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Dans le monde de l’éducation tout va bien parait-il, enfin globalement, car dans les détails il y a bien quelques aspérités et mouvements. La revue de presse regarde aussi du côté de l’enseignement supérieur et des inquiétudes liées à la pandémie pour la scolarisation des enfants.

Illustration de Fabien Crégut

Globalement tout est sous contrôle

« Pour le ministre de l’Éducation nationale, 10 % des enseignants sont actuellement absents et le remplacement parvient « globalement » à se faire. » rapporte vousnousils qui relaie un autre chiffre avancé par le ministre : « 90% des FFP2 « sont sur le terrain » ».

Le constat est loin d’être partagé selon Ouest France : « Les représentants du syndicat expliquent avoir appelé « au hasard, ce (jeudi) matin, 40 écoles, collèges et lycées de toute l’académie ». Résultat : « Dix-huit établissements sur 40, soit 45 %, ont reçu des masques chirurgicaux ; un sur 40, soit 2,5 %, a reçu des masques FFP2 ; sur les 21 établissements à nous donner des chiffres sur le remplacement, depuis le 3 janvier, 86 enseignants ont été absents sans être remplacés au moins une journée. »

Côté qualité des remplacements, les échos ne sont pas non plus enthousiastes : « « Les enfants étaient debout sur une chaise » : quand les contractuels appelés en renfort dans les écoles sont dépassés » relate France-Info.

Mais c’est sans doute un détail, tout comme les expressions partagées sur les réseaux sociaux sur les fatigues ressenties par les parents et les enseignants face à la gestion de la crise sanitaire. Libération est allé voir dans un lycée parisien la réalité de la gestion du protocole sanitaire. « Dans ce lycée du IIIe arrondissement, où 265 des 1 400 élèves ont été testés positifs au Covid depuis la rentrée de janvier, il n’y a plus d’infirmière scolaire depuis le 17 décembre. Celle qui occupait le poste à temps plein n’a pas été remplacée après son départ à la retraite. » (réservé aux abonnés)

Concernant l’impact de la réforme du bac sur le choix des filles de se diriger vers une filière scientifique, là c’est Jean-Michel Blanquer qui conteste les données présentées en particulier dans Libération : « Avant la réforme, les terminales S comptaient presque une moitié de filles (48,4 %), qui faisaient des mathématiques à un niveau intensif. En 2021, selon les dernières données disponibles, elles n’étaient plus que 38,6 %. » Que nenni réplique le ministre : « les chiffres qui sortent ne sont pas exacts et mélangent des choux et des carottes. La réalité, c’est qu’on est en train de renforcer les mathématiques ».

Mais dans les détails …

Mélanger les choux et les carottes, globalement ou dans les détails ? Dans les détails, la presse quotidienne régionale compte les prévisions de fermetures de classe  à la rentrée prochaine: 4 classes dans le pays fléchois, 4 dans le secteur de Quimperlé, 22 dans le Loir et Cher.. . La liste est trop longue pour citer toutes les annonces et toutes les mobilisations locales concernant la carte scolaire.

« Près de 170 rassemblements ont eu lieu un peu partout en France, jeudi. La hausse des salaires pour compenser l’inflation est la première des revendications de cette mobilisation interprofessionnelle. » explique le Monde qui dans un autre article se penche sur la réalité salariale des enseignants. « La manière la plus simple de mesurer le déclassement est le salaire, qui est lui-même un indicateur de la position sociale des enseignants par rapport à d’autres professions. En euros constants, il a baissé entre 15 % et 25 % depuis le début des années 2000. »

Sur cette question des salaires, Claude Lelièvre propose une analyse historique « Lorsqu’en 1913 l’écrivain Charles Péguy a lancé l’expression « hussards noirs de la République » qui allait faire florès pour désigner les enseignants du primaire (mais qui concernait pour lui seulement les élèves-maîtres des écoles normales de son enfance) les instituteurs en France gagnaient – déjà – deux fois moins que leurs homologues d’Allemagne. »

Les manifestations de janvier sont aussi l’occasion de mesurer la capacité des syndicats à peser dans le débat éducatif : « La mobilisation observée le 13 janvier montre que les syndicats de l’éducation, qu’on dit parfois à bout de souffle, demeurent un vrai contre-pouvoir. », lit-on dans La Croix.

