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Semaine de 4 jours ou 4 jours et demi : ne renonçons pas à l’éducation populaire!

Les comparaisons internationales sont formelles, la France est l’un des pays développés dans lequel l’origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire des élèves. La France est aussi le pays où les diplômes sont les plus déterminants pour l’insertion et la réussite professionnelles des individus. En conséquence, la France est l’un des pays où les chances d’ascension sociale d’un enfant d’origine modeste sont les plus faibles !

Malgré la massification de l’école, le milieu social d’un enfant demeure un déterminant fondamental de la réussite. La lecture régulière, l’attention à la transmission entre les parents et leurs enfants, l’aisance sociale et la capacité à s’exprimer en public se révèlent, dans le cadre de l’école, un avantage décisif. Ces éléments expliquent l’essentiel des variations observées dans les parcours scolaires.

C’est en ce sens que les activités péri et extrascolaires peuvent être un puissant levier de réussite de tous les élèves. En complément de l’École à laquelle revient prioritairement la tâche de lutter contre les inégalités, les activités périscolaires constituent l’un de ces temps éducatifs où les enfants découvrent autrement des sports, des arts, des sciences… L’un de ces temps où les enfants développent des compétences transférables, d’ordre moteur, socio-affectif, relationnel et cognitif, essentielles à leur développement et mobilisées en classe.

La France est aussi le pays où l’organisation du temps scolaire à l’école primaire est la plus préjudiciable aux apprentissages. Le retour de la semaine de quatre jours concentre le temps scolaire sur des longues journées de six heures et impose aux enfants l’année scolaire la plus courte du monde (moins de 140 jours d’école par an), pénalisant plus particulièrement les enfants des milieux populaires qui ont besoin, plus que tous les autres, d’un temps scolaire de qualité pour réussir à l’école. La France fait exception en Europe et dans le monde. Plusieurs pays consacrent l’après-midi à des activités sportives ou de loisirs. En France, les activités péri et extrascolaires peinent à trouver toute leur place dans une semaine de classe dont l’organisation a été modifiée à trois reprises depuis 2008.

Alors que la France faisait partie des pays d’Europe où la proportion d’écoliers suivant des activités périscolaires était la plus faible (13 % en primaire), elle a triplé son offre en deux ans. En 2015, après la généralisation de la semaine de quatre jours et demi, 3,6 millions d’enfants étaient accueillis en accueils collectifs de mineurs ; en 2013, ils étaient moins d’un million. Ce mouvement a bénéficié à tous, jusqu’aux enfants des milieux populaires. Ce n’est pas le moment d’y renoncer !

Pour la première fois de manière massive, tous les acteurs territoriaux des «temps de l’enfant» (école, collectivités territoriales, associations, enseignants, élus, animateurs, parents d’élèves…) ont été amenés à se concerter sur des projets éducatifs partagés. Pour plus de la moitié des communes interrogées par l’Association des maires de France (enquête novembre 2017), le projet éducatif de territoire (PEdT) a permis d’installer un espace de concertation avec les acteurs locaux en vue de développer une politique éducative concertée.

Dans le meilleur des cas, le PEdT permet de lever les freins culturels et d’organiser la mixité des publics en prenant en compte la question de l’accès : réflexion sur les tarifs, les transports, l’information etc. Bien menées, les concertations conduites dans ce cadre abordent aussi la place des parents, notamment les moins à l’aise avec l’école, intègrent les activités extra scolaires du mercredi après-midi et des vacances scolaires (colonies, centres de loisirs et mini-camps, scoutisme), autant d’expériences humaines et sociales qui forgent l’élève et le citoyen.

Aujourd’hui, cinq ans après la mise en œuvre de la réforme des rythmes, près de 80% des communes reviennent à la semaine de quatre jours et s’apprêtent à renoncer à cette dynamique partenariale avec les associations d’éducation populaire et les familles. La période est cruciale : l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) finalisent la convention d’objectifs et de gestion (COG) par laquelle ils s’engagent à accompagner les familles ; les collectivités procèdent aux derniers arbitrages budgétaires pour la rentrée 2018/2019.

C’est pourquoi, nous, associations d’éducation populaire, engagées dans l’organisation d’activités éducatives pour tous et représentants des parents d’élèves, appelons les pouvoirs publics à collectivement relever le défi et leur demandons de consacrer les financements publics permettant de :
• poursuivre l’investissement de la nation en faveur des activités éducatives sur tous les temps de l’enfant ;
• amplifier les dynamiques territoriales de concertation entre élus, enseignants, parents d’élèves, acteurs associatifs, enfants et jeunes, pour mobiliser toutes les ressources éducatives des territoires par l’élaboration concertée de projets éducatifs locaux ;
• renforcer la qualité des apprentissages en développant la formation de tous les acteurs éducatifs et l’amélioration continue de l’accueil des enfants et des jeunes sur l’ensemble des espaces et temps éducatifs (centres de loisirs éducatifs, pause méridienne, garderie périscolaire, etc.).

La massification d’activités périscolaires, inscrites dans des projets éducatifs territoriaux partagés, est une des clés pour lutter contre les inégalités à l’école qui sapent, depuis des décennies, les fondements de la République.

Ne rebroussons pas chemin, allons encore plus loin.

Nadia Bellaoui
Secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement

Marie-Aleth Grard
Vice-présidente d’ATD Quart-Monde

Hélène Grimbelle
Présidente du Collectif des associations partenaires de l’école (CAPE)

Liliana Moyano
Présidente de la FCPE

Irène Péquerul
Déléguée générale de la Fédération nationale des Francas


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