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Revue de presse du 18 septembre 2022

L’as-tu reçu ? Quoi donc ? Le courrier du président aux enseignants. La missive envoyée à la veille du week-end ne passe pas comme une lettre à la poste. Le Président aurait-il des fausses bonnes idées, lancées à la ronde ? Le collège et le lycée professionnel pourraient en faire les frais à leur tour. Pourtant, aussi bien du côté des chercheurs que des enseignants sur le terrain, des idées se débattent, des projets se partagent pour faire évoluer et changer le système.

Illustration Fabien Crégut

Bafouille et mots doux

« Le chef de l’État a souhaité écrire à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale afin de leur témoigner toute sa gratitude, notamment après la période Covid, et expliciter la révolution copernicienne qu’il avait présentée le 25 août à la Sorbonne, a précisé l’Élysée dans un communiqué. » relaie Sud-Ouest. On note au passage que l’enseignement agricole ne semble pas inclus dans les récepteurs. Passons, passons.

« La lettre qu’Emmanuel Macron vient d’adresser aux « professeurs et personnels de l’Education nationale » ressemble plus à celle envoyée par Nicolas Sarkozy il y a quinze ans aux « éducateurs« » qu’à celle qu’il avait envoyée il y a cinq ans aux « enseignants », décrypte Claude Lelièvre.

Dans Le Monde :(abonnés) « Pour l’historien Yann Forestier, c’est bien en redonnant aux enseignants la maîtrise de leur métier qu’on lui redonnera du sens. Et pour redonner confiance à la profession, les questions salariales ou celles d’affectation doivent être résolues en priorité »

Pendant que le président choisit la voie épistolaire, le ministre se déplace à Montpellier pour l’inauguration d’une école élémentaire. Midi Libre raconte l’évènement «Ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, a inauguré l’école Samuel Paty, hier. Jamais un ministre de l’Éducation nationale n’avait inauguré une école à Montpellier. Et jamais une telle cérémonie n’avait été autant chargée en émotion. Il y avait les sourires des enfants, l’émotion des adultes, le magnifique portrait en noir et blanc de Samuel Paty, le drapeau bleu-blanc-rouge qui recouvrait la plaque. » Le quotidien avait invité à l’occasion des lecteurs pour dialoguer avec le ministre : « Conscient de la crise de vocation, il a estimé nécessaire de « revaloriser socialement le métier de professeur. Sans eux, on ne fera rien ». »

Le collège était aussi à l’ordre du jour du déplacement, signale Capital “Après le lycée pour son prédécesseur, le collège va-t-il faire l’objet d’une vaste réforme ? La réponse pourrait être positive à la lecture de l’interview du ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, donnée à nos confrères du Midi Libre, samedi 17 septembre. Le responsable politique veut maintenant « s’attaquer au collège », estimant qu’il est « l’homme malade du système » scolaire avec un niveau « faible », notamment en mathématiques et langues vivantes, a-t-il expliqué dans cet entretien.” Mais la fonction triage du collège ne semble pas remise en cause.

Valoriser, revaloriser qu’ils disaient

Capital s’exclame « Bonne nouvelle pour les enseignants. La revalorisation salariale tant attendue sera effective à la rentrée 2023. C’est ce qu’a annoncé lundi 12 septembre le ministre de l’Éducation nationale. Sur Franceinfo, Pap Ndiaye a ainsi assuré qu’à la rentrée prochaine, aucun enseignant ne toucherait moins de 2.000 euros par mois. »

« Enseignants : rémunérer les heures supplémentaires rendrait-il le métier plus attractif ? » s’interroge Angélique Chassy dans The Conversation. « A la rentrée 2022, ce « surtravail éducatif » a été appuyé par le chef de l’État qui a proposé, au-delà d’une revalorisation générale des salaires, de rémunérer les enseignants pour des missions supplémentaires de suivi et d’encadrement qui seraient rémunérées. Cette annonce récente fait écho aux normes du management dominant, basées sur la recherche de la performanc»

Julie Higounet,responsable du pôle développement professionnel de Mission Laïque française publie une tribune dans Forbes où elle souligne «Les enseignants doivent “apprendre à habiter des rôles professionnels” (L.Ria)  qui dépassent le cadre de l’enseignement en classe. L’enseignant coordonne des projets, pilote des expérimentations et gère des partenariats. Et même dans le cadre de la classe les révolutions à opérer donnent le vertige tant la recherche en neurosciences a fait bouger les lignes. Il s’agit de changements de paradigmes majeurs qui interrogent les représentations de la profession.»