« Est-ce que l’école fonctionne bien en France ? 53 % des Français considèrent que non, l’école fonctionne « assez mal » voire « très mal ». Parmi les enseignants, le pourcentage grimpe à 76 % ! », l’enquête commandée par le Sénat semble contredire le « globalement » bilan positif claironné par Jean-Michel Blanquer.

Le bac et les élites

Du rififi dans les lycées élitistes parisiens qui rejoignent la procédure Affelnet en vue de la rentrée prochaine. « Alors que les premiers effets de la réforme d’Affelnet, entamée en 2020, se font sentir sur la mixité sociale et scolaire, une nouvelle étape vient d’être franchie avec l’intégration de deux lycées publics, Louis-Le-Grand et Henri IV, qui recrutaient jusqu’ici sur dossiers. Ils devront renforcer l’accueil d’élèves issus de collèges parfois défavorisés » explique l’Étudiant. « On s’attaque à des siècles d’excellence !» : à Henri IV et Louis-le-Grand, la fin de la sélection inquiète » s’alarme Le Figaro (réservé aux abonnés).

Du remue-ménage autour des épreuves de spécialité du bac. Reportées, pas reportées ? Jeudi, sur le site du JDD, « Inspirateur de la réforme du lycée et du bac, Pierre Mathiot prône plutôt un aménagement. ». « Reporter les épreuves de spécialité aurait des effets négatifs » (article réservé aux abonnés). Patatras, le lendemain, le ministère annonce le report en mai des épreuves. « Le report des épreuves écrites de spécialité du bac répond à une demande de toutes les organisations syndicales qui se disent d’ailleurs heureuses d’avoir été entendues. Car en pleine 5e vague du Covid-19, alors que plus de 20 000 classes sont fermées en France, il paraissait impossible de maintenir le calendrier initial. », explique RFI.

Entre global et détails, les travaux continuent

Lundi 24 janvier, Jean-Michel Blanquer était à Tourcoing. « À cette occasion, il rencontrera les élèves et les enseignants des classes médias du collège et ceux qui participent aux différents projets de podcasts et de WebTV. » annonçait le site du Ministère. L’EMI (Éducation aux Médias et à l’Information) devait être à l’avant-scène.

« En opération diversion à Tourcoing, Jean-Michel Blanquer multiplie les messages et fait une (petite) annonce », la Voix du Nord résume ainsi la visite avec en conclusion une pointe ironique. « Cet encouragement salutaire à cette éducation-là contraste avec la séquence au cours de laquelle nous avons dû sortir, nous médias, à la demande express des services du ministre quand celui-ci a rencontré des enseignants durant une trentaine de minutes. »

Après l’EMI, les langues. « Élever le niveau général des élèves » avec « un souci de justice sociale et de transmission de l’humanisme » : le ministère de l’Education a lancé lundi 24 janvier le Conseil supérieur des langues, dans le but d’améliorer l’apprentissage des langues anciennes et vivantes, qu’elles soient étrangères ou régionales. » signale le Figaro.

Mais pas d’inquiétudes, ces initiatives seront sans doute passées à la loupe d’experts aiguisés. Quoique ! « L’audition par la commission d’enquête sénatoriale du cabinet de conseil Mc Kinsey a livré à la connaissance de toutes et tous, le coût d’une étude demandée par l’Éducation nationale sur les évolutions de la profession enseignante : 496 800 euros. » explique Paul Devin dans son blog. Et les résultats des travaux sont plutôt décevants voire inutiles. « L’audition par la commission d’enquête sénatoriale du cabinet de conseil Mc Kinsey a livré à la connaissance de toutes et tous, le coût d’une étude demandée par l’Éducation nationale sur les évolutions de la profession enseignante : 496 800 euros. »

La méditation est-elle une fausse bonne solution pour apaiser les esprits dans les débats comme à l’école ? « La méditation de pleine conscience promet aux enseignants et aux parents « d’augmenter les capacités d’attention des élèves et d’aider à leur stabilité intérieure ». Alors que le Conseil scientifique de l’Education nationale lance une réflexion sur le sujet, plusieurs associations et syndicats montent au créneau. », explique France Inter.

