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Retour (provisoire) à la classe en visioconférence

Et c’est reparti, il est 9 heures et je suis devant mon ordinateur pour la première visioconférence de l’année avec les premières L2. Le confinement et ses situations d’enseignement à distance se rappelle à notre bon souvenir.

Deux jours plutôt, un enseignant entrait dans la salle de classe pendant le cours et leur annonçait la mine déconfite qu’il leur fallait rentrer chez eux : les autorités de santé venaient de prévenir l’administration d’un cas positif parmi les élèves de l’établissement. Devant la complexité de la situation, on ne pouvait cantonner la quarantaine à la classe concernée et c’étaient 1200 personnes, élèves et personnels de la cité scolaire qu’on renvoyait à la maison.

Le lendemain, tout le monde était testé dans l’enceinte du lycée avant de rentrer chez soi et se mettre au travail sur la plateforme en ligne de la Sarre, la bien-nommée OSS, Online Schule Saarland.

La procédure retenue en Sarre et en Allemagne en cas de personnes positives à la Covid-19 est en effet différente de celle en France. On recherche dès réception rapide du résultat positif du test (cela va plus vite qu’en France) les cas contacts, on les teste et on les place en quarantaine. Ceci est valable pour les établissements scolaires, les crèches ou n’importe qui. Pour le moment, cela semble limiter la progression de la pandémie en Allemagne, associé à des mesures de port du masque ou de distanciation physique.

Petit-déjeuner en visio

Me voici donc devant des jeunes âgés de 15 à 18 ans, en train de prendre leur petit déjeuner en pyjama dans leur lit pour la plupart, et de leur demander des nouvelles. Aucun de nous ne soupçonnait une mise en quarantaine avant même la fin du mois de septembre et cet enfermement non consenti était un véritable coup de massue.

Reprenant les habitudes du confinement, je leur propose un tour de table autour de plusieurs questions, avant de les laisser partager leurs inquiétudes et leurs interrogations et tenter d’y répondre. Nous avons fait cela quasiment de façon hebdomadaire au milieu de la période de confinement. Les élèves m’ont dit à la reprise en présentiel avoir apprécié ces temps d’échange et d’écoute. Un moment où ils sortent de leur foyer virtuellement, en quelques sorte.

Pour cette visioconférence, j’avais proposé les questions suivantes :

  1. Votre sentiment depuis le placement en quarantaine ?
  2. Vous allez en profiter pour faire quoi ?
  3. Ce qui me manque le moins.
  4. Ce qui me manque le plus.
  5. Quelle est la réaction de votre entourage ?

Cela nous a fait du bien à tous, et comme j’avais déjà la classe l’année passée, je sais que ce moment partagé est apprécié de tous, moi le premier.

Dans ce moment d’échange, nous constatons que nous vivons des instants similaires. Le professeur principal prend alors un rôle d’accompagnant dans cette période difficile. C’est ce qui me plaît, aider les élèves à trouver leur voie dans les conditions de vie perturbées qui sont les nôtres. Je leur répète souvent que je n’aurais pas aimé vivre cela à leur âge et ce ne sont pas les parents d’enfants de cet âge qui me contrediront.

Leurs réponses sont assez homogènes. Les élèves témoignent avec leurs mots, en français comme en allemand de la difficulté à revivre un confinement. Leurs amis et le quotidien leur manquent. Mais ils ne regrettent pas le réveil qui sonne tôt ou les temps de transport. Certains en profiteront pour cuisiner pour leur famille, tandis que d’autres souhaitent travailler les lacunes mises en évidence en ce début d’année.

Vie familiale, rumeurs et recettes de cuisine

Les réactions de l’entourage sont variées. Dans certaines familles, l’enfant en quarantaine est isolé dans sa chambre et doit mettre un masque lors de ses déplacements au sein du foyer, dans d’autres, la situation est inchangée. Une élève témoignait de la détresse ressentie lorsque sa sœur a annoncé vouloir déménager pour quelques jours, et une autre évoquait l’impossibilité de sortir en cas de conflit familial. Les enfants de couples séparés ne peuvent pas choisir de se rendre sur un coup de tête chez l’autre parent.

Dans la séance de questions libres, les élèves ont posé beaucoup de questions sur la situation sanitaire de l’établissement et les informations en ma possession. Les rumeurs vont toujours bon train et c’était également l’occasion de poser la base de rudiments en éducation aux médias.

En fin de visio, j’ai également proposé un document collaboratif de recettes à réaliser à la maison pendant cette quarantaine. Les élèves s’en sont emparé et j’espère avoir bientôt le droit de goûter à quelques réalisations !

La quarantaine n’a duré que six jours, du 22 au 28 septembre, puisqu’à l’issue de ce délai, deux semaines s’étaient écoulées depuis la dernière venue de l’élève testée positive dans l’établissement.

Adrien Guinemer
Professeur de mathématiques en lycée


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