Laurence de Cock préface une « lettre à une enseignante » : « C’est un texte fort, parfois violent qui dit en substance : « vous n’accomplissez pas la tâche pour laquelle vous êtes là : faire réussir les élèves comme nous » ». Écrit dans les années 60 et par des élèves d’une école rurale du fin fond de l’Italie, il n’est pas utile de faire preuve d’une grande imagination pour transposer les critiques adressées par les huit élèves au système scolaire français actuel. » explique-t-elle au Café Pédagogique.

Le site relaie également l’inquiétude des personnels de direction. «On a l’impression que l’on doit être devant la télévision tous les soirs pour connaitre la feuille de route du lendemain ». Le SNPDEN, premier syndicat de personnels de direction, marque ses distances avec les annonces d’E Macron qu’il juge toujours tardives. Qu’il s’agisse du calendrier du bac ou de la réforme du lycée professionnel, le syndicat demande de la concertation et des éclaircissements. Il invite même le ministère à faire le bilan de la réforme précédente avant d’en entamer une nouvelle… »

La loi du marché

L’éducation est décidément la marotte du président. L’enseignement professionnel en fait les frais avec l’annonce d’une réforme fraîchement accueillie. « Emmanuel Macron consacrera, mardi, un déplacement à l’enseignement professionnel. L’augmentation de 50 % des temps de stage pour les lycéens se fera dès septembre 2023, assure la ministre déléguée, Carole Grandjean. Le rapprochement avec les entreprises doit aussi passer par la gouvernance des lycées. » lit-on dans les Echos. Un rapprochement souhaité dès la 5e, « « Il faut informer mieux et plus tôt les élèves et leurs familles pour qu’ils choisissent mieux leur orientation plus tard », explique Emmanuel Macron. Dès la classe de cinquième au collège, votre emploi du temps pourrait contenir des journées ou demi-journées Avenir professionnel pour vous informer sur le monde du travail : les entreprises entreront au collège pour échanger avec vous sur leurs métiers, leurs besoins de compétences, et les opportunités pour vous. » (L’Étudiant)

Ça fait des heureux sur BFM « Jean-Marc Daniel: “Il y a une intention d’afficher que le rôle des entreprises dans la formation est déterminant et qu’il doit y avoir une association systématique entre le monde du travail, les entreprises et les futurs salariés.»

Beaucoup moins du côté des syndicats enseignants, relaie l’Etudiant : « Les pistes dessinées par l’exécutif inquiètent plus qu’elles ne rassurent. Cinq jours après ces annonces, une intersyndicale réunissant l’ensemble des organisations (CGT Educ’Action, CNT-FTE, SE-Unsa, Snalc, Snuep-FSU, Snetaa-FO et Sud Éducation) s’est tenue. Dans leur communiqué, elles évoquent un constat unanime : « l’inquiétude est réelle en cette rentrée et ces annonces présidentielles laissent planer une menace forte pour l’avenir des lycées professionnels, des PLP (professeurs de lycée professionnel) et des élèves de la voie professionnelle au sein du service public d’éducation. »

Emmanuel Macron tente de rassurer : « « Cette réforme on va la faire avec les enseignants, les parents, les élèves et avec le tissu des entreprises. Associer à la gouvernance du lycée l’entreprise est la clé » (Café Pédagogique). « «Dans les prochains mois, il y aura un énorme travail de concertation qui va se faire (…) et partir du terrain, comme d’ailleurs le reste de la réforme de l’Éducation nationale», a déclaré le président de la République Emmanuel Macron, ce mardi 13 septembre, au sujet de la réforme de l’enseignement professionnel qu’il qualifie d’«énorme chantier». » (Le Figaro Etudiant)

Daniel Bloch, « « père » du bac professionnel, créé en 1985 » explique sa déception à l’Etudiant, « Je propose de porter la durée de préparation du CAP de deux à trois ans, en rehaussant le niveau de compétences à vérifier à l’examen. Cette année supplémentaire pourrait être consacrée pour moitié à la formation générale et pour l’autre à des périodes de formation en milieu professionnel. »

« L’absence (ou la faiblesse) de la mixité sociale dans les écoles et les établissements scolaires suscite spontanément de la réprobation, voire de l’indignation. L’enjeu est de taille, la scolarité et les diplômes déterminant fortement (et particulièrement en France) le destin de chacun. Pourtant, œuvrer pour la mixité sociale ne semble pas faire l’unanimité ni entraîner de réelle volonté politique et citoyenne pour la rendre effective. Futuribles a interviewé Aziz Jellab sur cet enjeu, aussi important que rarement traité frontalement par les politiques publiques » Un entretien à lire pour éclairer les enjeux et risques de la réforme de l’enseignement professionnel.