En campagne

La campagne présidentielle, c’est aussi l’heure du bilan. RFI a consacré une émission (disponible à la réécoute) au « bilan éducation de la présidence Macron ». « Au-delà de la grande désorganisation et des polémiques causées par la pandémie de Covid-19, quel est vraiment le bilan Éducation de la présidence Macron, dont le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer a battu les records de longévité sous la Vème République ? ». Julie Benetti, Éric Charbonnier, Pierre Merle et Béatrice Laurent étaient invités à débattre autour de cette question.

Sur son blog, Olivier Lestang quant à lui s’interroge « Education : quel gouvernement pourrait réparer les dégâts du quinquennat Blanquer ? »

Les promesses et discours de campagne fleurissent. « Le candidat écologiste à l’élection présidentielle Yannick Jadot a promis de « réinvestir dans l’enseignement supérieur » dont il a dénoncé la précarisation, lundi 24 janvier, lors d’un débat organisé par des étudiants de l’université parisienne Panthéon-Sorbonne. » rapporte Le Figaro.

Au micro de France Info, Fabien Roussel, « Le candidat communiste à l’élection présidentielle veut augmenter le temps passé à l’école mais mettre fin aux devoirs à la maison. Il préconise également l’augmentation des salaires des enseignants et la baisse du nombre d’élèves par classe »

Libération a épluché les programmes : « Hausse des salaires d’entrée, dégel du point d’indice, changements d’échelon… Alors que la profession s’est mobilisée ce jeudi, tour d’horizon des propositions des candidats à la présidentielle sur cet enjeu salarial majeur. »

Et sur le fond ? Sur son blog, Christophe Chartreux déplore « Éducation/Présidentielle 2022 – Des projets timides concernant l’éducation et la notion de « programmes ».

En marche pour le supérieur

L’émission « Le temps du débat «  co-organisée par La Croix et France Culture s’est penchée sur l’Université : « E. Macron en déclarant qu’on ne pouvait pas « rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’avait aucun prix » a replacé l’université au cœur des débats, déjà alimentés par la critique de Parcoursup – qu’A. Hidalgo ou J-L Mélenchon veulent supprimer. Qu’attend-on de l’université ? »

Simone de Colle s’interroge dans The Conversation « L’ubérisation mondiale de l’enseignement supérieur est-elle éthique ? ». Et elle avertit : « Si l’ubérisation du secteur de l’éducation, à travers les continents, est un phénomène réel, nombre d’institutions d’enseignement supérieur devraient s’inquiéter du fait que leurs relations contractuelles avec les professeurs vacataires temporaires pourraient potentiellement présenter certains risques juridiques n’étant pas sans rappeler ceux auxquels Uber est confronté avec ses chauffeurs. »

Educpros s’alarme des effets du COVID sur la carrière des femmes dans l’enseignement supérieur et la recherche : « Les femmes dans l’enseignement et la recherche n’ont pas été épargnées par cet impact de la crise sanitaire sur leur carrière. Lors du confinement, les chercheuses ont eu moins de temps que les hommes pour accomplir les tâches favorisant la visibilité de leurs travaux (rédaction d’articles, direction de recherches, participation à des visio ou audio-conférences, réponse à des appels d’offres), avec d’importantes répercussions sur l’avancement de leur carrière. »

A Toulouse, l’enseignement supérieur se déchire : « La communauté universitaire toulousaine a-t-elle réactivé la machine à perdre ? Après le camouflet de la perte de son label Idex (initiative d’excellence) en 2016, ses dirigeants se déchirent autour du PIA 4 (programmes d’investissements d’avenir) », relève EducPros.

