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Revue de presse du 22 mai 2021

 

Longueur ou langueur ? / Effets COVID / Univers Sup / Bulles

Quatre ans, oui quatre ans, que retiendra-t-on du règne Blanquer sur l’Éducation Nationale ? Des annonces, des dénis, des conflits ? Le COVID marquera certainement nos mémoires personnelles et éducatives, laissant des traces surtout là où l’école peine à imposer sa primauté face à la précarité, à l’impératif de la survie. Cette semaine aussi, visite dans les méandres de l’enseignement supérieur, terre de contrastes. Et des bulles offertes par la réflexion et la créativité. Bonne lecture.

Illustration Fabien Crégut

Longueur ou langueur ?

Quatre ans, purée quatre ans ! Jean-Michel Blanquer se rapproche des records de François Bayrou et Christian Fouchet à la tête du Ministère de l’Éducation Nationale. Claude Lelièvre, historien de l’éducation, met à profit cet anniversaire pour revenir sur l’action des deux champions de la longévité ministérielle.

Quelle trace laissera l’occupant actuel de la rue de Grenelle sur les tablettes de l’histoire ? Certainement pas d’avoir été le promoteur des langues régionales.  « La saisine du Conseil constitutionnel est un sujet de salut public », considère-t-on dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer, propos relayé par l’Opinion. L’entourage est servi, le Conseil Constitutionnel a mis son veto sur l’enseignement immersif de ces langues.

Retiendra-t-on la litanie des cafouillages, l’enfilade de dénis, la collection de défiances ? Illustration encore cette semaine avec le grand oral. Sur le site d’Alternatives Économiques, Philippe Watrelot, qui réitère son intérêt pour « le développement de la compétence s’exprimer à l’oral » tout en regrettant que l’épreuve soit cette année maintenue, coûte que coûte. « Toutes ces remarques montrent que si l’idée est pertinente, sa mise en œuvre souffre de défauts liés à l’urgence et la précipitation (dictées par des impératifs électoraux) qui caractérisent toute cette réforme du lycée. Celle-ci devrait être aménagée. Mais cela supposerait qu’on entende la parole des acteurs que sont les enseignants (et les élèves). Or, l’écoute et la concertation ne semblent pas être le style de la maison… »

Et puis, comme une constante, les échos des luttes, des mécontentements impriment leurs dissonances. Cette semaine, ce sont les assistants d’éducation qui donnaient de la voix comme à Carcassonne. « Ils ont une profession dans le public, mais ne sont pas considérés comme un métier de l’Éducation Nationale » constate l’Indépendant dans un article consacré à un collectif local.  » A Millau, «pour faire valoir l’inéquité qui frappe le lycée Jean Vigo dans la répartition des moyens» les enseignants ont choisi d’organiser « un grande quine de l’éducation …. qui sera doté non pas de paniers garnis mais d’heures de soutien, options, enseignements de spécialités, cours de langues, de musique et autres« .

On trouve trace aussi d’archaïsmes, d’interprétations pudibondes. François Morel dans son billet hebdomadaire sur France Inter s’étonne, avec son humour poétique, de représentations théâtrales interdites à des classes de Sarcelles. « A l’issue de la première représentation, des parents d’élèves accompagnant les classes se sont plaints auprès du directeur de leur école primaire pour dire à quel point le travail de la compagnie était choquant du fait qu’ils interprétaient une chanson de Pierre Perret intitulée « Papa, Maman » parlant de la reproduction. » Sa lettre ouverte et radiophonique souligne joliment, efficacement, les contradictions d’un en-même temps où se mélangent hommage et gémonies. « Si vous pensez que l’auteur du Zizi et de Lily est un personnage indigne, scandaleux, subversif et dangereux, ne serait-il pas temps de songer à débaptiser toutes les écoles Pierre Perret qui partout en France ont fleuri, de Castelnaudary à Soligny-la-Trappe, de la Chaize-le-Vicomte à Clavettes, de Miribel à Angers ? »

