes lectures adressées à un public de proximité : lecture à voix haute au groupe, lectures à d’autres groupes.

Au cours de cette période enfin, les premières mises en voix et en espace pourront être présentées à un public de connivence : petites fictions muettes, lectures théâtralisées, saynètes, tableaux vivants…
La voix d’un récitant, seul ou en chœur, peut accompagner la formation d’images. Par exemple le début du Long voyage du Pingouin vers la jungle de Philippe Nordmann se prête bien à la recherche d’images : la banquise, les pingouins, le vent, le froid… Une voix off qui commente…

Des textes pour la jeunesse

Après cette « entrée en théâtre », le projet peut être proposé aux élèves. Il va s’étendre sur les mois suivants. Le théâtre contemporain pour la jeunesse offre aujourd’hui des textes abordables, il est parfois nécessaire d’en sélectionner des extraits pour que le projet soit réalisable : les élèves ne doivent pas être débordés par la mémorisation du texte et l’éducateur ne doit pas avoir à résoudre de trop grands problèmes de mise en scène.

Les rôles sont essayés par tous : laissons les garçons essayer les rôles de mère, de vieille femme, de princesse, et les filles incarner les soldats, les rois autoritaires, les « ogrelets ». Les enfants s’enrichissent de ces expériences et choisissent ensuite de jouer plutôt tel ou tel personnage en connaissance de cause. On peut faire jouer un même personnage par plusieurs enfants. Ce choix a l’avantage de valoriser tous les élèves, y compris les plus timides.

Une ouverture nécessaire vers l’extérieur

Si on le peut, travailler avec un comédien constitue un véritable souffle dans la classe. Son expérience de la scène permet à la classe de découvrir de nouvelles pistes d’exploration et ses conseils artistiques sont précieux en matière de scénographie ou de mise en scène.

Et si on peut emmener les enfants au théâtre, dans cette fréquentation du spectacle vivant se construisent des références qui permettront de réinvestir le projet. C’est un véritable processus d’appropriation qui s’opère, quand la sortie est préparée en amont et exploitée en aval de la représentation.

De l’angoisse au plaisir

Puis vient la présentation des travaux, dans une salle qui doit au moins permettre une écoute attentive. Le décor est minimal : un plateau nu fait l’affaire, avec peut-être quelques accessoires placés ici ou là pour les besoins du jeu. Les enfants n’utilisent pas nécessairement des coulisses : ils peuvent être toujours présents sur scène dans des chœurs. S’ils sont en retrait par rapport au jeu, leur présence accompagne le jeu de leurs pairs.

Les enfants, comme les adultes, ont le trac avant de jouer devant un public. Certains ont vraiment très peur d’affronter le regard des spectateurs, surtout si leurs parents sont là.

Mais quand tout est terminé, quel changement ! L’euphorie qui surgit spontanément s’estompe progressivement pour laisser place à une profonde satisfaction : celle d’avoir tous ensemble réussi à mener un travail à son terme, avec ses réussites, ses imperfections ; d’avoir partagé des émotions fortes, ce qui n’est pas si fréquent.

C’est sans doute ce plaisir-là qui est fondateur dans les apprentissages. Et l’on peut espérer un effet boomerang sur leur envie de lire, et plus généralement d’apprendre.

Catherine Lebreton
Professeure des écoles et maitre formateur, Saint-Pavace (Sarthe), et IUFM des Pays de la Loire.