Frédéric Bamas, père d’une étudiante en médecine dénonce dans Figarovox les nouvelles modalités de sélection : « À l’Université de Paris, on atteint le summum de l’absurdité : deux oraux arbitraires et improvisés de 10 mn, sans rapport avec un cursus médical, comptent pour 72 % de la note finale d’un étudiant en médecine, annihilant 15 heures d’examens écrits évaluant des milliers d’heures de travail sur 12 matières, qui eux, ne représentent que 28 % de cette même note. »

Des débats donc, divers et variés, mais dans lesquels Parcoursup tient encore la vedette à l’occasion d’un rapport de l’inspection sur le dispositif. « Les lycéens ont fait des projets « cohérents » avec les formations de l’enseignement supérieur l’an dernier, se félicite-t-on au ministère de l’Education nationale. Mais deux études, publiées cette semaine, montrent que les vieux réflexes de la série S ont la vie dure. Et que les formations du supérieur trient parfois les dossiers en méconnaissant la réforme du lycée et les règles de Parcoursup. » lit-on dans les Echos qui relève dans un autre article : « Dans l’enseignement supérieur, la réforme du lycée n’est pas toujours bien comprise ».

L’éducation, si précieuse et si fragile

TV5 Monde relaie les inquiétudes de l’Unicef concernant les effets de la pandémie sur les enfants, partout dans le monde : « Dans de nombreux pays, ces perturbations, en plus d’avoir privé des millions d’enfants de l’acquisition de compétences de base, ont affecté leur santé mentale, augmenté leur risque de maltraitance et empêché beaucoup d’entre eux d’avoir un accès à « une source régulière de nutrition ». »

« Pour des millions d’élèves à travers le monde, la fermeture des écoles ne signifie pas un simple arrêt temporaire de l’éducation, mais l’arrêt complet de la scolarisation. À ce titre, l’UNESCO rapportait déjà à la fin de l’année 2020, le risque pour 11 millions de filles de ne pas retourner à l’école suite aux fermetures dues au COVID-19. Ce nombre s’ajoute alors aux 130 millions de filles, sur un total de 258 millions, déjà déscolarisées avant la pandémie. », explique Mégane Ghorbani pour le Huffingtonpost.

L’importance de l’école et de sa démocratisation, et en particulier pour les filles, Michel Debon de Beauregard en témoigne au travers de son engagement auprès de Solidarité Laïque. « « J’ai démarré une nouvelle carrière à la retraite. Ce qui m’intéresse, c’est changer le monde par l’éducation au sens large, formelle et informelle. D’où mon investissement. », explique-t-il dans le portrait qui lui est consacré.

L’engagement est sans doute une des clés pour préserver et démocratiser l’éducation. La revue internationale d’éducation de Sèvres se penche sur ce qui s’apprend avec l’engagement. « Si l’éducation à la citoyenneté est une mission traditionnellement confiée à l’école, elle s’opère également à travers une pluralité d’expériences d’engagement dans et hors de l’école. »

Et pourquoi pas la didactique comme support de démocratisation ? C’est ce que développe Samy Johsua, professeur émérite en sciences de l’éducation dans un entretien pour le site Mouvements « Si une école pleinement démocratique semble un objectif inatteignable dans une société inégalitaire, la capacité de se saisir des contenus comme de la transmission des savoirs n’en représente pas moins un enjeu fondamental du progrès social. »

La revue de presse a été concoctée par Monique Royer à partir de la veille de Bernard Desclaux et illustrée par Fabien Crégut.

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Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N° 572 – Entretiens en milieu scolaire, novembre 2021

Coordonné par Michèle Amiel et Anne-Marie Cloet-Sanchez

L’entretien est une forme d’échanges avec les élèves, les familles, les collègues, les personnels ou les stagiaires, etc. Entre souci de relation et exigence d’efficacité, son exercice montre que c’est une compétence qui peut se développer, et devenir même un réel support des apprentissages pour chacun.

 

N° 571, L’alimentation et l’école, octobre 2021

Coordonné par Hélène Limat et Alexandra Rayzal

L’alimentation, un thème aussi essentiel à la vie que marginal à l’école ! Et pourtant il apparait dès qu’on s’interroge sur le fonctionnement du système scolaire dans bien des aspects : le bienêtre des élèves, l’organisation des établissements, les codes et règles, les représentations, les savoirs enseignés et les contenus d’enseignement.

Quelle place prend l’alimentation dans nos salles de classe, nos établissements, nos thématiques et nos cours ?