Effets Covid

Annoncés avec force médiatique, les auto-tests sont arrivés trop tard ou pas attendus ou avec des directives inapplicables,  bref un fiasco (caramba encore raté). « Promis par JM Blanquer pour le 10 mai, les autotests destinés aux élèves étaient en cours de livraison le 17 mai. Pour autant ils ont peu de chances d’être utilisés. Le conditionnement impose un protocole que les syndicats de personnels de direction ont rejeté. Et la demande du coté des élèves est très faible alors que l’année scolaire sera bientôt terminée. Les 60 millions d’autotests pourraient bien rester inutilisés. » tel est le constat dressé par François Jarraud.L’effet COVID se manifeste aussi dans des faits contredisant les annonces, marketing versus efficacité.

Et puis, il y a les incidences diffuses, à bas bruit mais tellement conséquentes sur l’avenir des lycéens. Europe 1 s’interroge. « Comment évaluer les dossiers de candidats sur ParcourSup, alors que la majorité des élèves de terminale n’ont pas été évalués au cours de cette année, bouleversée par la crise sanitaire, que par le simple contrôle continu ? ». Et relaie les inquiétudes d’enseignants.  » Jusqu’à se demander si les bulletins n’auraient pas été gonflés par les lycées pour contrebalancer une année scolaire bouleversée par le Covid-19. »

Une enquête de Santé Public France montre que les adolescents, et encore plus les adolescentes, souffrent particulièrement d’isolement en période de confinement. Le constat s’accentue en fonction de la situation sociale et familiale. « Les enfants de familles monoparentales ont ressenti davantage de détresse (25,9 % contre 22,2 % pour les autres enfants), ainsi que ceux dont les parents avaient un niveau d’études inférieur ou égal au bac (52 % contre 45,5 %). » relaie Libération. La note d’information du Ministère de l’Éducation sur  le dispositif d’évaluation des conséquences de la crise sanitaire souligne :  « Quelles que soient les dimensions interrogées, les filles ont moins bien vécu le confinement que les garçons. La peur du coronavirus a plus touché les élèves plus jeunes, les filles et les élèves scolarisés en éducation prioritaire« .

« Les gouvernements devraient agir rapidement pour réparer les dégâts sans précédent causés à l’éducation des enfants par la pandémie de Covid-19, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. » Au niveau mondial, les dégâts sur les enfants et les adolescents sont à la fois tangibles et inégalitaires, accroissant les inégalités. « Parmi eux, figurent les enfants vivant dans la pauvreté ou dans une condition proche de la pauvreté ; les enfants atteints de handicap ; les minorités ethniques et raciales ; les filles vivant dans des pays marquées par de fortes inégalités entre les sexes ; les enfants lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) ; les enfants des zones rurales ou des zones touchées par un conflit armé ; et ceux qui sont déplacés, réfugiés, migrants et demandeurs d’asile. » alerte Human Rights Watch qui appelle  les gouvernements à « analyser les phénomènes de déscolarisation et de rescolarisation et s’assurer que les campagnes en faveur du retour à l’école incluent tous ceux qui ont renoncé à s’y rendre, notamment par le biais d’avantages financiers et sociaux. »

Univers Sup’

Le Président de la République, Lui-Même, était au pupitre le 20 mai pour préparer la rentrée « 100 % présentiel » de l’enseignement supérieur avec les présidents des Universités et des grandes écoles. « Avec l’objectif que tous les étudiants puissent revenir sur les campus, tous ont convenu de mettre en place une « pré-rentrée vaccinale », juste avant la rentrée, qui permette à tous les étudiants pas encore vaccinés de l’être, pour une rentrée sanitairement plus sûre. Parmi les pistes étudiées, le recours maximum aux autotests, qui pourraient être distribués gratuitement, des créneaux prioritaires de vaccination ou encore des vaccinations sur les campus.« relaie Ouest France. Une piste de recyclage des tests non utilisés dans le secondaire ?