Passe tes évaluations d’abord

« Les évaluations nationales de début de CP, CE1 et 6e ont débuté cette semaine. Beaucoup d’enseignants contestent toujours leur utilité. », expose vousnousils. « Enseignante en CM1, Emilie rappelle que « plutôt que de recevoir des livrets d’évaluation de CM1, on a besoin d’enseignants. On fait des évaluations pour voir les difficultés des élèves, mais après on n’a pas d’enseignants spécialisés pour les aider scolairement, ni de psychologue scolaire pour les accompagner ».

La pression monte aussi du côté des lycéens.« A quelle date les élèves de terminale passeront-ils leurs deux épreuves de spécialité pour le baccalauréat ? La réforme de Jean-Michel Blanquer entre dans sa quatrième année d’application, et la question du calendrier de ces deux épreuves nationales, comptant pour 32 % de la note de bac des élèves, est en suspens.» (Le Monde)

Louise Tourret a consacré son émission hebdomadaire « Être et savoir » au stress lié notamment aux évaluations. « Qu’est-ce que le fait d’être notés, évalués, jugés, à l’école et dans leur vie, produit chez les adolescents ? Quelles pistes pour que le désir de réussite ne se transforme pas en peur de l’échec ? »

« Jusqu’où faut-il pousser nos ados ? » : pour une année sans stress au lycée », plaide La Croix (réservé aux abonnés). « Réforme du bac, Parcoursup… Dès la seconde, les lycéens et leurs parents sont plongés dans les arcanes de l’orientation. Les premiers doivent faire des choix essentiels ; les seconds ont du mal à les y aider, le bac n’ayant plus grand-chose à voir avec celui qu’ils ont connu. Les uns et les autres aimeraient relâcher la pression. »

Dans le même journal (et toujours réservé aux abonnés), « la chercheuse et maîtresse de conférences en psychologie de l’orientation au Cnam Emmanuelle Vignoli » modère le propos en expliquant : « L’anxiété est normale et utile en matière d’orientation ».

Vers le bac et au-delà

Les bacheliers, sans solution d’affectation en enseignement supérieur, étaient encore cette semaine en attente des résultats de Parcour’sup. « La « phase complémentaire », pour les candidats pas encore affectés, prend fin le 16 septembre. Opacité, stress… Cette année encore, la plate-forme alimente les critiques. Des améliorations sont promises par le gouvernement. » (Le Monde, réservé aux abonnés).

Le gymkhana de l’orientation ne cesse pas, une fois la porte de l’enseignement supérieur franchie. Une plateforme est annoncée pour faciliter les candidatures en Master, annonce France-Info. « Avec cette nouvelle plateforme, les étudiants déposeront un seul dossier pour postuler dans différents masters, a assuré la ministre de l’Enseignement supérieur ».

«La lutte contre précarité étudiante, par le biais des mesure d’urgences qui ont été pérennisées, mais aussi pour la vie quotidienne future des étudiants, est l’autre fer de lance du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. », Studyrama détaille les annonces de Sylvie Retailleau.

Une tribune intéressante à lire dans le Monde (abonnés), signée par un collectif de quatre chercheurs qui montre « que les universitaires dont les travaux s’inscrivent dans plusieurs disciplines sont défavorisés par leurs pairs, car considérés comme une menace pour le statu quo des disciplines.”

Le monde tel qu’il va

Comment prendre en compte le dérèglement climatique, comment enseigner la transition écologique ?. Kaizen est allé voir à Copenhague. « Den Grønne Friskole, littéralement « école verte libre (1) », se distingue dans le paysage éducatif danois par sa formation axée sur l’environnement et la transition écologique. Au-delà des traditionnelles mathématiques ou de l’histoire, les élèves apprennent ici à jardiner, à cuisiner, ou encore à décrypter le greenwashing.”