Les campus connectés se déploient sur le territoire français. « Permettre aux jeunes, où qu’ils soient en France, d’accéder aux grandes universités sans pour autant quitter leur ville : tel était l’engagement pris par Emmanuel Macron à l’issue du grand débat national. À la rentrée prochaine, 89 campus connectés ouvriront leurs portes, dont trois dans l’académie de Lille, au Touquet, à Maubeuge et à Saint-Omer. » explique la Voix du Nord. La presse quotidienne régionale fait écho à ce déploiement comme en Occitanie où la rectrice le détaille dans la Dépêche du Midi. Aux antipodes, le lycée des îles Sous-le-Vent à Raiatea fête ses soixante ans avec  comme nouveauté « l’ouverture prochaine du premier campus scolaire de l’Université de la Polynésie française, au sein même de l’établissement. »

A Sciences-Po Grenoble, l’heure est beaucoup moins aux réjouissances. « Pour remédier au « climat très dégradé » ayant mené aux tags accusant des professeurs d’islamophobie et de fascisme, le 4 mars 2021, la mission de l’IGESR mandatée par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, recommande des évolutions structurelles. » EducPros analyse les conclusions du rapport. Du rififi dans une grande école avec comme ingrédients lutte intestine entre enseignants, cyberharcèlement et montée en mayonnaise par des étudiants. C’est pas mieux non plus du côté des grandes écoles de commerce : violences sexuelles, intégrations humiliantes, train du vomis et alcool qui coule à flot. L’interview du journaliste Iban Raïs dans l’émission Secrets d’Info de France Inter est pour le moins édifiante.

La démocratisation de l’enseignement supérieur aura-t-elle raison d’une fabrique de l’élite délétère ? Des initiatives ça et là œuvrent pour que le parcours universitaire soit accessible à tous les profils. EducPro se penche sur les parcours individualisés nés de la loi ORE, relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. « Le nombre d’étudiants suivant un aménagement de parcours en première année de licence a aussi fortement augmenté en 2019 : plus de 25.600 sont inscrits dans ces parcours pour la première fois, soit plus 73% en un an. Cette forte hausse s’explique notamment par l’augmentation du nombre d’établissements proposant ces cursus. Pas moins de 62 universités ont ainsi mis en place ces aménagements de parcours contre 46 l’année précédente. » Bacheliers de la filière générale n’ayant pas obtenus de mention, étudiants issus d’un cursus professionnel ou technologique, les profils sont variés avec deux cursus qui se distinguent : sciences et STAPS. Nous voyons aussi émerger des classes passerelles entre le lycée et l’enseignement supérieur. Une année pour peaufiner son projet d’orientation, se remettre à niveau, faire des stages c’est ce que propose le Diplôme Universitaire PAREO dont l’Étudiant se fait l’écho.

La poursuite d’études en troisième cycle a aussi sa plateforme. L’Étudiant énonce les changements prévus pour Trouvermonmaster : passage obligatoire en 2023, élargissement du nombre de places offertes en 2022, etc. Le Figaro Étudiant explique quant à lui le décret du 19 mai émanant du ministère de l’Enseignement supérieur «modifiant les conditions dans lesquelles les titulaires du diplôme national de licence non admis en première année d’une formation de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle

Bulles

Prenons un peu de recul et de la hauteur. Marie Duru-Bellat dans The Conversation et François Dubet dans Alternatives Économiques  (réservé aux abonnés) explorent les mythes de la méritocratie.  « En 1958, Michael Young, un sociologue anglais proche des travaillistes, publiait un essai prophétique, The Rise of Meritocracy (Harmondworth, Penguin Book) prédisant que le règne de la méritocratie ajouterait « l’humiliation à l’injustice » : les élites dirigeraient au nom de leur mérite scolaire, les autres mériteraient leur sort en n’ayant pas réussi dans la compétition scolaire. Les classes populaires abandonneraient les partis de gauche et choisiraient les populismes mobilisant leur ressentiment contre les élites de « l’intelligence ». Soixante après, la prophétie s’est réalisée au-delà des pronostics les plus sombres. » expose le second.  « La méritocratie s’avère donc doublement fonctionnelle : pour la société, puisque les inégalités sociales, qui ne faiblissent pas, apparaissent justifiées, et pour les personnes (notamment les plus diplômées, qui se trouvent être aussi les élites dirigeantes), puisqu’elle apporte le confort moral de devoir son succès à ses seuls mérites. » semble illustrer la première.

Dans la Croix, « Denis Peiron affirme la nécessité de l’erreur dans l’éducation. Un droit à la faute qui serait la condition même de l’apprentissage. »  » À rappeler aussi tout ce que l’erreur peut avoir de créatif. Combien d’œuvres marquantes sont nées d’un trait raté ou d’une tache, bien loin des intentions premières de l’artiste ? » la mention de la créativité renvoie au dernier numéro des Cahiers Pédagogiques dont le dossier porte sur la thématique « Enseigner la créativité ». « Les retours d’expériences se rejoignent pour reconnaitre le rôle positif joué par la créativité dans la découverte de soi, et la joie de vivre une expérience forte au sein du groupe. Le lâcher prise et l’ouverture d’esprit sont des facteurs essentiels pour libérer la part de créativité présente en chacun mais trop souvent empêchée. Dynamisante, permettant l’irruption de la sensibilité et de la subjectivité, elle enrichit autant les élèves que les professeurs. »exposent Angélique Libbrecht et Caroline Elissagaray, les coordonnatrices du dossier. Si le sujet vous intéresse, un webinaire est organisé le 9 juin. Les inscriptions sont ouvertes ici.

La revue de presse vous est servie cette semaine (en terrasse ou pas) par Monique Royer

Sur la librairie des Cahiers pédagogiques

N° 568 – L’évaluation pour apprendre

Dossier coordonné par Sylvie Grau et Isabel Pannier

Mars-avril 2021

Sans évincer la dimension critique des débats sur l’évaluation, notre dossier est centré sur le lien entre l’évaluation et les apprentissages du point de vue de l’élève, pour mieux comprendre en quoi ce jugement permet à l’élève d’avancer, par son effet sur sa motivation, ou sur ses connaissances et compétences.

 

Suggestions thématiques:

Construire ensemble l’école d’après

Sylvain Connac – Jean-Charles Léon – Jean-Michel Zakhartchouk

En coédition avec ESF Sciences humaines – Aout 2021

L’école « d’après », un vain slogan, un conte de fées pour ceux qui penseraient que, aux lendemains de la crise sanitaire, une autre école va naître, plus juste, plus en prises avec le monde ? Ce livre, coordonné par des pédagogues engagés, et fruit d’un travail collectif avec le réseau du CRAP-Cahiers pédagogiques, contient de nombreuses propositions pour passer du slogan  à la mise en œuvre : comment utiliser à bon escient les outils du numérique, comment modifier programmes et pratiques pour penser le monde actuel (parcours santé, esprit critique…), comment intégrer le respect de l’environnement dans le quotidien de l’école, comment prendre mieux en compte les familles, comment au quotidien, lutter contre les inégalités.

 

Travailler avec le dessin de presse

Dossier hors-série coordonné par Florence Castincaud

Juin 2018

Faire entrer le dessin de presse dans la classe : pourquoi ? Comment ? Parce que le trait de crayon est un outil alternatif pour faire entrer dans l’analyse et la réflexion, parce que le dessin génère des pratiques nouvelles, parce qu’il ne laisse personne indifférent, parce qu’il offre un vrai espace à la liberté de pensée. Mais lire et comprendre un dessin de presse, cela s’apprend ! Témoignages de professeurs, de dessinateurs, récits de pratiques et bien sûr florilège de dessins !