L’Economiste du Bénin relaie le rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui « alerte sur les multiples crises qui freinent le progrès. »  « Le monde cherche par tous les moyens à répondre aux crises consécutives. Nous avons vu avec le coût de la vie et les crises énergétiques que, s’il est tentant d’y apporter des solutions rapides comme les subventions aux combustibles fossiles, les tactiques de secours immédiats retardent les changements systémiques à long terme que nous devons apporter », déclare Achim Steiner, Administrateur du PNUD. »

La question de l’égalité filles-garçons, de la lutte contre le sexisme et les discriminations, reste d’actualité à l’heure où l’on débat encore sur le crop-top ou « chandail bedaine » pour les québecois. (JDD pour les abonnés) A la suite des déclarations de Pap Ndiaye sur France Info affirmant « Nous devons parler de sexualité à l’école », «Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), a également plaidé le lendemain pour le développement de l’éducation sexuelle à l’école. « Il faut s’y prendre le plus vite possible, dès le primaire, il y a des enseignements à faire, adaptés à chaque âge, pour que dès l’enfance, l’égalité, le respect, le consentement soient intégrés dans les psychologies », a-t-elle déclaré à l’Assemblée, où elle était auditionnée », lit-on dans 20minutes.fr .

Le monde de l’éducation tel qu’il va, ce sont des faits et des idées, des propositions étayées pour améliorer ou changer le système. Mais sont-elles lues, entendues par Emmnauel Macron avant qu’il ne lance à la volée ses propres vues ? The Conversation propose un débat « Face à la pénurie d’enseignants, repenser un système à bout de souffle« , revenant sur les prévisions de l’OCDE en 2005 sur la pénurie d’enseignants : « L’OCDE proposait alors une stratégie d’action en cinq axes : faire de l’enseignement un choix de métier attrayant ; renforcer les connaissances et les compétences des enseignants ; recruter, sélectionner et employer les meilleurs enseignants possibles ; retenir les enseignants de qualité dans les établissements scolaires et faire participer les enseignants à l’élaboration de la politique. » Jean-Pierre Veran mentionne quant à lui : « une école tisserande » pour grandir singulièrement et collectivement en humanité, tel est l’objectif dessiné dans le livre d’entretiens publié récemment par Abdennour Bidar et Philippe Meirieu. Pour une école vraiment tisserande, quelle politique des savoirs ? » Sur le site de l’Observatoire des Inégalités ; une interview de François Dubet dessine des pistes : « Les inégalités scolaires ne se sont pas réduites mais déplacées. Résultat : les vaincus du système scolaire se défient des valeurs démocratiques. Il faut repenser l’école pour éduquer à la confiance en soi, à la solidarité et à la tolérance, sans humilier personne.»

L’école telle qu’elle va, ce sont des projets qui la font grandir sans que l’on s’y attarde suffisamment. Deux exemples sur notre site cette semaine.  « Aborder l’histoire à travers l’intime : « Des lycéens qui se passionnent pour la Commune. C’est ce qu’a réussi Cécile Touche, professeure d’histoire-géographie au lycée Saint-Louis à Lorient (Morbihan), en proposant à ses élèves de 1re d’écrire le journal intime du géographe communard, Émile Giffault, inspirés par le travail de Raphaël Meyssan proposé dans les ressources d’Educ’ARTE. »

« L’effervescence de la base : Pendant que le système éducatif est en crise, l’école palpite toujours, forte des réseaux et des coopérations qui se créent et se multiplient à l’initiative des enseignants. Julien Crémoux, directeur et professeur des écoles en cycle 3 à Nuits-Saint-Georges (en Côte-d’Or), fait partie de ceux qui vivent leur métier sur un mode collectif pour adapter sans cesse leurs pratiques pédagogiques. ».

Merci à ces professeurs et à ceux qui œuvrent au jour le jour pour une éducation émancipatrice. Puisse leur engagement reconnu et valorisé à leur juste mesure.

A la confection de la revue de presse cette semaine Monique Royer avec des ingrédients collectés par Bernard Desclaux et une illustration de Fabien Crégut.


 N° 577 – QUE NOUS APPORTENT LES MÉTHODES ?

Coordonné par Céline Walkowiak et Grégory Delboé, mai 2022

Dans quelle mesure la méthode s’impose-t-elle pour apprendre ou au contraire constitue-t-elle un obstacle voire une impasse ? Les méthodes, faut-il les transmettre ou les laisser se construire ? Et finalement, une éducation qui vise l’émancipation des sujets peut-elle se priver de méthodes ?

  N° 576 – FORMER LES ÉLÈVES À LA COOPÉRATION

Coordonné par Sylvain Connac, Cyril Lascassies et Julie Lefort

Il ne suffit pas que quatre élèves travaillent ensemble pour qu’ils en tirent un bénéfice. Sans précautions spécifiques, la coopération peut même décourager les plus fragiles. Un des leviers pour que la coopération soit profitable à tous est la formation des élèves à la coopération, pour leur expliciter les attendus.